
A Kourtere dans la Capitale Niamey, des familles venues de Makalondi (localité et une commune de l’ouest du Niger) tentent de reconstruire une vie. Parmi elles, Daouda, père de cinq enfants, partage un abri de fortune dans le quartier de Kourtere. Fuyant les violences armées, il découvre une autre forme de précarité : celle de l’exil intérieur. Ce récit retrace le parcours de ceux qui, sans avoir franchi de frontière, vivent comme des étrangers dans leur propre pays. Entre espoirs fragiles et réalités brutales, il donne voix à une population souvent invisible, mais dont la résilience mérite d’être entendue.
La quête d’un lendemain meilleur
Avec sa femme et ses cinq enfants, Daouda a quitté Makalondi pour échapper aux exactions des groupes armés qui sévissent dans cette zone frontalière du Burkina Faso. « Nous sommes arrivés à Niamey les mains vides, avec l’espoir de trouver un lendemain meilleur pour nos familles », confie-t-il. À Kourtere, il partage un abri de fortune avec d’autres déplacés venus du même village.
Le quartier, déjà confronté à des défis d’infrastructures sociaux de base, accueille désormais une population déplacée qui vit dans des conditions précaires. Les abris sont faits de matériaux de récupération, sans accès régulier à l’eau potable ni à des installations sanitaires adéquates. Les enfants, exposés aux maladies, ne bénéficient pas d’un encadrement scolaire stable.
Selon les dernières données du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), le Niger compte environ 460 000 personnes déplacées internes (PDI), soit près de la moitié des populations relevant du mandat de l’agence onusienne. La région de Tillabéri, d’où provient Daouda, concentre à elle seule 48 % de ces déplacés. Cette situation résulte de l’insécurité persistante dans les zones frontalières, où les attaques armées ont contraint des milliers de familles à fuir.
Sous le soleil et sans soutien : Daouda et les oubliés de Kourtere
À Kourtere, les hommes tentent de subvenir aux besoins de leurs proches en offrant leurs services comme journaliers agricoles. Daouda, comme beaucoup d’autres, laboure les champs des propriétaires locaux pour une rémunération journalière oscillant entre 1 000 et 2 000 francs CFA. « Tout dépend de la superficie du champ à labourer », explique-t-il. Ce travail, bien que pénible, reste l’un des rares moyens de gagner un revenu. Mais l’absence de soutien institutionnel se fait cruellement sentir. « On n’a pas de soutien. Nous vivons dans des abris précaires et nos enfants sont exposés à toutes les maladies », déplore Daouda. Les autorités locales, confrontées à une pression croissante sur les infrastructures urbaines, peinent à répondre aux besoins de cette population vulnérable.
Le gouvernement nigérien, en collaboration avec ses partenaires humanitaires, a mis en place des mécanismes d’enregistrement et d’assistance. Toutefois, la régularité des données et la fréquence de leur validation restent limitées, rendant difficile une réponse coordonnée à grande échelle. Les fluctuations dans les chiffres témoignent de la complexité du suivi des déplacements internes.
Dans ce contexte, les appels à la solidarité se multiplient. Daouda espère que les autorités et les personnes de bonne volonté viendront en aide aux familles déplacées. « Nous espérons que les autorités vont nous assister », dit-il, avec une voix empreinte de fatigue mais aussi de détermination.
Les déplacements internes un défi majeur en zone urbaine
Le cas de Kourtere illustre les défis posés par les déplacements internes en milieu urbain. Contrairement aux camps de réfugiés, souvent mieux structurés, les quartiers comme Kourtere accueillent des déplacés dans des conditions informelles, sans cadre d’intervention clair. Cela complique la distribution de l’aide et l’identification des besoins spécifiques.
Les enfants, en particulier, sont les premières victimes de cette précarité. Privés d’éducation, exposés aux risques sanitaires, ils grandissent dans un environnement instable. Les familles, malgré leur volonté de s’intégrer, se heurtent à des obstacles multiples : manque de documents d’identité, absence de logement décent, accès limité aux soins.
La situation des déplacés internes au Niger s’inscrit dans un contexte régional marqué par l’instabilité. Les conflits au Mali, au Burkina Faso et au Nigeria ont des répercussions directes sur les zones frontalières nigériennes. Le pays, bien que relativement stable, subit les effets de cette insécurité transfrontalière.
Pour Daouda et les autres pères de famille de Kourtere, l’avenir reste incertain. Mais leur résilience force le respect. Chaque jour, ils se battent pour offrir à leurs enfants un semblant de normalité. Leur témoignage rappelle que derrière les chiffres, il y a des vies, des espoirs, et une volonté de reconstruire.