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Le Thiebou dieun s’invite aux mariages à N’Djamena
Découverte
Le Thiebou dieun s’invite aux mariages à N’Djamena
Tamaltan Inès Sikngaye🇹🇩
Tamaltan Inès Sikngaye🇹🇩
November 01, 2025

À N’Djamena, les parfums des cérémonies de mariage ont changé. Dans la chaleur des après-midis de fête, entre les rires des femmes et les rythmes des balafons, un plat trône désormais au centre des grandes tablées : le Thiebou Dieun, ce riz au poisson sénégalais aux couleurs vives et au goût ensoleillé.

Autrefois, les convives savouraient plutôt le moula Daraba (sauce gombo), le Tant Koul -TK (sauce longue), ou d’autres mets tchadiens chargés d’histoire. Aujourd’hui, le Thiebou Dieun s’impose dans les menus des célébrations, devenant presque un passage obligé, un symbole de prestige et de convivialité.

Un plat venu du Sénégal, adopté par le Tchad

Le Thiebou Dieun (ou Ceebu Jën en wolof) n’est pas un plat anodin. En 2021, il a été inscrit par l’UNESCO sur la Liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, reconnaissant sa richesse culinaire et son rôle social au Sénégal. Mais c’est bien au-delà des frontières sénégalaises qu’il s’est fait un nom. À N’Djamena, on le retrouve aujourd’hui dans les mariages, les baptêmes et les grandes fêtes familiales.

« Le Thiebou Dieun, c’est devenu le signe du raffinement », confie Zara, tenancière de restaurant au quartier Paris Congo. « Les mariés veulent un repas qui marque les esprits. Et ce plat plaît à tout le monde : il est coloré, généreux et festif », ajoute-t-elle avec un sourire.

Cette adoption culinaire ne relève pas du hasard. Elle raconte une histoire de voyages, de rencontres et de métissages culturels nés de la migration entre les peuples d’Afrique.

La migration comme moteur d’échanges culturels

Depuis plusieurs décennies, les mouvements migratoires entre le Tchad et les pays de la sous-région notamment le Sénégal, le Niger ou le Cameroun ont favorisé un brassage culturel sans précédent. Étudiants, commerçants, fonctionnaires ou époux venus d’ailleurs ont apporté avec eux leurs goûts, leurs langues et leurs recettes.

Dans les marchés de N’Djamena, le yaboy (poisson séché sénégalais) côtoie désormais les ingrédients locaux. Dans les foyers, les épices et les modes de cuisson se mélangent. Et dans les mariages, le Thiebou Dieun s’impose comme le plat du vivre-ensemble.

« Ce plat, c’est une belle métaphore de la migration », estime Ruth Ngoh Ousmane, sociologue tchadienne. « Il montre que la circulation des personnes ne transporte pas seulement des biens ou des idées, mais aussi des traditions qui deviennent partagées ».

Une identité culinaire en mouvement

Si certains nostalgiques regrettent la disparition progressive des plats tchadiens des menus de mariage, d’autres y voient une évolution naturelle des goûts et des pratiques. « Les traditions, après tout, ne sont pas figées : elles se transforment, s’enrichissent et s’adaptent », souligne Olivier Djerané, invité à une célébration à Sabangali.

« Le mariage, c’est le moment où deux familles se rencontrent, où l’on partage », sourit Murielle, jeune mariée à Sabangali. « Alors, pourquoi ne pas partager aussi les saveurs du continent ? »

Pour beaucoup de jeunes couples, proposer du Thiebou Dieun, c’est aussi revendiquer une ouverture sur le monde, un attachement à une Afrique connectée, curieuse et en mouvement.

Le goût du métissage

À travers un simple plat, c’est toute une histoire migratoire positive qui s’exprime : celle d’un continent où les frontières se franchissent par les odeurs, les échanges et les affections. Le Thiebou Dieun n’a pas remplacé les mets tchadiens, il les a rejoints à la table. Il symbolise un métissage culinaire et culturel, preuve que la migration peut être une source d’enrichissement mutuel.

Dans les grandes marmites des mariages au Tchad, le riz, les légumes et le poisson racontent désormais bien plus qu’un repas. Ils racontent l’Afrique qui voyage, se rencontre et s’unit autour d’une même table.


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