Un rapport accablant du collectif Caminando Fronteras révèle qu’entre janvier et mai 2025, au moins 1 865 personnes ont perdu la vie en tentant de rejoindre l’Europe. Près de 80 % des décès ont eu lieu sur la route Atlantique. Des drames évitables, causés selon Caminando Fronteras par l’inaction et les politiques de dissuasion.
Le dernier rapport du collectif Caminando Fronteras, publié le 17 juin 2025, dresse un bilan glaçant. 1 865 migrants sont morts ou portés disparus en tentant de rejoindre l’Europe au cours des cinq premiers mois de l’année. Derrière ces chiffres, des femmes, des enfants, des hommes, en quête de sécurité, fuyant la guerre, la pauvreté ou aspirant simplement à une vie digne.
Selon le collectif, 47 % des naufrages sont liés à des défaillances structurelles : le retard des interventions de secours, le manque de moyens déployés, les décisions arbitraires ou discriminations géographiques. La sous-utilisation des moyens aériens, la préférence donnée aux alertes passives plutôt qu’aux opérations de sauvetage actives, ou encore le manque de coordination avec des pays comme l’Algérie, sont autant de facteurs qui coûtent des vies.
Caminando Fronteras alerte sur une stratégie délibérée de dissuasion mise en œuvre par certains États européens, qui favorisent l’externalisation de la gestion des frontières au détriment des obligations humanitaires. Le collectif documente 24h/24 les appels à l’aide via ses lignes d’urgence, souvent ignorés ou traités trop tard.
Route Atlantique : l’axe le plus meurtrier
Avec 1 482 morts, soit près de 80 % des victimes, la route Atlantique vers les îles Canaries reste la plus dangereuse. La sous-route mauritanienne, avec des départs depuis Nouadhibou, concentre à elle seule 1 318 décès. Même si les départs depuis le Sénégal et la Gambie ont reculé, 110 personnes y ont perdu la vie. Sur les côtes marocaines, notamment entre Agadir et Dakhla où 54 décès sont à déplorer.
Certains radeaux dérivent jusqu’en Amérique latine, notamment au Brésil et à Trinité-et-Tobago, où ils sont retrouvés avec à leur bord des migrants morts de soif, de faim ou d’épuisement.
Algérie, Alboran, Gibraltar : routes secondaires, drames invisibles
La route algérienne vers les Baléares compte 328 morts ou disparus. La plupart des naufrages ont lieu à proximité des côtes, malgré des alertes précises. L’absence de coordination entre l’Espagne et l’Algérie complique les sauvetages. Le profil des victimes évolue aussi et de plus en plus de migrants originaires de Somalie empruntent cette voie.
La route du détroit de Gibraltar est qualifiée de zone de disparition silencieuse. Des jeunes tentent de rallier Ceuta à la nage. Leurs corps sont souvent retrouvés sans identité, dans un silence institutionnel que le rapport dénonce comme « déshumanisant ».
Quant à la route d’Alboran, elle reste peu médiatisée. Pourtant, les arrivées de migrants en état critique sur les plages andalouses révèlent la violence du trajet.
Baisse des arrivées en Espagne
Malgré cette hécatombe, les arrivées ont chuté. 15 000 migrants sont entrés en Espagne entre janvier et mai 2025, contre 20 715 à la même période en 2024, soit une baisse de 27 %. Sur les îles Canaries, les arrivées ont reculé de 35 %, passant de 17 000 à 11 000.
Pour Helena Maleno, fondatrice de Caminando Fronteras, la diminution des chiffres ne doit pas masquer l’essentiel : « Nous ne pouvons pas normaliser ces morts. Il est urgent que les États placent la vie humaine au-dessus de la logique du contrôle migratoire. »
Face à ces drames récurrents et à une indifférence persistante, le collectif appelle à un sursaut politique et humanitaire, pour replacer l’humain au centre des politiques migratoires.
