
Des ouvriers qualifiés sont-ils recherchés qu’en Occident ? Non, des pays d’Afrique de l’ouest et du continent en général en font usage. Bien qu’on ne parle souvent que de ceux qui vont au Canada, aux Etats Unis, en Europe et autres, les ouvriers qualifiés sont très prisés dans certains pays de la sous-région. Ils proviennent de divers horizons pour porter main forte dans plusieurs domaines. A Porto-Novo, dans la capitale politique du Bénin, les artisans du secteur du bâtiment sont réputés pour leur expertise dans le secteur dans des pays de la sous-région.
Ce jour de juillet 2025, au cœur de Porto-Novo au quartier Ouando, Dialogue Migration est allé à la rencontre de Cyprien Ahouanmènou. Il est menuisier, la trentaine révolue. Quelques coups de rabot, et de marteau, et il se confie. Il fabriquait des présentoirs pour une boutique. Une commande qu’il devrait aller livrer. « Je voudrais bien aller également au Nigéria pour travailler sur les chantiers, mais je n’ai pas encore trouvé quelqu’un de fiable pour m’y emmener », dit-il. Ses apprentis étaient allés sur un chantier dans la ville, apprend-il.
« Je ne souhaite pas aller là-bas errer. S’il y a un grand chantier et on me demande de venir je vais y aller », dit-il.
Ahouanmènou illustre la situation qui force cette ambition de l’ailleurs des ouvriers qualifiés de sa localité à travers un chantier de construction en face de lui : « Vous voyez que la couleur du portail métallique qui est par ici est un peu différente de celle qui est là-bas. Le propriétaire du chantier devait en réaliser trois, mais avec les allers-retours de différents ouvriers, c’est deux différentes personnes qui ont reçu les commandes. En temps normal, ce genre de chantier, c’est une seule personne qui le gère. En dehors d’eux, il y a encore une troisième personne qui fait des vas et viens pour pouvoir faire le troisième ».
Face à la nécessité de recherche d’opportunités d’emplois, indique-t-il, des artisans vont se chercher ailleurs.
« Les artisans vont dans différents pays de la sous-région. Au Nigeria, au Niger, au Burkina-Faso et en Côte d’Ivoire. Entre-temps c’était le Nigéria qui était prisé, mais avec la chute de la monnaie nigériane, le Naira, actuellement, c’est la Côte d’Ivoire et le Niger qui bénéficient de ces ouvriers », dit Bienvenu Bankolé, tenancier d’un centre commercial très animé, logé au cœur d’un espace communautaire. Là-bas, il y a des opportunités de réalisation d’infrastructures et les ouvriers vont de plus en plus dans ces pays, renseigne-t-il.
De ses explications ainsi que celles d’autres personnes interrogées, ce sont des ouvriers qualifiés qui y vont.
« Ce sont des travailleurs qualifiés qui y vont. Ce n’est pas là-bas qu’ils se forment. C’est plutôt ici. Et on n’y va pas pour se former. Là-bas tu dois être performant, sinon tu risques d’essuyer la honte pour incompétence sur le chantier. Puisque là-bas, il faut se faire valoir et montrer ce que l’on sait faire », dit Bankolé.
Arrivé sur un chantier en construction dans une périphérie de la ville, alors qu’il montait la onzième couche de briques lorsque Dialogue Migration l’a aperçu, aussitôt le sujet évoqué que son collègue rencontré au bas du bâtiment évoque son nom.
« Vous allez vous entretenir avec Désiré. Ce sont eux qui vont un peu partout ; au Niger, Burkina, en Côte d’Ivoire et autres pour travailler. Ils sont des internationaux ».
De la logique d’ouvriers qualifiés
La logique d’ouvriers qualifiés est-elle propre à ceux qui vont hors de l’Afrique, généralement au Canada, aux Etats Unis, en Europe et autres ? La réputation des ouvriers (artisans) qualifiés dans des localités du sud Bénin, notamment dans les départements de l’Ouémé et du Plateau illustre une autre réalité.
Dans un studio de musique, un jeune maçon venu pour se faire enregistrer un single l’atteste à travers sa vidéo partagée sur les réseaux sociaux. Il se présente comme de la localité de Ifangni dans le département du Plateau, une commune frontalière au Nigéria. De ses explications, il est un jeune diplômé, et va travailler au Nigeria pour gagner sa vie.
« Généralement, il font plusieurs années là-bas. Par contre chaque année, certains reviennent pendant la période des fêtes de fin d’année, et repartent après. Ils font des réalisations, que ce soit des achats de motos, de parcelles ou de constructions. Une fois là-bas, ils arrivent à économiser pour leurs projets qu’ils viennent réaliser. Le fait d’être loin de chez eux les épargne de certaines obligations quotidiennes même s’ils apportent aussi parfois des soutiens à leurs proches », dit Bankolé.
La réputation des ouvriers qualifiés originaires de certaines localités du Bénin exerçant dans des pays de la sous-région est très reconnue. Certains se sont installés définitivement dans certains pays comme le Gabon, le Congo et le Nigéria où ils vivent depuis des décennies, attestent nos interlocuteurs.