
C’était le 8 septembre 2024. Un naufrage d’une rare tragédie avait frappé le Sénégal et le département de Mbour (ville située sur la petite côte, à 80 kilomètres au sud de Dakar), plus particulièrement. Une pirogue qui avait chaviré, emportait avec elle plusieurs vies et d’innombrables disparus. Aujourd’hui, même si le deuil peut encore demeurer, certains continuent de tirer sur la sonnette d’alarme afin d’éviter la réputation de tels drames. Car aujourd’hui encore, l’épisode douloureux de Mbour ne semble pas décourager les candidats à l’émigration. C’est là qu’ intervient le Collectif des victimes de l’émigration irrégulière au Sénégal (Coves) en faisant un travail de sensibilisation auprès des jeunes qui malgré tout sont toujours tentés par l’aventure occidentale.
“Ce sont nous, les parents, qui avions motivé leur départ parce que nous comptions sur nos activités de pêche qui, aujourd’hui, ne marchent plus. Nos enfants revenaient soit bredouilles soit avec une petite quantité de produits qui ne leur permettait pas de subvenir à leurs besoins. La plupart d’entre eux sont mariés. C’est pour cette raison qu’ils avaient pris la mer dans l’espoir d’une vie meilleure ailleurs”, racontait Yatma Diop, porte-parole des familles des victimes à la suite de la tragédie de Mbour.
Un peu plus de six mois après le drame de Mbour, on reste sur le qui-vive. Le collectif des victimes de l’émigration irrégulière au Sénégal (Coves), a investi le terrain en allant justement là où le phénomène semble sévir le plus. Aux larges des côtes sénégalaises.
Mais tout d’abord, un bref rappel de la provenance de tous ces maux s’impose. “Les procédures classiques de voyages prennent beaucoup de temps, et ceux qui s’en occupent ne sont pas toujours exempts de toute reproche. Là intervient encore la question relative à l’octroi des visas”, dénonce Saliou Mbaye, membre du Coves.
Dans son commentaire, ce migrant de retour reconnaît que cette difficulté rencontrée dans ce circuit normalisé pousse depuis toujours les plus “téméraires” à s’aventurer dans la voie maritime ou dans celle du désert. “Je ne vous apprend rien vous disant que le sésame que constitue le visa se gagne de plus en plus difficilement aujourd’hui”. Même si ceux qui
parviennent à rejoindre le vieux continent ne sont pas souvent au bout de leur peine. Car explique ce membre du Coves, “l’Europe aussi a ses réalités, le système d’asile… il faut apprendre la langue d’abord pour pouvoir s’intégrer dans la société européenne. Et pour un jeune qui débarque en France, en Espagne ou en Italie, le temps est précieux sans compter la pression sociale, c’est d’ailleurs cette pression sociale qui pousse les jeunes à aller vers l’aventure.”
Le dernier point de ce processus fatidique est constitué du retour au bercail. Cette phase finale est aussi loin d’être évidente. “Qu’en est-il maintenant de la phase de réinsertion au Sénégal”, s’interroge-t-il avant de poursuivre. “Je dirais que c’est un coup d’épée dans l’eau, c’est sans réelle conviction dans la pratique. Cette raison fait que je n’indexe pas les candidats à l’émigration. Car comme dit l’adage, un sac vide ne tient pas debout. Car même si elle n’est pas l’unique motivation, à un pourcentage considérable, les candidats à la migration sont mus par cet épanouissement économique”.
Poursuivant son propos, Saliou Mbaye, nous a encore offert sa propre expérience. “Si je prends mon exemple, j’ai fait 8 ans d’études pour devenir mécanicien supérieur. Après cette formation, j’ai fait quatre ans de pratique entre les contrats à durée déterminée et les stages. Ce n’est que l’année suivante que j’ai pu sortir un peu de cette situation instable, précaire pour subvenir aux besoins de ma petite famille. À l’époque j’avais 36 ans”.
Vous l’aurez compris, en revenant sur ce “parcours du combattant”, le Coves cherche surtout à dissuader les candidats à l’émigration irrégulière. Car, par la voie terrestre ou celle maritime, les risques ne sont plus à démontrer. Toutefois, les facilitations inhérentes à l’octroi aux visas constituent toujours un réel goulot d’étranglements. Et enfin, la réinsertion de ceux qui reviennent renvoie parfois à un tableau peu reluisant. Toujours est-il que ce genre d’initiative du collectif devrait être démultiplié, ce n’est qu’une probabilité d’une plus large cible atteinte.
Un phénomène qui a la peau dure
Au cours d’une patrouille nocturne à la plage de Mbodiène (centre-ouest), la brigade territoriale de Joal a procédé à l’interpellation de 59 nouveaux candidats (à l’immigration) dont 16 filles”, a indiqué la gendarmerie nationale dans un communiqué publié ce lundi 17 sur diverses plateformes.
Ce nombre vient s’ajouter aux 374 individus arrêtés durant le week-end du 14 au 16 mars 2025 par la gendarmerie entre Mbour et Fatick (centre-ouest)”, poursuit le communiqué. Ces personnes arrêtées venaient de toute la sous-région, majoritairement des Guinéens, Gambiens, Ivoiriens et Sierra-Léonais, nous apprend cette missive. Le cumul de ces 2 interpellations dépasse la barre des 400 candidats à la migration.
“Sept des organisateurs ont également été arrêtés et d’importantes ressources logistiques saisies”, affirme la gendarmerie. Dans l’espoir d’atteindre l’Europe, de plus en plus de personnes migrantes, en majorité des jeunes sans emploi en quête d’une vie meilleure, empruntent la dangereuse route maritime pour rejoindre les Canaries depuis les côtes ouest-africaines.
Ce nouvel épisode s’inscrit dans une dynamique “alarmante”, ont réagi le mardi 18 des ONG exprimant leur “vive préoccupation face à la recrudescence de la migration irrégulière” dans un communiqué signé par Action pour les Droits Humains et l’Amitié (ADHA) et le Mouvement International d’Apostolat des Milieux Sociaux Indépendants (MIAMSI-SENEGAL). “La migration irrégulière est avant tout le symptôme d’un malaise plus profond, marqué par le manque d’opportunités économiques, la précarité de l’emploi et l’absence de perspectives viables pour la jeunesse”, fustige le communiqué.
Rappelons qu’en 2024, près de 47.000 personnes ont tenté de rejoindre l’Europe en prenant la mer depuis les côtes ouest-africaines, selon l’agence Frontex. Il s’agit d’un nombre
d’arrivées record, en hausse de 18% par rapport à l’année précédente. En outre, plus de 10.400 migrants sont morts ou ont disparu en mer en tentant de rejoindre l’Espagne en 2024, selon l’ONG Caminando Fronteras.
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