![[Revue de presse] : Entre expulsions, naufrages, justice et espoirs, le monde face à ses contradictions](/static/980629d96e743f6171fcda1e0c0cf664/470bf/Ines-1.png)
De Nouadhibou à Londres, de Tunis à Accra, d’Ankara à Paris, les réalités migratoires se percutent : naufrages mortels, expulsions controversées, procès de passeurs, menaces diplomatiques, mais aussi initiatives éducatives et plaidoyers en faveur d’une migration vue comme une chance et non comme un danger.
Dans le nord de la Mauritanie, les garde-côtes ont secouru 227 migrants au large de Nouadhibou. Parmi eux, certains étaient dans un état critique, un a perdu la vie. Leur embarcation avait quitté la Gambie, tentant de rejoindre les îles Canaries, témoignant une fois de plus de la dangerosité de cette route Atlantique devenue l’une des plus meurtrières. Toujours en Mauritanie, à Nouadhibou, une école fondée par des migrants accueille désormais les enfants de familles qui ont choisi de s’installer au lieu de risquer leur vie vers l’Europe. Un geste porteur d’avenir, dans une ville devenue carrefour migratoire.
Plus à l’ouest, à Dakar, le cinéaste Cheikh Mahfousse Samb sensibilise à travers son film « Le prix du rêve », pour éviter que les jeunes ne tombent dans les pièges des faux agents ou des parcours migratoires risqués. Dans le même pays, Mamadou Mignane Diouf, coordonnateur du Forum social sénégalais, appelle à « considérer la migration comme une composante démographique liée au bien-être », insistant sur le rôle positif que peut jouer la mobilité humaine dans le développement.
Mais dans d’autres régions d’Afrique, la migration reste dramatiquement criminalisée. En Tunisie, Amnesty International tire la sonnette d’alarme, dénonçant un “dangereux tournant” de la politique migratoire, marqué par des violences, des expulsions dans le désert libyen et algérien, et des actes de racisme systématique. Dans le même temps, la Commission de l’Union africaine invite les États à « repenser la migration comme une force à valoriser », rappelant que la mobilité n’est pas un problème mais une réalité humaine, économique et sociale.
La question migratoire dépasse désormais les frontières africaines. En Turquie, l’Ambassade du Tchad alerte sur la recrudescence des départs irréguliers vers l’Europe via Istanbul, impliquant de jeunes tchadiens attirés par des réseaux clandestins. Beaucoup arrivent légalement, puis se retrouvent en détention, expulsés ou en errance. Entre promesse d’Europe et réalité juridique, la Turquie devient un piège migratoire.
En Europe, la pression se fait plus forte. Au Royaume-Uni, le gouvernement annonce un durcissement drastique du droit d’asile : réduction de la durée de protection, règles plus strictes pour la résidence permanente, et désormais, menace de sanctions contre l’Angola, la Namibie et la RDC pour “insuffisante coopération” dans les expulsions. Ces pays africains ont un mois pour accepter de reprendre leurs citoyens, sous peine de restrictions de visas. Une politique qualifiée de “chantage migratoire” par certains observateurs.
Dans le nord de la France, ce sont les associations qui se mobilisent. À Dunkerque, six organisations, dont Médecins du Monde et Utopia 56, portent plainte contre l’État français pour “non-respect des droits humains” envers plus de 2 000 migrants qui survivent dans des campements précaires. Elles demandent l’accès à l’hygiène, à la santé, à l’hébergement et dénoncent des expulsions répétées sans solution.
La Manche reste un symbole de ces vies brisées. À Paris, dans le procès du naufrage mortel d’août 2023, où sept migrants afghans ont péri, des peines de 3 à 15 ans de prison ont été requises contre huit passeurs présumés. Fait rare, le principal pilote, lui-même migrant soudanais, a été reconnu comme victime et non coupable.
De l’autre côté de l’Atlantique, les États-Unis envisagent désormais de refuser des visas non seulement sur la base des ressources financières, mais aussi selon l’état de santé des demandeurs. Des maladies comme le diabète, certains cancers ou des problèmes cardiaques pourraient être utilisées comme motifs de refus, au prétexte que ces personnes pourraient représenter un coût pour le système de santé américain. Une mesure qui soulève des questions éthiques et interroge la place de la dignité humaine dans les politiques migratoires.
Entre drames en mer, discriminations, expulsions et répressions, la migration reste souvent traitée comme une menace. Pourtant, des voix s’élèvent partout en Afrique, en Europe, aux États-Unis pour rappeler que la migration est aussi une histoire de rêves, de dignité, de développement, d’éducation et d’avenir. Une réalité humaine avant d’être une statistique.