
Bachelier de la série scientifique, (S2), avec la mention Bien. Djibrirou Ba, Ablaye pour les plus intimes, était prédestiné à un parcours universitaire prometteur au-delà des frontières sénégalaises. Mais le destin avait un autre plan pour ce jeune homme de Ben Barack, en banlieue dakaroise, celui d’intermédiation, voire de cicerone pour ceux de sa génération et des plus jeunes encore qui aspirent à l’aventure. Car par la force des choses et finalement par choix, le jeune homme qui a fait ses humanités au prestigieux lycée Limamoulaye de Guédiawaye, fini par rester et essaie de se faire au pays depuis lors. Dialogue Migration s’est entretenu avec lui pour ce qu’on pourrait qualifier de partage d’expériences, d’exemple offert à toute ses personnes, qui malgré tout demeurent et se font sur le continent.
Peux-tu revenir sur ton parcours dans l’organisation des voyages à l’étranger ?
Tout a commencé après mon BAC S2 mention Bien en 2017. Mon ambition était d’obtenir une bourse d’excellence pour aller étudier en France, mais cela ne s’est pas concrétisé. J’ai alors été orienté en médecine à l’UCAD, un choix imposé par ma famille. Après deux années difficiles, j’ai réalisé que ce n’était pas ma voie et j’ai décidé d’arrêter. Pendant cette période, j’ai cherché des solutions pour étudier à l’étranger, et j’ai investi beaucoup d’argent dans des agences de voyage, mais sans succès. C’est en cherchant pour moi-même que j’ai acquis une expertise sur les démarches d’admission et de visa. Alors que mes propres démarches échouaient, j’ai commencé à aider d’autres étudiants qui, eux, ont réussi à obtenir leur visa et à partir étudier en France et au Canada, entre autres destinations propices aux études.
Vous l’avez évoqué brièvement, peut-on dire que ces expériences accumulées un peu partout, furent le point de départ ?
J’ai alors compris que Dieu avait peut-être un autre plan pour moi : au lieu de partir, j’avais la mission d’aider ceux qui voulaient partir. C’est ainsi qu’est née TOUKI AGENCE. Nous avons commencé depuis ma maison, puis dans un espace de coworking, avant d’évoluer dans un studio aménagé en bureau. Aujourd’hui, nous avons un plateau de bureau bien structuré avec une équipe de 4 personnes, sans compter nos collaborateurs indirects comme les coursiers. Avec TOUKI AGENCE, j’ai aidé plus d’une centaine de jeunes, étudiants comme travailleurs, à partir à l’étranger dans de bonnes conditions. Nous ne nous contentons pas de déposer des dossiers, nous accompagnons chaque candidat de A à Z, en nous assurant qu’il fasse les meilleurs choix en fonction de son projet d’avenir.
Quelles ont été tes motivations pour te lancer dans ce domaine ?
Ma motivation principale vient de mon propre parcours et de mes échecs personnels. J’ai vu beaucoup de jeunes perdre du temps, de l’argent et rater des opportunités par manque d’informations ou de bons conseils. En comprenant les rouages des procédures d’admission et de visa, j’ai décidé de structurer cette expertise en une offre de service professionnelle et fiable, pour éviter aux autres de vivre les mêmes galères que moi. Mais au-delà de l’aspect professionnel, c’est une mission qui me tient à cœur. Beaucoup de jeunes pensent que partir à l’étranger est la seule solution pour réussir. Mon objectif avec TOUKI AGENCE est de leur montrer que c’est un choix stratégique et non une obligation. Je veux que chaque étudiant ou travailleur parte avec un projet clair, une vision bien définie, et non pas juste pour fuir la précarité sans préparation.
“Chaque obstacle que j’ai rencontré m’a fait comprendre que ma place était ici.”
Pourquoi avoir décidé de rester au Sénégal alors que tu pouvais aussi voyager comme beaucoup d’autres ?
En fin de compte, j’avais cette opportunité de partir, et j’ai essayé. Mais comme je l’ai dit plus haut, chaque obstacle que j’ai rencontré m’a fait comprendre que ma place était ici. Beaucoup de jeunes veulent partir parce qu’ils pensent que le succès est forcément ailleurs, alors qu’il est aussi possible de réussir ici en créant de la valeur. J’ai fait le choix de rester au Sénégal pour être un acteur du changement plutôt que de partir chercher un avenir de plus en plus incertain.
Peux-tu partager des témoignages de personnes que tu as aidées ?
Depuis le lancement de TOUKI AGENCE, nous avons accompagné plus d’une centaine de jeunes étudiants et travailleurs vers divers pays. Par respect de la confidentialité, nous ne mentionnons pas de noms, mais nous avons eu le privilège de voir de nombreux bénéficiaires réussir leur projet d’expatriation. Certains ont pu intégrer de grandes universités en France et au Canada, tandis que d’autres ont obtenu des opportunités de travail à l’étranger. Ce qui nous motive le plus, c’est de recevoir des messages de gratitude de nos clients qui nous remercient pour l’accompagnement et les conseils qui leur ont permis de franchir les étapes avec succès.
Quels sont tes projets futurs dans l’organisation et la facilitation des voyages ?
Nous continuons d’évoluer, et nous avons plusieurs projets ambitieux pour l’avenir. Par exemple, mettre en place des séjours linguistiques et techniques. Car beaucoup de jeunes veulent apprendre une langue ou acquérir une compétence à l’étranger sans pour autant s’expatrier définitivement. Nous voulons leur offrir des séjours courts et structurés pour leur permettre d’évoluer professionnellement et académiquement, tout en ayant la possibilité de revenir au pays. Nous comptons aussi surfer davantage sur la facilitation des échanges académiques et professionnels. Ainsi nous comptons renforcer nos partenariats avec des écoles, universités et entreprises à l’étranger afin de permettre aux jeunes d’accéder à des formations de qualité et des stages internationaux.
À l’ère des technologies numériques de communication, il s’agira surtout de créer une plateforme digitale pour faciliter les démarches. Nous voulons digitaliser une partie de notre accompagnement pour permettre aux candidats. L’objectif global est de structurer l’immigration comme un levier de développement, et non comme une fuite. Nous voulons proposer des solutions adaptées aux besoins des jeunes, qu’ils souhaitent partir ou qu’ils veuillent mieux se former avant de revenir contribuer au développement du pays.
Quel dernier message motivant à l’endroit des jeunes qui voudraient peut-être rester comme vous au pays ?
De plus, après avoir arrêté la médecine, j’ai décidé de reprendre mes études en 2021-2022 à l’ESEA, en Planification Économique et Gestion des Organisations. Aujourd’hui, Alhamdoulilah, je termine bientôt ma licence et je vais poursuivre jusqu’au diplôme d’ingénieur. Cette formation me permet de mieux comprendre les dynamiques économiques et de structurer mes entreprises sur le long terme. Je crois qu’on peut réussir en Afrique en développant des modèles innovants et durables. Plutôt que de suivre le chemin classique de l’émigration, j’ai choisi de bâtir quelque chose ici et d’inspirer d’autres jeunes à en faire de même. Mon engagement est simple : accompagner ceux qui veulent partir, tout en développant des solutions pour ceux qui veulent réussir ici. L’immigration doit être un choix réfléchi et stratégique, pas une fuite par défaut. J’ai transformé mes propres échecs en une opportunité pour aider les autres, et aujourd’hui, je suis convaincu que l’Afrique a besoin de jeunes entrepreneurs et leaders pour se développer.
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