
Originaire de Joal-Fadiouth, commune sénégalaise située à l’extrémité de la Petite-Côte, au sud-est de Dakar, Sidy Daffé a connu de près les dangers de la migration irrégulière. Après plusieurs échecs en mer, il a décidé de changer de destin en devenant un militant engagé. Aujourd’hui, il sensibilise les jeunes sur les risques de cette aventure périlleuse, porté par l’expérience d’un homme qui préfère préserver des vies plutôt que de les voir sombrer dans l’oubli.
Sur la route nationale de Joal-Fadiouth, un jeune homme d’allure imposante est assis sur un banc, le regard profond et déterminé. Teint noir, expression sincère, Sidy Daffé n’est pas un simple passant. Il se présente comme « l’ambassadeur de la non-migration irrégulière », une mission qu’il porte fièrement, malgré son passé tumultueux.
Son histoire avec la migration irrégulière commence en 2006. Il décide de tenter l’aventure en prenant les pirogues, direction l’Espagne. La motivation ? La soif de découvrir un autre monde, mais surtout, la conviction qu’il pouvait accéder à de meilleures conditions de vie et de travail. Pourtant, le voyage s’est révélé brutal. La mer, implacable, a emporté certains de ses compagnons, laissant dans son cœur une cicatrice profonde. Dans mon métier, tout allait bien au départ : « j’étais mareyeur ici à Joal, je gagnais convenablement ma vie ». Après deux mois en Espagne, il a été rapatrié par le président Abdoulaye Wade, marqué à jamais par l’expérience. Après ce rapatriement, il décide de retourner dans son métier.
Malgré tout ce qu’il a vécu en 2006, Sidy Daffé n’a pas renoncé à son rêve d’évasion. En 2017, il tente de nouveau sa chance, cette fois avec une détermination renouvelée. Cependant, cette tentative se solde encore par un échec : « La marine nationale a très tôt repéré notre pirogue et nous a interceptés », explique-t-il calmement, mais avec une pointe de regret dans la voix. La peur, la violence des forces de l’ordre, et la mise en échec de cette nouvelle tentative marquent profondément cet homme qui a déjà payé un lourd tribut à sa soif de liberté. Ce qui l’a poussé à repartir, c’est aussi une réalité difficile à accepter : « J’ai décidé de reprendre la mer en 2017 parce que, à vrai dire, j’ai réussi à oublier toutes les souffrances du voyage précédent. Et puis, il y a aussi le manque de moyens financiers. », répondit-il, le regard voilé par la nostalgie de ses échecs. En dépit de cette nouvelle tentative, il réessaie une troisième fois en 2019. Mais, encore une fois, la mer ne lui a pas souri : échec derrière échec.
Un tournant décisif
Après ces multiples tentatives, la frustration et la prise de conscience l’amènent à changer de cap : « après tous ces échecs, j’ai décidé de ne plus tenter l’aventure et de me concentrer sur mon métier, le métier de mareyeur, que je connais bien », explique le jeune homme, qui a désormais la trentaine. Mais c’est aussi à ce moment-là, en 2019, qu’il décide d’agir différemment. Fort de son expérience personnelle, Sidy Daffé devient « ambassadeur de la non-migration irrégulière à Joal-Fadiouth et environs ». Son objectif : sensibiliser les jeunes et leurs familles aux dangers de cette migration clandestine. Il veut briser le silence, déconstruire les illusions, et surtout, sauver des vies. Son vécu, ses échecs répétés, et sa volonté farouche de changer le destin de sa communauté font de lui un acteur engagé, déterminé à lutter contre un phénomène qui, selon lui, coûte des vies et détruit des familles.
Son combat, il le mène sur le terrain, avec passion et sans relâche. Il dispose aujourd’hui d’une chaîne youtube dédiée à la sensibilisation, mais aussi d’un réseau où il rencontre familles endeuillées, recherchant des migrants disparus, partageant des histoires pour alerter. Selon lui, son engagement lui coûte parfois, car « la migration clandestine est devenue un véritable business, alimenté par ceux qui voient dans cette marche vers l’Europe une opportunité financière ». Sidy Daffé considère que ces actions ont un impact sur le terrain. Malgré la critique, Sidy persiste. Il sait que son combat est crucial. Selon lui, beaucoup de jeunes sénégalais se lancent dans l’aventure en oubliant la réalité des risques, souvent au prix de leur vie ou de leur santé mentale. Pour Sidy Daffé, le défi est clair : « préserver la jeunesse, leur apprendre à rester chez eux et à valoriser leur pays »