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Des enjeux d’une nouvelle politique migratoire au Bénin
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Des enjeux d’une nouvelle politique migratoire au Bénin
Ange Banouwin 🇧🇯
Ange Banouwin 🇧🇯
May 24, 2025

Le Bénin entend recodifier la législation sur les migrations sur son territoire. Début avril 2025, le gouvernement béninois a annoncé l’envoi à l’Assemblée nationale, pour examen et vote, du projet de loi relatif à l’entrée, au séjour, à la résidence et à la sortie des étrangers en République du Bénin. A cette dernière s’ajoute la modification de la loi relative à la reconnaissance de nationalité aux afro-descendants dans le pays. Deux réglementations aux enjeux insoupçonnés, face au contexte contemporain.

« La loi n° 86-012 du 26 février 1986 relative au régime juridique des étrangers dans notre pays ne répond plus totalement aux exigences actuelles de mobilité, d’attractivité territoriale, de promotion du tourisme et de coopération régionale et internationale », a déclaré le porte-parole du gouvernement, Wilfried Houngbédji au terme du conseil des ministres du mercredi 9 avril 2025.

Selon les autorités béninoises, depuis l’adoption de celle-ci, il y a eu des avancées significatives dans plusieurs secteurs de la vie sociale, économique et politique. C’est pourquoi, il est apparu pertinent d’engager la refonte complète de la loi en vigueur afin de mettre en place une législation moderne, équilibrée et cohérente relative à l’entrée, au séjour, à la résidence et à la sortie des étrangers.

Quant au projet de loi portant modification de la loi 2024-31 du 02 septembre 2024 relative à la reconnaissance de nationalité aux afro-descendants en République du Bénin : « La principale modification envisagée concerne l’intitulé de l’attestation provisoire actuelle qui deviendra une attestation d’éligibilité au bénéfice de la nationalité béninoise. Cette dénomination permettra de clarifier le statut des bénéficiaires en attente de finalisation de leur demande, sans créer de confusion avec les effets de la nationalité », a indiqué le porte-parole du gouvernement.

Si les modalités de la transmission de la nationalité béninoise par reconnaissance ont été précisées, ainsi que celles de jouissance de la pleine nationalité, « la modification projetée s’inscrit dans une volonté d’harmonisation législative, de simplification administrative et de respect des principes de sécurité juridique, de transparence et d’efficacité. Elle a également l’avantage d’offrir un cadre plus lisible, plus protecteur, conforme aux ambitions du Bénin en matière de retour aux origines et de reconnaissance des afro-descendants dans la communauté nationale », selon le relevé du conseil des ministres dont a pris connaissance Dialogue Migration.

Une volonté de s’ouvrir à l’Afrique et sa diaspora

Le passeport béninois est présenté comme l’un des plus avantageux d’Afrique permettant un accès sans visa à 35 pays. Le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération du Bénin, Olushegun  Adjadi Bakari, dans une interview a levé subtilement, sans s’y référer, l’ambition du Bénin qui se traduit sans doute dans ces lois.

« La question de la mobilité sur notre continent est une question essentielle au moment où nous parlons de la zone de libre-échange continentale africaine. Au moment où la jeunesse africaine a soif d’opportunités ; à soif de de réussite, il est important que nous puissions offrir à nos concitoyens la possibilité de circuler sur notre continent. Vous vous rendez compte qu’aujourd’hui un africain qui veut circuler sur le continent africain a en moyenne besoin d’une trentaine de visas, alors que ce n’est pas le cas pour un européen ou pour un américain. Nous au Bénin, dès 2017, le président Patrice Talon a décidé de supprimer les visas pour tous les Africains. 

Tout africain peut se rendre désormais au Bénin sans besoin de visa. Et nous avons décidé de mettre en place une politique active de discussion, d’échange avec nos pays frères du continent africain. Il y a une cellule au niveau du ministère des Affaires étrangères qui fait ce travail et qui essaie de pouvoir lever cette barrière pour permettre aux jeunes béninois, aux hommes d’affaires béninois, de pouvoir saisir les opportunités qu’offre le continent africain ». 

Le gain économique immédiat de la politique des visas battu en brèche  

Si pour plusieurs pays, la politique d’instauration des visas d’entrée sur leur territoire est un élément de mobilisation de ressources, dont l’exemption transparaît comme un manque à gagner sur le plan économique, le Bénin semble voir les choses autrement. 

« Il y a la possibilité de regarder le court terme, et de se dire tout de suite nous avons les petits frais de visa que nous collectons et puis il y a la vision de long terme qui consiste à dire est-ce que nous avons envie de construire une Afrique dynamique, une Afrique intégrée. Nous parlons tous de panafricanisme et pourquoi est-ce qu’on demanderait à un africain qui est chez lui sur le continent africain de payer pour visiter un autre pays africain ? Nous, au Bénin sous la direction du président Patrice Talon nous croyons que cela ne doit pas être le cas. Nous croyons que les africains doivent être partout sur le continent chez eux et principalement au Bénin », soutient Adjadi Bakari.  

Quant au volet d’offrir la nationalité béninoise à aux afro-descendants consenti par le Bénin,  il est annoncé le lancement d’un site internet qui va digitaliser la procédure. Les agences chargées de l’implémentation sont déjà opérationnelles, et les équipes à pied d’œuvre selon le ministre béninois. « Nos frères et sœurs de la diaspora afro-descendante qui souhaiteront emprunter ce chemin pourront le faire de la manière la plus dématérialisée, la plus digitale possible. Bien entendu, avec la possibilité et la nécessité à un moment donné d’être en contact avec des officiers d’état-civil béninois ». 

Une vision qui selon le chef de la diplomatie béninoise, relève d’un « panafricanisme du concret et pas simplement celui des invectives et des mots ». 

« Nous, nous rêvons du fait que demain un jeune africain n’ait plus besoin de réfléchir à aller postuler pour un visa parce qu’il aura la liberté de circuler sur le continent africain et c’est cela le réel panafricanisme. De la même manière, le panafricanisme tel que nous le voyons, c’est d’offrir la possibilité aussi à nos frères et sœurs de la diaspora qui se sentent profondément africain de pouvoir revenir et faire partir de cette communauté. C’est ça le sens du panafricanisme d’aujourd’hui, un panafricanisme du concret, du réel », a dit le ministre béninois.

Au lendemain de la diffusion de l’entretien du ministre, le gouvernement béninois a annoncé, le mercredi 21 mai 2025, la construction d’un Centre d’Identification – Immigration – Emigration – Election (CIIEEL) à Cotonou. Un centre d’envergure devant abriter les sièges des institutions publiques que sont : la Commission Électorale nationale autonome (CENA), l’Agence nationale d’Identification des personnes (ANIP), la Direction de l’Émigration et de I’Immigration (DEI), et la Direction des Affaires consulaires et des Béninois de L’Extérieur (DACBE).

Des attentes de la relecture projetée

Des attentes d’organismes non étatiques, la relecture de la loi sur la migration au Bénin devra impliquer une analyse approfondie des textes existants, en particulier la loi sur le régime des étrangers de 1986 et la loi sur les réfugiés et apatrides de 2022, en les confrontant aux engagements internationaux du Bénin et aux défis migratoires actuels, afin d’identifier les lacunes et les opportunités d’amélioration pour une gestion migratoire plus cohérente, humaine et efficace.

Bien que des textes de loi existent, l’OIM et le Comité des droits des travailleurs migrants ont noté l’absence d’un document de politique migratoire clair et exhaustif. Une  relecture devra inclure la nécessité d’élaborer une politique migratoire qui coordonne l’ensemble des législations existantes et aborde les différents aspects de la migration (travail, famille, protection, etc.). 

Il s’agit notamment de la protection des travailleurs migrants, y compris ceux en situation irrégulière, afin qu’ils aient accès au salaire minimum, à la sécurité sociale et aux soins de santé, y compris les soins d’urgence; l’enregistrement des enfants de migrants, pour que tous les enfants de travailleurs migrants nés sur le territoire béninois soient enregistrés à la naissance et bénéficient de la nationalité béninoise; la coordination institutionnelle à travers la législation et l’adéquation aux standards internationaux du cadre juridique national sur la migration. Également, la  Lutte contre la migration irrégulière qui prend de l’ampleur dans le pays, ses causes et ses conséquences.


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