Il n’existe pas de données systématiques et complètes sur le pourcentage de migrants victimes de la traite. Mais selon le dernier rapport de l’OIM sur l’Etat de la Migration dans le monde, les données existantes portent à croire que ces derniers ne représentent qu’une petite part des 281 millions de migrants internationaux en 2020.
Toutefois, note ledit rapport, « Cette pratique a de graves conséquences pour ses victimes, leur famille et les communautés dans les pays d’origine et de destination. La traite d’êtres humains a des incidences économiques et sociales négatives, des répercussions durables sur la santé mentale et physique, et des conséquences sur le plan des droits de l’homme».
En Afrique, les enfants n’ont rien demandé. Mais ils paient le plus lourd tribut de la traite des personnes résultant des déplacements massifs des populations à l’intérieur du continent.
Au départ et à l’intérieur du continent africain, 50% des migrants victimes de traite sont des enfants
Les victimes africaines font principalement l’objet de la traite dans leur région d’origine. Selon les données de la CTDC (Counter Trafficking Data Collaborative), rapportées dans le rapport 2022 de l’OIM, 75 % d’entre elles sont victimes de la traite en Afrique même, 13 % en Europe, 7 % en Asie et 5 % dans les Amérique.
« La traite en Afrique présente deux grandes particularités par rapport aux autres régions du monde. Premièrement, plutôt que l’exploitation sexuelle, la traite en Afrique a pour finalité le travail forcé. Notamment la mendicité (plus de 25 %) et le travail domestique (plus de 40 %). Deuxièmement, la majorité des victimes sont des enfants, qui représentent plus de 50 % des victimes détectées sur le continent », note le document.
Qui poursuit en soulignant : « La traite d’enfants africains est plus particulièrement constatée dans les pays d’Afrique de l’Ouest tels que le Ghana, le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Nigéria, la Sierra Leone et le Togo. Dans les zones rurales, les enfants sont principalement victimes de la traite pour l’agriculture et la pêche. Dans les zones urbaines, ils sont victimes de la traite pour la mendicité forcée, le colportage et la perpétration d’activités illicites ».
Un véritable coup de filet a été réalisé en 2019 par l’agence de police internationale, Interpol au Bénin et au Nigéria. En collaboration avec les autorités policières de ces deux pays de l’Afrique de l’Ouest, quelque 220 personnes victimes de trafic d‘êtres humains ont pu être secourus. Parmi les victimes secourues dans le cadre de l’opération qui a été intitulée Épervier II, il y avait 157 enfants âgés de 11 à 16 ans. Tous originaires du Bénin, du Togo, du Burkina Faso, du Niger et du Nigeria.
Envoyés dans les régions frontalières du Bénin et du Nigeria comme des « marchandises », ces enfants ont été forcés de travailler comme ménagères, bagagistes, et certains même contraints de se prostituer. Selon le média Africa News qui a traité l’information à l’époque, la police avait notamment trouvé un garçon obligé de transporter des sacs de riz pesant jusqu‘à 40 kg à la frontière entre le Bénin et le Nigeria. Les schémas de traite sont différents dans d’autres sous-régions africaines.
Le travail forcé, principale forme de traite en Afrique australe
Le travail forcé reste la principale forme de traite en Afrique australe, qui est néanmoins caractérisée par un taux relativement important de mariages forcés.
Il faut souligner qu’en Afrique de l’Est, la traite concerne principalement des adultes destinés au travail domestique. En Afrique du Nord (en particulier en Libye), l’exploitation sexuelle, le travail forcé, l’esclavage et le mariage forcé sont des formes d’exploitation très répandues.
En matière de traite des migrant dans le monde, de manière générale, les femmes constituent toujours la part la plus grande des victimes identifiées (environ 65 % au total, dont 46 % de femmes et 19 % de filles), mais les hommes sont également victimes de la traite (20 % d’hommes et 15 % de garçons), notamment à des fins de travail forcé, pour lequel ils représentent près de 60 % des victimes détectées, indique le rapport 2022 de l’OIM.
La difficulté de recueillir des données sur la traite des migrants
La disponibilité de données administratives sur les victimes identifiées de la traite dépend d’une série de facteurs, tels que l’état de fonctionnement des organisations de lutte contre la traite ou leur capacité à recueillir ou partager systématiquement des données dans n’importe quel pays/endroit. Comme le souligne l’ONUDC (l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime), l’existence de données rigoureuses dépend également des capacités de collecte de données des États, qui sont faibles dans certaines régions, telles que l’Afrique subsaharienne et l’Asie de l’Est.
Par exemple, l’ONUDC travaille avec des pays à appliquer une méthodologie d’estimation multi-systèmes (MSE) pour générer des estimations du nombre de victimes de la traite qui n’ont pas été identifiées, sur la base de données nationales solides. Lorsqu’elle a été mise en œuvre aux Pays-Bas, la méthodologie MSE a révélé que les victimes de la traite non identifiées peuvent être quatre à cinq fois plus nombreuses que les victimes détectées.
Dans son dernier rapport mondial, l’ONUDC indique que le nombre annuel de victimes de la traite détectées et signalées par les pays est passé de moins de 20 000 en 2003 à environ 49 000 en 2018, qui est le chiffre disponible le plus récent.
Selon les stéréotypes traditionnels, les victimes de la traite sont des femmes et des enfants vulnérables assujettis à la traite à des fins d’exploitation sexuelle. Le profil des victimes fondé sur le sexe a évolué au fil du temps.
Comprendre la traite des migrants
Ces dernières années, la traite des migrants a donné lieu à des gros titres terrifiants dans les médias faisant état de migrants vendus sur des marchés aux esclaves, torturés contre rançon, ou exploités dans divers secteurs d’activité. Aujourd’hui, des groupes criminels organisés se livrent à la traite des migrants dans pratiquement tous les pays.
Les victimes sont souvent issues de milieux socioéconomiques défavorisés et/ou de pays à faible revenu et sont généralement destinées à des pays plus riches, où leur exploitation permet aux trafiquants d’obtenir des rendements financiers optimaux. Toutefois, un amalgame est fait par divers acteurs, au nombre desquels les médias, qui parlent indifféremment de traite et de trafic illicite, ainsi que les autorités de l’État, qui détournent le discours sur la traite dans leur « combat » contre la migration irrégulière, déplore le rapport 2022 de l’OIM.
« Que ce soit par manque de connaissance ou à dessein, les conséquences de cet amalgame dépassent largement le cadre sémantique : les migrants victimes risquent de ne pas être identifiés, ce qui a des répercussions sur les enquêtes et les poursuites contre les trafiquants, sur le démantèlement des réseaux de criminalité organisée et, surtout, sur la protection à laquelle les victimes ont droit », lit-on dans le document produit en 2022.
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