
La constitution des villes africaines est née d’un fait de société : le commerce. Une réalité que souligne à Dialogue Migration, Dr Anoumou Kouassi Rodolphe, enseignant-chercheur au Centre d’Excellence Régional sur les Villes Durables en Afrique (CERViDA-DOUNEDON) et intervenant au département de sociologie à l’université de Lomé. A travers son analyse, il met en relief le rôle de la migration dans l’avènement des villes africaines et les avantages qu’on peut tirer d’une telle dynamique pour créer l’intégration des différentes communautés.
Dialogue Migration : Qu’est ce qui est à l’origine des fonctions des différentes villes africaines ?
Dr Anoumou Kouassi Rodolphe : C’est la migration commerciale, qui a fait que chaque ville avait des fonctions particulières. Lomé a été une ville commerce à cause des Nana-Benz (femmes d’affaires, originaires du Togo, actives, dans les années 1960 à 1980, dans le commerce lucratif de pagnes en wax hollandais-ndlr). Chacun venait de part et d’autre pour acheter les pagnes pour aller chez lui pour vendre. Il y avait une fédération rapide créée entre plusieurs communautés. Mais avec l’évolution, quand les gens s’installent et qu’il n’y a pas encore la sociabilité réelle ; il y a des conflits sociaux qui sont créés dans les lieux d’intégration.
Quel est l’apport de ce mécanisme d’ « enfant du commerce » à la réalité d’intégration ?
Quand on a un enfant du commerce, c’est qu’on a une ville qui est mosaïque : une ville qui offre plusieurs opportunités. Parce qu’on dit que la diversité nous enrichit. Maintenant, comment on tire cela ? Il faut avoir des politiques urbaines qui favorisent cette inclusion.
Des exemples ?
Aujourd’hui à Lomé, nous sommes Togolais, mais on mange chinois. C’est ce qu’on appelle la McDonaldisation dans l’alimentation. Pareil, nous sommes à Lomé, mais on mange plus le Tchep, parce qu’on a été ‘’colonisé’’ par nos frères Sénégalais qui sont là. Il y a cette fusion identitaire qui commence à faire une co-construction pour améliorer ce que nous sommes.
Malgré ces tendances, l’intégration reste un défi. Comment y arriver ?
En termes d’intégration, il faut qu’on commence par développer des politiques de solidarité. En France, il y a des journées de solidarité. Les communes peuvent instituer des journées de solidarité, ou des journées de voisinage. Moi qui suis un togolais, je vais à la découverte de mon voisin qui est libérien par exemple, et cela commence à renforcer l’intégration. Cela permet d’éviter de penser mal de l’autre, et de le considérer comme il est. Cela permettra aussi d’arriver à avoir des cadres d’échanges interculturels. Il faudrait également avoir des dispositions institutionnelles qui facilitent l’intégration. Vous verrez des étrangers à Lomé qui ont des cartes de séjour. Ces cartes de séjour, c’est institutionnel.
Mais, qu’en est-il des systèmes d’accueil ? Dans nos universités par exemple, quelle est la politique qui incite l’étudiant qui vient à s’intégrer facilement ?
En France, quand quelqu’un veut voyager pour les études, non seulement il doit avoir une carte de séjour, mais il doit également s’inscrire dans un système pour pouvoir intégrer une chambre à la cité ou bien prendre une résidence à côté. Nous, nous prenons une carte de séjour, mais est-ce que nous nous assurons de l’installation et des autres démarches ?
Dans le système d’accueil des migrants sur notre territoire, il est essentiel de disposer d’un cadre structuré. Par exemple, au Togo, le Bureau du citoyen pourrait intégrer ces aspects dans la loi régissant son fonctionnement. De même, une commune pourrait adopter un décret municipal allant dans ce sens.
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