Le phénomène migratoire continue d’agiter l’actualité mondiale, alimentant débats politiques et enjeux humains. À l’origine de ces mouvements : la quête de meilleures conditions de vie. Facteurs économiques, changements climatiques, instabilité, chômage… Autant de raisons qui poussent un grand nombre de Tchadiens à quitter leur pays natal, souvent au prix de longs et périlleux trajets vers un hypothétique Eldorado. Selon le Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies (UNDESA), en 2020, 297946 Tchadiens vivaient à l’étranger.

Situé au cœur du continent africain, le Tchad occupe une place stratégique sur la carte des migrations. Historiquement marqué par les mouvements de populations, le pays est aujourd’hui surtout touché par l’exode rural. Les jeunes âgés d’environ 12 et 20 ans quittent massivement les campagnes pour rejoindre les centres urbains, en quête d’un avenir meilleur.

Mais sur le plan international, seule une minorité de Tchadiens, souvent issus de milieux aisés, parvient à s’expatrier vers l’Occident. Ce phénomène soulève la question de la fuite des compétences et de l’appauvrissement du capital humain dans un pays qui a pourtant besoin de toutes ses forces vives. Selon les données compilées par l’OIM auprès des Ministères de l’Intérieur de la Grèce, de l’Italie, l’Espagne et la Malte, plus de 1 723 migrants tchadiens sont arrivés en Espagne, en Italie, en Grèce et en Malte depuis début 2016. En 2023, 208 arrivées de ressortissants tchadiens ont été enregistrées dans trois de ces quatre pays.

En 2023, la diaspora tchadienne en France compterait entre 8 000 et 8 500 personnes. Cette estimation englobe probablement les Tchadiens naturalisés français, les binationaux et leurs descendants.​ 

La position géographique du Tchad renforce son rôle de plaque tournante des flux migratoires. À la croisée de l’Afrique de l’Ouest et de l’Est, le pays constitue un passage stratégique pour les migrants cherchant à rallier le Moyen-Orient notamment l’Arabie saoudite ou à rejoindre l’Europe via l’Afrique du Nord. Carrefour migratoire, le Tchad est à la fois un point de départ, de transit et désormais un acteur engagé dans les retours. Ces migrants de la diaspora constituent un levier puissant pour le développement du Tchad. D’après une étude menée en 2021 par l’Organisation internationale pour les migrations et le gouvernement du Tchad, les membres de la diaspora tchadienne envoient 125 302 francs CFA (131 USD) par mois à leurs proches à N’Djamena. 

Des retours encadrés pour une migration plus humaine

Face à la complexité de la migration irrégulière et à ses dangers, le Tchad agit. Avec l’appui de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), le pays a mis en place un programme d’aide au retour volontaire destiné à ses ressortissants bloqués à l’étranger, notamment en Libye, au Niger, en Tunisie ou encore en Algérie.

Ce programme vise à offrir une alternative humanitaire aux migrants vulnérables souvent victimes de traite, d’exploitation ou de violences en leur permettant de rentrer dans la dignité et la sécurité.

« Nous assistons les migrants bloqués ou en situation de vulnérabilité. L’objectif est de leur garantir un retour volontaire sécurisé et un accompagnement à la réintégration sociale et économique », explique Christina Atekmangoh, chargée du programme à l’OIM Tchad.

Depuis 2023, plus de 4 000 Tchadiens ont bénéficié de ce dispositif. Le 8 avril 2025, 172 migrants ont été accueillis à l’aéroport international Hassan Djamous, en provenance de Libye. Lors de cette opération, Mbodou Seïd, directeur général des Tchadiens de l’étranger au ministère des Affaires étrangères, a souligné l’importance de l’action gouvernementale :

« Ce retour est une réponse proactive à la détérioration des conditions de vie auxquelles ces citoyens ont été confrontés à l’étranger. Cela renforce le rôle de l’État dans la protection de ses ressortissants. »

Un accompagnement à la réintégration

Loin de se limiter à un simple rapatriement, le programme prévoit un accompagnement structuré à la réintégration. Dès leur arrivée, les migrants sont accueillis à N’Djamena dans un centre où ils suivent une formation de deux jours axée sur la création et la gestion de petites entreprises. Ils sont ensuite invités à soumettre un plan d’affaires à l’OIM, qui les appuie dans la concrétisation de leur projet.

Des suivis sont également réalisés à 1, 3, 6 et 9 mois pour s’assurer de la réussite de la réinsertion. Néanmoins, des obstacles persistent : certains migrants deviennent injoignables une fois rentrés chez eux, rendant difficile l’évaluation de l’impact à long terme.

« Il nous arrive de ne plus pouvoir joindre certains bénéficiaires après leur retour. Cela complique le suivi », déplore Christina.

Le programme rencontre également des défis logistiques : coordination parfois difficile avec les autorités tchadiennes, exigences administratives strictes en Libye, délais imprévus…

Une question d’avenir

En tant que carrefour migratoire, le Tchad fait face à des défis de taille. Mais à travers ces initiatives, il amorce une approche plus humaine et plus structurée de la migration. Le retour volontaire n’est pas seulement une opération humanitaire : c’est aussi un levier de développement local, une opportunité de réintégrer et de valoriser les compétences des citoyens de retour.

Le défi est désormais de bâtir une stratégie nationale migratoire cohérente, inclusive et durable. Une politique qui, au-delà de la gestion des flux, parie sur la jeunesse, l’entrepreneuriat et l’intégration régionale pour transformer la migration en moteur de croissance.