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Un dépôt de bétail défie les barrières communautaires au Bénin
Découverte
Un dépôt de bétail défie les barrières communautaires au Bénin
Ange Banouwin 🇧🇯
Ange Banouwin 🇧🇯
March 18, 2025

A 45 km de Cotonou, sur un trajet d’environ 1h 30 mn, se situe le principal dépôt de bétail au sud du Bénin.  Ce lieu de convoyage depuis le Niger, le Burkina, le Mali et le nord Bénin, est un espace de 9 hectares, dont 6 clôturés pour la vente de bétail, et 3 dénivelés servant de parking pour les camions. Ce centre commercial, construit dans la commune de Zè, est objet de curiosité pour son melting-pot et son originalité.

Burkinabès, Nigériens, Maliens, Béninois et autres, vivent ensemble à Zè. Fruit du dépôt de bétail implanté dans cette commune périphérique de Cotonou. Pour y arriver, il faut dévier sur la route inter-Etats Niamey-Cotonou au carrefour Zè-Plaque et faire environ 15 kilomètres sur un bitume qui mène à Zè-Centre. 

Le bétail est souvent convoyé les lundis et vendredis au dépôt de bétail à Zè. Ce lundi matin de février 2025, le bétail était déjà arrivé avant l’arrivée de Dialogue Migration  sur les lieux. Dès l’entrée, des hangars sont à perte de vue. Au milieu, trône une mosquée. Des revendeurs de mouton font leurs affaires avec des clients et d’autres marquent des animaux avant de les faire convoyer vers des points de vente secondaires. On peut dénombrer des centaines de têtes de moutons et de chèvres sahéliennes.

Si les convoyeurs de bétail, y viennent et retournent au terme de leurs séjours, bon nombre de ressortissants du Sahel se sont installés depuis plusieurs années au Bénin et sont des revendeurs de bétail.  

« On est nombreux ici. Il y a les Nigériens, les Burkinabés, les Nigérians, les Maliens, avec les Béninois, qui sont ici », déclare à Dialogue Migration, Abdourazack. De nationalité burkinabè, il est installé sur les lieux dès sa création, depuis bientôt plus de 6 ans.  Abdourazack fait découvrir  sa carte Certificat d’identification personnelle (CIP), délivrée au Bénin, sur laquelle figure sa nationalité.

Un brassage facilité par des réseaux

L’un des éléments de cette cohésion est l’obédience religieuse de la majorité des acteurs de cette activité de vente de bétails.    

« Quand le muezzin fait l’appel, on se retrouve tous ensemble à la mosquée. On prie ensemble, on mange ensemble, on fait les choses ensemble ; on se marie même entre nous. Nous sommes déjà de la même famille. Si on ne vous a pas expliqué qu’on vient de différents pays, vous ne pouvez pas le savoir », justifie Abdourazack.   

Toutefois, il note que par leur comportement on sait qu’ils ne sont pas Béninois. Également,  leur activité est peu pratiquée par des Béninois. « Peut-être à Porto-Novo, à Akpakpa ou Calavi, on peut trouver des Béninois qui exercent cette activité », dit-il. Une descente au Zongo de Calavi a permis de constater qu’à ce lieu, seuls des Béninois mènent l’activité. 

Abdourazack justifie également leur intégration par le fait qu’ils louent chez les autochtones  et leurs enfants grandissent avec les leurs et on ne peut pas les différencier.

Salam, Bénino-nigérien,  de parents tous deux Nigériens, pour sa part, soutient que c’est la relation d’affaire qui solidifie leurs liens, car ils sont interdépendants. « Ceux qui sont ici ne pratiquent pas tous la même religion. Certains Béninois ne pratiquent pas la même religion que nous », relève-t-il.

Conducteur de véhicule bâché, Julien a fini son chargement, lorsqu’il se voit proposer de nouveaux achats. Ses échanges avec le vendeur se font dans une ambiance qui concilie les deux sur son offre. « Si j’achète le cabri, c’est pour aller manger, et non le vendre. Je suis juste venu pour convoyer des bêtes déjà achetées », exprime-t-il.

Bien qu’il soit dédié à la vente de bétail : chèvres, cabris, moutons et bœufs, d’autres activités se développent dans le dépôt, notamment la vente de « tchatchanga » ; ces brochettes de viande de mouton ou de bœuf. Une activité souvent menée par des Nigériens.  Quelques ateliers de couture de boubous prisés par les communautés du Sahel sont sur les lieux. Également, de petits restaurants ou kiosques tenus par des femmes Nigériennes et Béninoises.

Une diversité linguistique mais …

Les communautés qui se trouvent dans ce dépôt de bétails vivent en harmonie, témoignent nos interlocuteurs. Sur les lieux, on croise des locuteurs Peuhl,  Haoussa, Zarma. Aussi, le français est usité par les riverains ainsi que des langues locales du Bénin, notamment avec la clientèle.    

Cette vie en harmonie entre ressortissants de différents pays reste appréciée. « On ne sait pas là où on peut se croiser un jour. Moi je suis né ici de parents nigériens. Si je suis au Bénin, je suis chez moi, si je suis au Niger je suis chez moi », dit Salam. Le jeune homme, d’environ la vingtaine tresse à l’aide de filets de bateau récupérés au port, des fils qui servent à attacher les bêtes. « Les animaux ne viennent pas avec des cordes, on les fabrique et les vend pour les attacher », dit-il.

Toutefois, certaines communautés ont un emplacement précis à l’intérieur du dépôt.  

« Nous sommes tous ensemble, mais les burkinabés on leur emplacement.  Mais comme on est ensemble, on peut dire que nous sommes de la même famille », dit Salam.

De la responsabilité des États 

« C’est l’État qui leur a attribué cet espace et ils y sont. L’État ne peut pas faire quelque chose et on trouvera que c’est mauvais », apprécie la mise en place de cet espace, Jean Vigan, un Béninois, venu acheter un mouton, qu’il emmène vers la sortie. 

« S’ils ne sont pas ici, je n’aurai pas trouvé du bétail à acheter. Je trouve que c’est une bonne initiative et si on peut en faire plusieurs, ce serait bon », dit-il en langue locale Fon, la plus usitée au sud du Bénin. De l’avis de ce citoyen venu de Toffo, une localité voisine, acheter un mouton pour l’élevage,  « on a toujours besoin des ‘’étrangers’’ dans son pays pour booster l’économie et le développement ».  

« On ne distingue rien ici parce que nous sommes tous les mêmes. On ne peut pas distinguer étrangers et citoyens. Car, qui dit citoyen, parle toujours de l’étranger. Parce qu’en réalité nous sommes tous les mêmes. Nous sommes tous dans le même pays, donc on ne peut pas se distinguer », argumente, Mouhamed Salaou, revendeur béninois, originaire de Kandi, au nord du pays.

De sa conception, c’est une bonne chose pour le pays que les ‘’étrangers’’ y viennent. Il relève les difficultés et la cherté du bétail depuis que la frontière entre le Bénin et le Niger est fermée.

« C’est bon de vivre ensemble. Ici, il y a des ressortissants de  différents pays. Ce ne sont pas uniquement les Nigériens et Béninois. Cette cohabitation peut amener  les peuples à s’entendre », argumente Kamillou, ressortissant  de Parakou au Nord du Bénin. Cependant, même si la cohésion est de mise, quelques rares cas de malentendus et intimidations sont dénoncés. D’autres voient l’appellation ‘’baba’’ (père en Haoussa-ndlr) pour désigner ces communautés comme réductrices.


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