
L’un des éléments de brassage dans la sous-région ouest-africaine reste l’art culinaire. Au Bénin, la cuisine Ivoirienne est l’une des plus prisées des diverses communautés résidentes. Un élément de brassage qui a donné lieu à des restaurants et maquis de renom, avec pour spécialité, des plats typiquement ivoiriens. Également, certains de ces mets sont dans le menu des restaurants et maquis proposant de la cuisine africaine et européenne.
« Les mets Ivoiriens font partie de la demande de la clientèle. Parfois en dehors de notre offre habituelle. On a fini par réaménager le menu pour satisfaire notre clientèle », dit à Dialogue Migration Edith Adah, la tenancière d’un restaurant situé à la périphérie de Cotonou.
Les établissements de restauration en ligne ne font pas exception, intégrant ces plats à leurs menus. Certains privilégient uniquement certains mets ivoiriens comme leur cuisine de prédilection, allant même jusqu’à se faire servir à des heures inhabituelles pour satisfaire leur appétit.
Un tour dans divers restaurants de la capitale économique du Bénin, qui ne dort pratiquement pas, permet de constater la présence de certains mets ivoiriens aux côtés de plats typiquement béninois. « La présence de ces mets est du fait qu’en tant qu’Africain, les goûts culinaires s’exportent d’un pays à un autre. Notre volonté de satisfaire la clientèle fait que nous avons ces mets-là qui sont souvent demandés comme le Attiéké, l’Alloco de la Côte d’Ivoire ou le Tchep du Sénégal. C’est une façon de servir les diversités de goûts », dit Gaspard Avamey, gérant d’un maquis à Fidjrossè plage à Cotonou.
Dans ce restaurant spécialisé en mets ivoiriens situé au cœur du quartier Akpakpa, réputé pour sa notoriété et créé par une ivoirienne la clientèle est triée sur le volet. On peut y voir des fonctionnaires, opérateurs économiques et autres visiteurs qui s’y rendent en quête d’une sensation originale du pays de Houphouët-Boigny. Egalement, s’y draine une forte communauté d’Ivoiriens résidents au Bénin ou de passage dans le pays. Pour ceux-ci, c’est le lieu idéal pour venir se guérir du mal du pays. Retrouver un bout de chez eux et côtoyer les leurs ou des gens qui partagent ou affectionnent la même culture gastronomique qu’eux.
Pour d’autre comme ces Béninois que nous avons rencontré cette mi-journée, il s’agit de satisfaire un désir, d’aller à la rencontre d’autres saveurs, ou encore revisiter un met qu’ils ont apprécié lors d’un voyage à Abidjan ou dans l’une des régions de la Côte d’Ivoire.
Brassage communautaire et gastronomie : diversités et similitudes
A Cotonou, plusieurs événements des communautés résidentes à un volet culinaire. Organisés sous le signe du partage et de la découverte, ces événements culinaires visent à renforcer les liens entre cultures, à travers l’un de leurs plus beaux langages : la gastronomie.
Il est courant de voir l’attrait qu’ont ces moments de dégustation de mets identitaires de ces communautés. Parfois, cela passe même d’une simple curiosité à une affection voire un choix de cœur.
Des mets comme le Attiéké, un plat traditionnel ivoirien, une semoule de manioc fermentée, cuite à la vapeur sont devenus prisés de tous, tant pour leur saveur, et la chaîne de production économique autour. De plus en plus populaire au Bénin, notamment à Cotonou, où il est produit localement, soit de manière artisanale, soit sous forme d’Attiéké-gari (un substitut à base de gari). Ce dernier est très répandu dans les banlieues de Cotonou, et sa vente est généralement tenue par des Nigériens.
A certains points stratégiques de la ville de Cotonou on peut voir des vendeuses de farine de Attiéké crues, tout comme des restaurant, maquis et autres, qui proposent diverses variétés de ce repas.
A cela s’ajoutent des mets apparentés comme le Placali qui est une pâte de manioc fermentée, généralement servie avec la sauce graine, la sauce gombo ou kplala. Au Bénin, il a son similaire qui est dénommé le Agbéli.
Par contre, d’autres mets spécifiques comme le Kédjénou ou le Foutou banane sont en tête d’affiche de certains maquis, ou du riz sauce graine. Notamment dans les maquis spécialisés en mets typiquement ivoiriens, tenus par des Ivoiriens ou des ressortissants du pays dont certains sont établis au Bénin depuis plusieurs décennies.
Les consommateurs loin d’être que des Ivoiriens, sont généralement des Béninois ou d’autres nationalités, qui du fait de leur goût pour ces plats, la recherche de mets exotiques, ou pour leur expériences en Côte d’Ivoire lors d’un séjour, ou simplement pour aller à la découverte d’autres saveurs de la sous-région.
Gastronomie, intégration, et co-création identitaire
Piliers du patrimoine culinaire de la riche tradition des peuples africains, de la chaîne économique à celle culturelle, en passant par l’intégration, c’est toute une dynamique qui est en place avec la gastronomie.
La présence de restaurants et maquis ivoiriens au Bénin témoigne de l’influence de la cuisine ivoirienne et de sa popularité dans le pays. La production locale d’Attiéké, qu’elle soit ivoirienne ou béninoise, montre l’adaptation et l’intégration de ce plat dans la gastronomie béninoise.
Certains jus comme le jus de Bissap, ou encore le Dèguè, dessert à base de semoule de mil et de lait, sont consommés dans plusieurs pays africains comme le Bénin, le Mali, le Sénégal, l’Egypte etc. Avec ses différentes saveurs, les barrières frontalières semblent inexistantes entre divers pays.
A Dialogue Migration, Dr Anoumou Kouassi Rodolphe, enseignant chercheur au Centre d’Excellence Régional sur les Villes Durables en Afrique (CERViDA-DOUNEDON), intervenant au département de sociologie à l’université de Lomé a évoqué la McDonaldisation dans l’alimentation dans les villes africaines. Une forme de fusion identitaire qui s’observe dans les habitudes alimentaires. Une sorte de co-création identitaire.
D’autres mets d’origine ivoirienne, comme le Alloco (plantains frits) sont entrés dans les habitudes au Bénin.
Au-delà des restaurants ivoiriens, des restaurant béninois proposent également certains de ces mets, tout comme ceux d’autres pays comme Thieboudiem du Sénégal, le Yassa de poulet et autres.
La communauté Ivoirienne de par sa cuisine est bien présente et intégrée au Bénin. Ses mets occupent une place de choix dans la diversité culinaire locale du pays. Un symbole expressif d’acceptation et de cohabitation des deux peuples.