
Le 8 novembre à Dakar, Mamadou Mignane Diouf, coordonnateur du Forum social sénégalais, a lancé un appel retentissant en faveur d’une révision radicale de la perception de la migration. Intervenant lors de l’ouverture d’un Forum national sur la politique migratoire de l’Union européenne, il a plaidé pour que la problématique soit envisagée comme « une composante démographique et économique liée au bien-être ».
Pour M. Diouf, l’approche actuelle est fondamentalement erronée et préjudiciable. Il a déclaré que : « Tant que l’on considère la migration autrement que comme une composante démographique et économique liée au bien-être, le regard reste totalement faux [sur cette question], ouvrant la voie à la xénophobie, la discrimination et l’érection de murs plutôt que de ponts. »
Organisée par la Fondation Rosa Luxembourg, dont Armin Osmanovic est le représentant régional en Afrique de l’Ouest, cette rencontre a réuni des chercheurs, des activistes et des représentants d’organisations de la société civile, aussi bien de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) que d’Europe, pour une série de dix panels d’échange.
Le président du Forum social sénégalais a rappelé la nature historique et intrinsèque de la mobilité humaine. Il a souligné que l’humanité « n’a jamais été statique. La sédentarisation dans l’histoire est une très petite parenthèse. L’homme n’a pas deux pieds pour rester immobile », s’appuyant sur des références historiques allant de l’Égypte pharaonique aux anciens royaumes ouest-africains.
Mamadou Mignane Diouf a insisté sur les droits fondamentaux, rappelant que « personne n’est étranger sur cette terre de Dieu », et que « le droit à la mobilité est un droit reconnu par les Nations unies ».
Il a vivement critiqué ce qu’il a appelé un « paradoxe historique » dans la posture européenne. Dénonçant une contradiction flagrante, il a affirmé : « Après avoir pris nos ressources, nos poissons, nos hommes pendant 300 ans, l’Europe nous demande aujourd’hui de rester immobiles et de ne pas franchir ses frontières. C’est une insulte à l’histoire de l’humanité. »
Exhortant les participants africains à rejeter toute « hiérarchie imposée », il a lancé un appel à l’émancipation psychologique : « N’ayez aucun complexe. Vous n’êtes pas étrangers en Amérique ou en Europe. Même les oiseaux migrent, même les poissons migrent », a-t-il conclu.
M. Diouf a également insisté sur la nécessité d’une mobilisation citoyenne forte, estimant que la diplomatie internationale « est un jeu de dupes ». Il a réitéré son objectif principal : « Un autre monde est possible mais à condition de replacer la valeur humaine au cœur de la réflexion sur les mouvements de population et la migration. »
En conclusion de l’événement, Armin Osmanovic de la Fondation Rosa Luxemburg, a appelé à « reconstruire un “nous” solidaire pour lutter contre les politiques migratoires injustes et les dérives extrémistes dans le monde ». Il a déploré la tendance à considérer les migrants uniquement « comme une force de travail jetable », et a plaidé pour une approche plus inclusive visant à améliorer les conditions de vie de l’ensemble des populations.