Le huitième des jeunes en migration dans le monde cherchent à améliorer leur moyens d’existence et 4,3% étudient dans des universités étrangères, selon le rapport officiel du Dialogue international sur la migration (IDM) publié en 2020. Parmi ces jeunes étudiants migrants, le Centrafricain, Fabrice, que Dialogue Migration a retrouvé à Cotonou où il a installé sa famille de façon provisoire.
Fabrice, jeune centrafricain d’une trentaine d’années, est parti en 2011 de son pays pour étudier en Israël. Au bout de quelques années de séjours studieux ponctués de voyages entre l’Afrique et le Moyen Orient, il a fini par obtenir son Master en management et décroché un emploi dans le secteur hôtelier dans son pays d’accueil. Pays dont il se dit admiratif pour sa structuration et ses opportunités, tout en relevant la proportion que représente la communauté noire.
C’est au cœur de Cotonou, la capitale économique du Bénin, que Dialogue Migration l’a rencontré alors qu’il passait pour le gérant d’un fast-food dans les environs du Stade de l’Amitié Général Mathieu Kérékou de Kouhounou, quartier très animé, de jour comme de nuit, carrefour des activités sportives et autres loisirs. Une fois le contact établi, Fabrice ouvre les pages de son histoire de jeune centrafricain au Bénin, loin de son pays d’origine et de son pays d’adoption l’Israël.
L’histoire de Fabrice est celle de nombre de jeunes africains en quête d’un lendemain meilleur, à travers des études supérieures hors de leur pays et partout même du continent. La raison est toute simple comme il l’exprime lui-même : « s’offrir de meilleures opportunités de réussite sociale et d’insertion socioprofessionnelle ». « Je suis allé étudier en Israël où j’ai fait un Master en Management », fait-il valoir.
En effet, le rapport officiel du Dialogue international sur la migration (IDM) publié en 2020 révèle que sur les 258 millions de migrants internationaux recensés en 2017, 90% viennent des pays en développement. Le document note que le 1/8 des jeunes en migration cherchent à améliorer leur moyens d’existence et 4,3% étudient dans des universités étrangères.
Dans une publication intitulée ‘’Les migrations internationales pour études : facteurs de mobilité et inégalités Nord-Sud’’, publié en 2009, Eugénie Terrier relève que depuis les années 90, des facteurs de nature plus économiques ont pris davantage d’importance. L’internationalisation des formations académiques s’est réalisée en parallèle de la mondialisation du marché du travail. Dans l’économie mondialisée d’aujourd’hui, la mobilité internationale pour études est socialement valorisée car elle est présentée comme un gage de compétences reconnues par les employeurs. Avoir étudié à l’étranger est synonyme d’une meilleure pratique des langues étrangères, de flexibilité, d’ouverture d’esprit, de capacités d’adaptation aux différences culturelles, autant de compétences supposées être recherchées par les services des ressources humaines des entreprises intégrées au marché économique mondial, conclut-elle.
En dehors de son départ qui se justifie par la quête de meilleures formations et de débouchés en termes d’employabilité, Fabrice doit se confronter également à la situation socio-politique dans son pays d’origine la Centrafrique, secoué par une instabilité politique. Une situation qu’il évoque avec un pincement au cœur.
Les motifs de départs vers les pays développés
La Centrafrique est secouée par une instabilité socio-politique. Dans l’article ‘’Causes principales des migrations africaines extracontinentales’’ publié en 2022 par Roméo Gbaguidi, Enseignant-chercheur, Directeur de LemAfriQ, au nombre des raisons principales des migrations subsahariennes extracontinentales, il est énuméré entre autres : la recherche de meilleures conditions de vie ou même de survie ; le manque d’opportunités réelles d’emploi, pour les jeunes notamment ; l’inadéquation des compétences professionnelles au marché du travail local ; le poids de la tradition et les facteurs sociaux ; la réunification des membres de la famille, notamment en ce qui concerne les femmes ; la situation politique (instabilité politique de certains pays de la région) ; attaques et persécutions sélectives (ethniques, orientation sexuelle, idéologie politique ou religieuse) ; corruptions sous différentes formes, injustices sociales (classicisme)…
Vivant à Tel-Aviv, Fabrice est revenu pour ses vacances sur Cotonou au Bénin où vit sa petite famille. Son pays la Centrafrique est plongé depuis quelques années dans une crise sociopolitique. Alors, pour mettre à l’abri sa femme et ses enfants des risques d’insécurité, Fabrice a pris l’option de les déplacer de Bangui, la capitale. Ce, après avoir demandé l’avis de ses proches pour une destination où le coût de la vie reviendrait relativement moins cher. C’est après des échanges et au vu de son expérience dans certains pays de la sous-région qu’il a visités pour diverses raisons, qu’il a finalement opté pour le Bénin. Ses deux enfants étant scolarisés, en attendant la fin de l’année scolaire courant juin, et la finalisation de leurs visas, il passe son séjour à Cotonou. « J’attends juste que mes enfants finissent l’année scolaire pour repartir en Israël avec ma petite famille. Le temps aussi que leurs visas soient prêts », justifie-t-il.
Entre temps, Fabrice gère pendant la journée un fast-food appartenant à un de ses voisins de Cotonou, histoire de mettre à profit le temps qu’il passe à la maison à se retourner les pouces. « Chez moi en Centrafrique, la situation est très délicate. Et il y a l’insécurité. C’est pourquoi j’ai préféré mettre ma famille à l’abri ici au Bénin, depuis bientôt cinq ans, en attendant qu’elle puisse me rejoindre en Israël où je vis », confie-t-il.
Pour lui, la principale raison du départ de nombre de jeunes africains est toute simple : « la mauvaise gestion des gouvernants, est là, base du départ des jeunes. Si on avait des conditions meilleures en termes de formation et des débouchés, en termes d’employabilité, je pense que beaucoup de jeunes n’allaient pas migrer ». Mieux, il redoute le cas de certains qui sont obligés de partir en optant pour de meilleures conditions au prix de leur vie. « Je pense que si les gens avaient le choix, ils ne prendraient pas la mer pour aller en Europe, traverser le désert, ou connaître les atrocités qui se passent en Libye et autres… », dit-il.
Fabrice semble si préoccupé, si gêné en évoquant le phénomène de l’immigration dite irrégulière. De par son expérience, il en sait beaucoup sur la vie hors de son pays d’origine, même si pour son projet d’immigration, il a opté pour les voies légales.
Après son séjour au Sénégal, puis au Niger, Fabrice atteste de l’hospitalité africaine. Employé dans le secteur hôtelier en Israël, le titulaire d’un master dans le secteur n’éprouve aucune gêne à évoquer des réalités dans le pays. Même si pour lui, la communauté Noire africaine, quoique minoritaire, semble bien intégrée et respectée dans leurs droits : « Il n’y a pas de discrimination, mais on retrouve bon nombre d’africains dans le secteur des services », affirme-t-il.
« Si tu descends là-bas, tu as la latitude de faire tout ce que tu veux. Mais quand tu fais quelque chose qui est proscrit, rapidement tu es identifié et expulsé. Avant même ta venue ils savent qui tu viens voir et l’accès est très filtré. Mais il y a des opportunités, même des Français quittent l’Europe pour venir en Israël s’installer et travailler. Quand on constate que vous avez un visiteur indélicat, on demande soit tu sors et lui reste ou le visiteur se retourne… », illustre-t-il.
Fabrice reste tout de même attaché à son continent et à son pays même si pour le moment son projet de regroupement familial en Israël est l’une de ses priorités.
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