Toutes les Mauritaniennes issues de la communauté maure ou haratine, pour des raisons culturelles et religieuses, ne s’habillent qu’en «Melahfa». Un habit traditionnel porté par les mauresques comme par les autres femmes du pays qui a fini par être l’identité de la femme mauritanienne. Avec le temps, il se modernise, prend des couleurs et conquiert le marché international. Le marché central de Nouakchott est un des lieux où le commerce de «Melahfa» est le plus développé dans la capitale.
Au marché central de Nouakchott, il est partout. Ses couleurs éclatantes, ses parfums exquis et ses éclats ne laissent pas indifférent. Le Melahfa est partout! Par terre, sur des tables, les étagères, dans les boutiques. Il est aussi dans les esprits, puisque c’est un sujet de discussion très fréquent.
Ce matin, le marché central est très bruyant comme d’habitude. Hommes et femmes vaquent à leurs occupations. Entre clients qui cherchent les meilleurs prix et vendeurs désireux d’écouler leurs marchandises, les négociations vont bon train. Malgré le méli-mélo, le voile ne passe pas inaperçu. D’ailleurs, même les vendeuses en portent. Dans ce marché, du fait de la forte demande, hommes et femmes, jeunes comme vieux s’activent autour de ce business lucratif.
La Melahfa, ou voile, habit qu’on retrouve également dans tout l’espace saharo-sahélien, est particulièrement prisée en Mauritanie. Comme l’explique cette vendeuse, « La Mauritanie est un pays musulman et l’Islam recommande à la femme de couvrir ses parties intimes. La manière dont nous la portons nous permet de nous couvrir tout le corps ».
Même si à l’origine le Melahfa ne vient pas de leur pays, les Mauritaniennes ont fini par l’adopter et en ont fait un marqueur identitaire. La différence se retrouve juste dans la manière de mettre cet habit, le modèle et quelques autres petits détails. « Quiconque connaît les femmes de la Mauritanie pense forcément à leur habillement particulier », dit Mah mint Mahjoub. Elle fait des affaires dans ce secteur depuis fort longtemps. Mah, voilée de teint clair très souriante, renseigne que ce tissu est entré dans le pays par le biais des pèlerins qui passaient par le Soudan de retour de la Mecque. Ils en achetaient pour en faire cadeau à leurs femmes et enfants. Aujourd’hui, la tendance s’est renversée. Beaucoup de pays, notamment ceux de l’Afrique subsaharienne, se procurent ce voile en Mauritanie. Le pays est devenu une plaque tournante du «Melahfa». Pourtant, renseigne la vendeuse, « La Mauritanie ne fabrique pas de voile. Les tissus viennent de l’Inde mais surtout de la Chine ». Une fois en Mauritanie, les femmes se chargent de la teinture, des motifs et de la vente.
En cette chaude matinée, l’ambiance ne manque pas au marché central. Les va-et-vient des clients combinés aux appels des commerçants donnent une impression de cacophonie indescriptible. Dans cette cohue, Aicha. Jeune femme d’une trentaine d’année, avec une morphologie qui rappelle les traces laissé par le gavage, est de teint noir. Portant un voile aux couleurs vertes et blanches, elle vient en chercher d’autres. Aicha explique que d’après ce qu’elle sait, « dans le passé, les femmes mauresques portaient cet habit avec un tissu unique de couleur noire qui tire sur le bleue de nuit, appelé Nila. A cette époque, il n’y avait pas de produits éclaircissants, mais le Nila permettait d’avoir une peau claire et éclatante ».
Aujourd’hui, d’autres variétés sont arrivées sur le marché. Le Melahfa des temps modernes est soit en coton ou en soie. Les prix varient également en fonction des qualités. Les voiles simples, Khartoum, coûtent environ 1500 Ouguiyas, ce qui avoisine les 26.000 Fcfa, (39 euros). Les khiyatas ( modèle avec des coutures et teintures traditionnelles) sont chers et peuvent aller jusqu’à 30 ou 40 mille ouguiyas, environs 70.000 Fcfa, (106 Euro). Il y en a pour tous les goûts, mais également pour toutes les occasions. Il y a des voiles classes pour des soirées, des cérémonies, des diners que l’on appelle digital, émirats etc.
Certaines catégories coûtent entre 9000 et 10000 (Swari, Mouftilla, gaze,…). Les plus chers sont les voiles en soie portées par les artistes griotte qui coûtent jusqu’à 150000 mro. Pour Aïcha, il n’y a pas à se plaindre des prix, « puisque les modèles sont différents et que le voile se vend partout, on a le choix et chaque personne achète par rapport à ses moyens », dit-elle, tenant un voile dans ses mains et discutant avec un vendeur.
Parfait pour toutes les occasions
Le commerce du voile est très lucratif. On en achète pour presque toutes les occasions, lors des cérémonies, surtout celle de mariage, “les affaires marchent bien”, dit-elle. Elle poursuit : « Les Mauritaniennes en portent chaque jour, sans exception, donc tous les jours on en vend », précise la vendeuse. Toutefois, périodiquement, il faut créer de nouveaux modèles, de nouveaux motifs et designs pour varier les offres et stimuler la demande.
L’une des occasions pour lesquelles le «Melahfa» est le plus mis à l’honneur est sans doute le mariage. Pour cet événement particulier, il est arboré en double lors du premier jour de la mariée chez son époux. Mah explique que « la femme doit revêtir un modèle de voile soit de couleur marron appelée coca ou noir et au-dessus elle mettra un autre de couleur blanche ». Ces voiles doivent être « bien parfumés et encensés”. C’est un jour spécial après tout », ajoute-t-elle avec un sourire qui laisse entrevoir la blancheur de ses dents.
Toutefois, avec la poussée d’une nouvelle tendance induite par des facteurs sociologiques. Le voile, cet habit traditionnel que les Mauritanienne portent partout, dans les cérémonies, même hors du pays pour différentes formes de rencontres tend à se moderniser. Ce, avec l’arrivée d’autres tissus et couleurs. Le coût de cet habit est nettement en hausse par rapport aux années précédentes. Ceci est dû aux prix de la couture. Reste à savoir si cet habit emblématique continuera à résister aux temps sous l’effet de l’importation de vêtements occidentaux ou arabes comme les « Abayas ».
Liens Rapides