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Sandra Idossou, une vie d’africaine expatriée en Afrique
Témoignage
Sandra Idossou, une vie d’africaine expatriée en Afrique
Ange Banouwin 🇧🇯
Ange Banouwin 🇧🇯
May 09, 2025

Il est courant d’entendre parler d’occidentaux expatriés en Afrique. Mais on parle très peu d’expatriés africains, dans des pays africains. Et pourtant, cette réalité existe. C’est le cas de Sandra Idossou, une Béninoise qui a eu du succès dans des pays de la sous-région en travaillant pour un groupe hôtelier pendant plusieurs années dans la formation des employés et à son propre compte.  Dialogue Migration vous emmène à la découverte de celle qui se définit comme une Afropolitaine, rentrée « définitivement » au bercail en 2017, et qui s’engage dans la promotion des artisans locaux, des actions sociocommunautaires et la préservation de l’environnement.

C’est dans sa galerie d’objets d’art et de produits d’artisans Béninois et Africains que nous a reçu cet après-midi d’avril 2025, à Cotonou route de l’aéroport, Sandra Idossou. Après 19 ans d’expatriation dans 7 pays africains (Ghana, Togo, Nigeria, Tchad, Rwanda, Gabon et Congo), depuis 1999 pour des raisons professionnelles, mais aussi aux côtés de son époux, elle est rentrée au Bénin en 2017. En travaillant pour un groupe hôtelier français, elle a formé les employés dans les 21 pays africains où il était présent à l’époque. Egalement, elle a parcouru pour le compte de son entreprise de formation créée en 2006, des pays en Afrique et dans le monde.

Des études de langues (Français, Anglais et Allemand) dans un institut au Ghana, une formation dans une école d’hôtellerie et de tourisme au Bénin, Sandra Idossou a intégré le groupe hôtelier établi à l’époque au Ghana comme réceptionniste suite à un stage professionnel. Redéployée avec l’implantation du groupe à Cotonou au Bénin, comme cheffe de réception pendant deux ans, en 1999, sélectionnée elle est partie en France pour suivre une formation des formateurs. En 2000, elle va commencer par faire la formation dans les hôtels du groupe dans les 21 pays africains où il  était présent.

« Je passais une semaine par pays pour faire de la formation sur le service et la relation client, pendant six ans. C’était beaucoup de voyages. De 2000 à 2006 quand vous voyagez en Afrique et que c’est toutes les semaines, c’est pénible parce qu’entre pays africains, il n’y a pas forcément de connectivité. Même si j’avais grand plaisir à découvrir les pays, au bout de la troisième voir quatrième année, j’avais juste envie de raccrocher, et d’être à un seul endroit, que de tourner », raconte toute enthousiaste, Sandra Idossou, à Dialogue Migration. 

Toutefois, elle va tenir puisque pour elle, c’était un défi en tant que femme et jeune, travaillant sur le continent. Ce qu’elle trouve d’ailleurs valorisant. 

« Quand j’ai fini, j’ai démissionné et en 2006, j’ai créé mon propre cabinet. Je suis retourné au Ghana parce qu’à cette période mon mari avait été muté au Ghana  et je l’ai rejoint.  J’y ai créé ma boite et commencé aussi à proposer mes formations ». 

Consultante et formatrice, Sandra Idossou, travaille avec les entreprises sur tout ce qui est service,   permettant de donner un élément de différenciation par rapport à d’autres personnes qui vendent les mêmes produits ou les mêmes services, en formant les collaborateurs à apporter le meilleur d’eux pour rendre leurs services plus performants.

Perception d’expatrié africain dans un autre pays d’Afrique  

« Mon mari étant ingénieur des BTP, c’est d’abord lui qui a eu l’opportunité de s’offrir des postes d’expatriés », indique-t-elle, avec résidence dans la même base vie que des ingénieurs français et les mêmes avantages. Toutefois, ce dernier volet n’a pas été effectif sans militer.

Idossou soutient avoir eu de très bons rapports dans tous les pays où elle est restée, de par sa sociabilité. « J’avoue que je n’ai jamais vécu de racisme en Afrique. Dans les pays où je faisais des missions.  Avant nous, ce sont les Blancs qui venaient de France et qui dispensaient la formation. Quand on arrivait dans les hôtels et que les gens voyaient que cette fois-ci ce n’étaient pas des blancs, mais des Africains, ils étaient très fiers. On était cinq formateurs en tout », dit Idossou.  

Il y avait, elle, une Béninoise, une Ghanéenne, une Guinéenne, un Togolais et un Ivoirien qui faisaient le tour des 21 pays, donnant chacun des formations dans son domaine d’expertise. L’équipe de formation se rendait dans chaque pays, une fois par an.

« Je me souviens de la première fois où je suis allée en Afrique du Sud. C’était à priori des Sud-africains blancs, et les gens avaient peur qu’ils aient du mal à apprécier la compétence et  autres. Mais, une fois que tu commences par parler et que les gens se rendent compte que tu maîtrises ton sujet, cela se passe très bien », dit-elle.   

Dans son parcours avec le groupe hôtelier, « Il y a une seul mission ou je n’ai pas réussi à aller. Il s’agit de l’Algérie. Il y avait un problème de visa. Mais on formé en Afrique du de l’Est, du Nord, en Mauritanie où c’était des Maures, et voir une femme venir les former… ».

Remise en cause du cliché du rêve européen des Africains 

Pour Sandra Idossou, être africaine, vivre et travailler en Afrique a toujours été un plaisir. Elle loue l’hospitalité des Africains vis-à-vis de l’étranger. Toutefois, elle note  une exception.  Un pays d’Afrique centrale, où les étrangers étaient vus par la population comme des gens qui viennent leur piquer leur boulot.

« J’ai un cursus africain, j’ai pas étudié en Europe. Mes parents vivent en Allemagne, mais moi je n’ai jamais voulu vivre en Europe » dit-elle. Ce, malgré les opportunités  de résidence qu’elle avait, Idossou préfère y aller en vacances visiter, ou pour des activités professionnelles.

« Moi je suis Africaine, j’aime l’Afrique et je suis fière d’être en Afrique et travailler en Afrique parce que je pense aussi qu’il faut enlever cette mentalité que tous les Africains veulent aller en Europe. J’ai eu des opportunités. Je me rappelle, quand j’étais parti en formation au sud de la France j’avais dit que j’étais impatiente de finir et repartir en Afrique. Une des jeunes dames m’a regardé et dit : “ah bon, vous voulez repartir en Afrique ?” Et j’ai dit, oui !  Stupéfaite, elle a dit : “Mais, je pensais que tous les Africains voulaient venir vivre en Europe”. Et je lui ai dit : non ! Moi je suis pressée de rentrer. Elle m’a regardé choquée, parce qu’elle ne l’a jamais imaginé », raconte-t-elle. 

« L’image qu’on montre c’est vraiment tous ces Africains pauvres qui  veulent venir en Europe. Et moi j’ai dit que j’avais une très belle vie en Afrique et que leur vie ne m’intéresse pas. Venir en formation, venir en vacance, ça s’arrêtait à cela. Je n’ai jamais rêvé d’y vivre et pourtant j’avais des opportunités. J’ai fait des stages par exemple en Allemagne et à l’époque j’avais la possibilité de chercher  à résider si je voulais. Cela ne m’a jamais intéressé. Ma maman vit en Allemagne depuis 35 ans. Donc j’ai de la famille, et si je veux, je pouvais rester là-bas », ajoute Idossou.  

Du débat sur les migrations des africains sur le continent  

Sandra Idossou trouve passionnant le débat sur les migrations africaines. Cependant elle a quelques pincements au cœur au sujet de ceux qui vont étudier avec les « pauvres sous de leurs parents africains », qui finissent et qui ne veulent pas rentrer pour construire cette Afrique. « C’est les mêmes qui viennent en vacances et disent : mais ici les choses n’avancent pas.  Alors que si ces mêmes personnes revenaient construire l’Afrique, on avancerait plus vite », se désole-t-elle.

Cependant elle met un bémol avec des anecdotes de sa propre expérience sur la nécessité de l’adaptation. Egalement, elle relève des préalables : « Localement, on doit aussi avoir des offres alléchantes. Quand tu travailles comme nous autres et que tu arrives ici et qu’on te propose un salaire qui n’est pas intéressant, ce n’est pas simple de s’adapter non plus. Il faut savoir pourquoi on rentre », exhorte-t-elle. 

Idossou se sent attristé que certaines personnes ne voient pas toutes les perspectives autours d’elles, et cherchent par tous les moyens, en passant par le désert et en prenant la mer pour émigrer : « Les gens pensent que tout est tellement mort autour d’eux et ce n’est qu’en occident qu’ils vont réussir, je trouve cela plutôt triste. Mais je ne suis pas dans leurs chaussures pour savoir ce qui les amène à être aussi désespéré ».

Retour au bercail et engagement 

Aujourd’hui dans l’art et l’artisanat, montrant que ces secteurs sont aussi des vecteurs de changement et peuvent contribuer au développement de l’économie de son pays, Idossou est pour la mobilité africaine. « C’est important que les africains s’ouvrent par rapport à ce qui se passe en Afrique.  Souvent on pense que les opportunités c’est en occident. Alors que c‘est autour de nous dans d’autres pays africains. Parfois, il suffit juste de traverser la frontière et de savoir qu’il y a énormément d’opportunités à côté », dit-elle. 

Présidente de l’association dénommée : Engagement Action Sociale, Sandra Idossou c’est aussi une militante engagée pour des causes. A son retour dans son pays d’origine le Bénin en 2017, elle s’est engagée dans de nombreux projets sociaux notamment sur #SachetHeloue dans le but de sensibiliser aux dangers des sacs plastiques au Bénin. 

Dans la foulée, il sera adopté par le parlement béninois la loi contre l’utilisation des sachets plastiques au Bénin. Ce qu’elle désigne comme l’engagement de sa vie.

« En dehors de l’environnement, mobiliser des gens pour construire une école dans un village, donner ma voix pour défendre le consommons local ou l’artisanat local, je vois tout cela comme de petites choses. Parce que si chacun fait de petites choses on va y arriver », dit-elle.

Cependant, il lui arrive d’avoir des regrets depuis son retour où elle fait beaucoup sur le plan social, et moins sur celui  professionnel, censé lui apporter des devises.   Toutefois, Idossou n’entend pas renoncer : « Par rapport à mes engagement, c’est plus fort que moi je continue de donner de ma voix et de mon temps à aller dans des écoles et sensibiliser à organiser des activités pour les enfants, parce que si dans dix ans, eux ils grandissent en comprenant un certain nombre de chose, j’aurais contribué à quelque chose. Je n’aurais pas vécu inutile. Donc, je continue par m’engager ». En janvier 2024, Sandra Idossou a reçu le titre de Chevalier de l’Ordre National de Mérite de la France en reconnaissance de son travail.


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