
« Le monde s’est peuplé par la migration », dit-on souvent. Mais les flux migratoires ne sont pas uniformes : certains pays sont davantage connus comme des terres de départ, d’autres comme des espaces d’accueil, et certains combinent les deux. Qu’en est-il du Togo ? Petit pays d’Afrique de l’Ouest, ouvert sur l’océan Atlantique et intégré au corridor Lagos–Abidjan, le Togo vit une dynamique migratoire complexe. Les chiffres montrent toutefois qu’il demeure avant tout un pays de départ, même si son rôle d’accueil s’est renforcé ces dernières années.
Les données disponibles mettent en évidence le poids démographique de la diaspora togolaise. Selon les estimations internationales, en 2019, environ 543 000 Togolais vivaient à l’étranger, soit près de 7 % de la population nationale. Un recensement lancé par le gouvernement en 2022 est allé plus loin en évaluant la diaspora à 950 000 personnes. La majorité de ces émigrés s’installent d’abord dans la sous-région ouest-africaine (Ghana, Bénin, Côte d’Ivoire, Nigeria), mais une proportion croissante poursuit son parcours vers l’Europe, l’Amérique du Nord ou encore l’Asie.
L’émigration togolaise repose sur plusieurs moteurs :
La diaspora n’est pas qu’un chiffre : elle représente une ressource vitale pour l’économie. Les envois de fonds (remittances) atteignent environ 7 % du PIB national selon la Banque mondiale. Ces transferts soutiennent la consommation des ménages, l’éducation, la santé et parfois l’investissement. En clair, la migration alimente la survie et la résilience économique du pays.
Un pays d’accueil : réfugiés et migrants régionaux
Si le Togo est surtout identifié comme terre de départ, il n’en reste pas moins un pays d’accueil. L’immigration y est moins massive mais bien réelle. En 2019, on comptait environ 279 000 étrangers vivant au Togo, soit 3,5 % de la population. La plupart venaient des pays voisins avec lesquels existent des liens de commerce et de parenté.
Depuis quelques années, l’instabilité régionale renforce cette dimension. D’après le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), le Togo accueillait fin 2024 près de 48 700 réfugiés et demandeurs d’asile, fuyant principalement les violences dans le Sahel. Ces arrivées posent des défis en matière d’hébergement, d’éducation, de santé et de protection, mais elles rappellent aussi que le Togo doit conjuguer son rôle de pays de départ avec celui de terre de solidarité.
Un espace de transit stratégique
La géographie du Togo lui confère un rôle de pays de passage. Situé au cœur du corridor Abidjan–Lagos, doté d’un port en eau profonde à Lomé, il est un point de transit pour les flux humains et commerciaux. Des migrants venus d’Afrique centrale ou sahélienne traversent le pays en route vers le Ghana ou le Nigeria, voire plus loin. Ce transit expose aussi le territoire aux risques de traite des êtres humains, de migrations irrégulières et de trafics, ce qui exige une vigilance accrue et une coopération régionale renforcée.
Départ ou accueil : lecture des chiffres
La comparaison entre 543 000 émigrés togolais et 279 000 immigrés en 2019 (sans même intégrer les réfugiés récents) illustre bien la réalité : le sol togolais produit davantage de départs qu’il n’attire d’installations. La diaspora est près de deux fois plus nombreuse que les étrangers résidant au Togo. Les chiffres officiels du recensement de la diaspora accentuent encore cette tendance.
Mais réduire le Togo à un simple « pays d’origine » serait une lecture partielle. La présence de dizaines de milliers de réfugiés et migrants de passage, la densité des circulations régionales et la politique d’accueil humanitaire en font aussi un pays d’accueil et de transit. La dynamique est donc hybride, même si le poids de l’émigration reste prépondérant.
Défis et perspectives
Le constat d’un Togo « plus de départ que d’accueil » appelle des réponses politiques équilibrées.
Mieux documenter les flux : les divergences entre estimations internationales et recensement national montrent l’importance d’une collecte de données harmonisée et transparente.
Valoriser la diaspora : faciliter l’investissement, réduire les coûts de transfert, encourager les transferts de compétences.
Renforcer l’accueil : améliorer les infrastructures d’hébergement, l’accès aux services sociaux et la protection des réfugiés et demandeurs d’asile.
Créer des opportunités locales : soutenir l’emploi des jeunes, encourager l’entrepreneuriat et investir dans l’agriculture et l’innovation pour réduire la pression au départ.
Coopérer régionalement : la migration ouest-africaine est transfrontalière par nature, et nécessite une gestion concertée dans le cadre de la CEDEAO.
Le Togo est aujourd’hui clairement un pays de départ, avec une diaspora particulièrement dynamique dont les contributions financières jouent un rôle décisif dans l’économie nationale. Mais il est aussi, de plus en plus, un pays d’accueil et un territoire de transit au cœur de l’Afrique de l’Ouest. Reconnaître cette double identité migratoire est essentiel pour élaborer des politiques respectueuses des droits humains, au service des migrants comme des communautés locales.