
Dans un contexte de chômage alarmant et d’émigration irrégulière, le Sénégal embrasse la migration circulaire en s’appuyant sur des accords avec des pays comme l’Espagne. Ce programme s’impose comme une lueur d’espoir pour certains jeunes en quête d’un avenir meilleur à l’étranger. Alors que l’État sénégalais s’efforce d’instaurer une transparence dans les processus de sélection, des milliers de candidats préparent à saisir cette opportunité prometteuse.
Habillé en tenue traditionnelle africaine, un tissu en coton carrelé en noir et blanc drapant son corps élancé, Youssou Faye, 25 ans, émerge comme un symbole d’espoir et de détermination. Dans sa quête d’un avenir meilleur, il fait partie de la marée montante de jeunes sénégalais qui, avec l’ardeur de la jeunesse, ont afflué vers les bureaux d’assistance, d’orientation et de suivi (BAOS) de Dakar et de Ziguinchor. L’ouverture des dépôts physiques a récemment créé un engouement, et l’annonce du passage vers une plateforme en ligne n’a fait qu’augmenter la fièvre des candidatures. Les réseaux sociaux et vidéos diffusées ont contribué à rendre cette aventure encore plus vivante et réelle. Ce sont des heures d’attente, des conversations animées et une atmosphère d’anticipation qui règnent au milieu de cette foule excitée. La vidéo de ces moments, partagée avec ferveur sur les réseaux sociaux, témoigne de la quête collective d’une vie meilleure.
Youssou Faye, étudiant en deuxième année au département d’histoire à l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar, porte un regard résolu sur son avenir. Bien qu’il admette ne pas connaître toutes les nuances de la vie en Espagne ni les conditions de travail qu’il pourrait y trouver, son désir de partir est indéniable. « J’ai déjà mon inscription en ligne pour la migration circulaire », révèle-t-il, sa voix empreinte de détermination. Son récit est simple, mais poignant : « Ma motivation principale est de soutenir mes parents financièrement. » Contrairement à beaucoup, il a un plan ; à la fin de son expérience en agriculture en Espagne, il aspire à retourner au Sénégal pour investir et aider sa communauté à prospérer.
Pour l’année 2025, l’État du Sénégal a annoncé un projet : l’envoi de 370 travailleurs agricoles en Espagne. Après l’ouverture des dépôts de dossiers en ligne entre le 5 et le 7 février, une véritable ruée s’est produite : en seulement quarante-huit heures, 10 000 candidatures ont afflué, 5 000 rien que pour Dakar. Le programme est accessible à tous les Sénégalais âgés de 25 à 35 ans, sans restriction de diplôme. Ce besoin urgent d’emplois dans un pays où le chômage a atteint un triste record de 20,3 % au troisième trimestre 2024, selon l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD) illustre désespérément les réalités du marché du travail sénégalais.
Amadou Diop, un autre jeune homme de la même université, partage cette aspiration ardente. Rencontré dans le campus social, il s’exclame : « Je veux partir pour chercher une vie meilleure pour ma famille. L’Espagne m’offre des opportunités qui s’éclipsent ici. » Sa détermination est contagieuse et reflète le besoin désespéré d’un avenir radieux. Tandis que ces jeunes se préparent à changer leur vie, Mamadou Diouf, un homme d’âge plus mûr, joue un rôle clé en les aidant à s’inscrire sur la plateforme. « J’inscris de nombreux jeunes, des femmes y compris à la migration circulaire. Les frais d’inscription ne sont que de 1000 FCFA », explique-t-il.
Les femmes ne sont également pas en reste
La migration n’est pas seulement une aventure masculine; elle est aussi le récit poignant de femmes courageuses qui bravent l’inconnu pour un avenir meilleur. Fatoumata Diouf, avec sa peau d’ébène et son sourire éclatant, incarne cet espoir bouillonnant. À 28 ans, elle rêve avec passion : « Je veux partir en Espagne pour enfin atteindre la stabilité financière. J’ai obtenu ma licence en Gestion, mais ici, le désespoir m’étreint, car les bras tendus à la recherche d’un emploi restent désespérément vides. » Pour elle, quitter son pays devient une nécessité urgente, une porte ouverte sur la promesse d’une vie où les rêves ne se heurtent plus à la réalité morose.
À quelques pas de là, Bineta Diop, une femme à la détermination sans faille, arpente chaque matin les ruelles de la Médina avec son sac à main. Sa quête incessante de travail domestique se heurte à un mur de refus. Bien qu’elle détienne un master en Espagnol, son rêve de prospérité se transforme en un combat acharné. « La langue espagnole est mon arme », déclare-t-elle, avec des étincelles dans les yeux. Elle sait que sa maîtrise de la langue lui ouvrira des portes, mais elle se bat contre un système qui semble vouloir l’ignorer.
Le désespoir des jeunes sénégalais
Cette frénésie de candidatures traduit l’ampleur de la crise de l’emploi au Sénégal. Le programme de migration circulaire, qui existait déjà, est désormais vu comme une bouée de sauvetage pour des milliers de jeunes cherchant désespérément à échapper à l’ombre du chômage et à construire un nouveau rêve. Le secrétaire d’État aux Sénégalais de l’extérieur, Amadou Chérif Diouf, explique que depuis les premiers accords de migration circulaire en 2006, la transparence dans le processus de sélection a souvent été remise en question. « C’est pourquoi nous avons pris des mesures pour rendre l’appel à candidature plus ouvert et accessible », assure-t-il.
La migration circulaire n’est pas une nouveauté au Sénégal ; elle s’inscrit dans un contexte plus large de politiques migratoires engagées par le pays. Des accords similaires à celui signé avec l’Espagne ont vu le jour avec des pays comme l’Arabie saoudite, le Koweït et la France, tout cela sous les présidences de figures politiques telles qu’Abdoulaye Wade (2000-2012) et Macky Sall (2012-2024). Face à l’angoisse croissante que suscite l’émigration irrégulière de ses ressortissants, le Sénégal s’est engagé, depuis 2006, dans une série de partenariats avec des nations comme l’Espagne, la France et l’Italie. Ces efforts s’inscrivent dans une démarche concertée visant à endiguer le fléau de la migration irregulière, qui a causé d’innombrables tragédies, des décès et des disparitions parmi les candidats au départ. C’est ainsi qu’en 2021, Dakar a conclu un pacte important avec Madrid, établissant un programme de migration circulaire que les autorités sénégalaises présentent comme une alternative viable à l’émigration informelle. Renouvelé en août 2024, lors d’une visite marquante du Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, ce programme a pour ambition de « garantir des mouvements migratoires sûrs, ordonnés et réguliers », comme l’a affirmé le ministère espagnol du Travail.
Les termes de cet accord permettent aux migrants de travailler en Espagne pendant une durée maximale de neuf mois au cours d’une période de douze mois, en fonction des résultats obtenus. « Cette flexibilité aide les travailleurs agricoles à mieux gérer leur expérience tout en contribuant efficacement à l’agriculture espagnole », a expliqué Amadou Cherif Diouf, le secrétaire d’État aux Sénégalais de l’extérieur. Ce programme offre aussi des perspectives financières intéressantes, puisque, selon Khadim Bamba Fall, le coordonnateur national des BAOS, les migrants peuvent revenir avec un montant pouvant atteindre près de 6 millions de FCFA. Cette somme substantielle est souvent perçue comme un tremplin vers de nouveaux projets au Sénégal, au point que certains migrants, séduits par les opportunités, envisagent de ne pas repartir du tout.
Avec l’enthousiasme de divers candidats, le secrétaire d’État a également annoncé que pour la campagne actuelle, au moins 370 personnes de retour au pays seront recrutées pour continuer à soutenir cette initiative prometteuse. Au-delà de l’Espagne, d’autres initiatives similaires sont en cours d’élaboration avec la Belgique et le Japon, ouvrant la voie à des cohortes encore plus conséquentes de migrants. Cependant, il reste un impératif : « Pour garantir la réussite de ces programmes, des gages de retour des candidats retenus doivent être assurés ; sinon, la notion même de migration circulaire pourrait être remise en question », a prévenu le secrétaire d’Etat. L’objectif ultime est de rivaliser avec le Maroc, qui réussit à envoyer chaque année près de 10 000 travailleurs agricoles en Espagne. Les statistiques témoignent de l’impact de ces programmes : en 2024, le taux de retour officiel des Sénégalais issus de la migration circulaire s’élevait à 65 %, une évolution significative par rapport à seulement 40 % en 2019.
Ces chiffres montrent non seulement l’engagement croissant des Sénégalais à retourner dans leur pays avec des compétences et des ressources, mais aussi la détermination des autorités à assurer que cette migration soit bénéfique tant pour les travailleurs que pour leur patrie. L’Etat du Sénégal, en quête de solutions durables, a signé des accords similaires avec d’autres pays du Golfe et d’Europe pour encadrer ce phénomène migratoire et éviter les tragédies de l’émigration irrégulière. Les récents engagements avec l’Espagne illustrent un pas vers des mouvements migratoires « sûrs, ordonnés et réguliers », selon le ministère espagnol du Travail. Amadou, un rêveur aux ambitions claires, espère transcender les frontières et revenir avec des projets innovants pour sa communauté. Les jeunes migrants, à travers ce programme, espèrent également retourner chez eux avec des sommes conséquentes près de 6 millions de FCFA alors que beaucoup envisagent de ne pas partir à nouveau, mais de s’investir dans le développement local. Le sentiment d’un avenir meilleur.
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