A proposEquipeActualitésEspace dialogueRessources & Données
Impact des barrages frontaliers sur les petits commerçants mobiles en Afrique de l’Ouest
Actualités
Impact des barrages frontaliers sur les petits commerçants mobiles en Afrique de l’Ouest
Koffi Dzakpata 🇹🇬
Koffi Dzakpata 🇹🇬
October 04, 2025

En Afrique de l’Ouest, la libre circulation des personnes et des biens est un principe fondateur de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Pourtant, dans la pratique, les petits commerçants migrants rencontrent de nombreux obstacles aux frontières: contrôles multiples, tracasseries administratives, rackets, fermetures ponctuelles. Ces “barrages frontaliers”, qu’ils soient officiels ou informels, affectent particulièrement les commerçants de petite échelle, en majorité des femmes, qui dépendent du commerce transfrontalier pour leur survie et celle de leurs familles.

Le petit commerce transfrontalier représente une part essentielle de l’économie ouest-africaine. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) dans son rapport « Study On Women In Small-Scale Cross-Border Trade – Benin, Ghana And Togo », entre 30 % et 40 % des échanges intra-africains reposent sur des flux informels assurés par ces commerçants. Les marchés frontaliers de Lomé-Aflao (Togo-Ghana), de Cinkassé (Togo-Burkina Faso) ou de Hillacondji (Togo-Bénin) en sont des exemples. Ces circuits garantissent l’approvisionnement en produits alimentaires, textiles et biens de première nécessité pour des millions de consommateurs.

Que recouvrent les barrages frontaliers ?

On distingue plusieurs types de barrages dont les fermetures officielles, décidées par les États (comme la fermeture unilatérale de la frontière Nigeria-Bénin en 2019 ou celles liées à la pandémie de COVID-19), les contrôles renforcés à travers vérifications de documents, certificats sanitaires, taxes supplémentaires, les barrages informels, postes de contrôle improvisés où policiers, douaniers ou militaires réclament des “frais” illégaux.
Ces entraves, parfois justifiées par des préoccupations sécuritaires ou sanitaires, finissent par fragiliser une activité économique déjà précaire.

Impacts sur les petits commerçants migrants

Pertes économiques directes

Les produits périssables, comme les tomates, poissons fumés ou fruits, se détériorent à cause des longues attentes aux postes frontaliers. Les commerçants perdent ainsi non seulement leur marchandise mais aussi leur capital, ce qui les empêche de se réapprovisionner.

Hausse des coûts et recours à la corruption

Chaque poste de contrôle entraîne des frais supplémentaires. Certains commerçants affirment devoir payer entre 5 000 et 10 000 francs CFA en “taxes informelles” pour franchir une frontière, réduisant drastiquement leur marge bénéficiaire.

Études de cas

La fermeture Nigeria–Bénin (2019)

Lorsque le Nigeria a fermé ses frontières terrestres pour lutter contre la contrebande, les commerçants béninois et togolais ont subi des pertes massives. Le maïs, le riz et les volailles ne pouvaient plus circuler, et des milliers de petits commerçants se sont retrouvés sans revenus.

Les restrictions COVID-19

En 2020, la fermeture des frontières dans la CEDEAO a révélé la fragilité de ce commerce. Au Togo, des commerçantes qui se rendaient au Ghana ou au Bénin n’ont plus pu traverser, provoquant une chute brutale de leurs revenus et une augmentation de l’insécurité alimentaire.

Les postes frontalier Aflao–Lomé et Sanvee-Condji-Hillacondji

À cette frontière, l’une des plus fréquentées de la sous-région, les commerçants témoignent régulièrement de tracasseries, mais aussi d’initiatives positives : la mise en place de postes juxtaposés (One-Stop Border Post) qui visent à simplifier les formalités.

Spécificités togolaises

Le Togo est un point stratégique des flux régionaux : le port de Lomé alimente l’hinterland (Burkina Faso, Niger, Mali) et les marchés frontaliers drainent une forte activité commerciale. Les commerçants togolais, souvent engagés dans le commerce de détail de produits alimentaires et textiles, sont directement touchés par les restrictions. Les femmes, en particulier, rapportent subir non seulement des pertes économiques mais aussi des abus aux frontières.

Conséquences sociales

Les impacts économiques se traduisent par une précarisation accrue des ménages, un recul de la scolarisation des enfants (les revenus servant souvent aux frais de scolarité), une dépendance accrue à l’endettement, et dans certains cas, une migration forcée vers les villes ou l’étranger pour chercher d’autres moyens de subsistance.

Quelles solutions ?

Simplifier et harmoniser les procédures

La CEDEAO a mis en place des régimes commerciaux simplifiés (Simplified Trade Regimes) mais leur application reste incomplète. Une meilleure harmonisation entre États est nécessaire pour réduire la paperasse.

Renforcer la transparence aux frontières

L’installation de postes juxtaposés, la formation des agents et la mise en place de mécanismes de plainte anonymes permettraient de limiter les abus et la corruption.

Protéger les commerçantes

Des programmes spécifiques (lignes d’assistance, accès au microcrédit, accompagnement juridique) doivent être déployés pour réduire la vulnérabilité des femmes commerçantes.

Appuyer la résilience économique

Accès au financement, formation en stockage et en transformation, diversification des marchés peuvent aider les commerçants à mieux résister aux chocs liés aux fermetures.

Les barrages frontaliers en Afrique de l’Ouest, loin de protéger les économies nationales, fragilisent les acteurs les plus vulnérables : les petits commerçants migrants. Ces entraves déstabilisent non seulement les ménages mais aussi la sécurité alimentaire des populations. Pour le Togo et ses voisins, concilier sécurité et libre circulation est un impératif. Cela suppose de mettre en place des réformes favorables aux petits commerçants, véritables piliers de l’intégration régionale.


Tags

afriqueHautmigrationsune
Previous Article
Pourquoi le Togo attire-t-il les jeunes étudiants Gabonais ?
Koffi Dzakpata 🇹🇬

Koffi Dzakpata 🇹🇬

Producteur de contenus

Récemment publié

Rufisque face au défi de sa diaspora : un potentiel de développement en attente
2025-10-04T07:25:26

S'abonner à notre newsletter !

Liens Rapides

ContactFaq

Réseaux sociaux