Au Sénégal, le mois de juillet a été marqué par une série de chavirements et de disparitions d’embarcations de candidats qui voulaient rallier les côtes espagnoles. Près d‘une cinquantaine de morts ont été décomptés entre Rufisque, Ouakam et Saint-Louis. dans la période allant du 10 au 25 juillet 2023. Pour le nombre de personnes portées disparues, c’est plus compliqué. Le gouvernement sénégalais, la Marine espagnole et les autorités marocaines de Dakhla ne s’accordent pas sur les chiffres.
Tout commence le 10 juillet, par une annonce publiée par les Sauveteurs marins espagnols sur Twitter faisant état d’une embarcation de 200 personnes provenant du Sénégal sauvés aux abords des côtes de Las Palmas. « L’avion Sasemar 101, mobilisé depuis le Centre de coordination de sauvetage maritime de Las Palmas, poursuit la recherche d’un cayuco (pirogue) qui a quitté le Sénégal avec environ 200 personnes à bord », a posté cette structuré qui dépend du ministère espagnole des Transports et de la mobilité urbaine vers le 10 juillet à minuit 53 minutes.
S’en est suivi un déchainement médiatique national et international sur la disparition en mer de 300 migrants sénégalais qui seraient partis de Kafountine depuis le 26 juin 2023. Lesdits médias citent tous la fondatrice de l’ONG Caminando Fronteras, Helena Maleno. « Chaque minute compte pour retrouver vivantes les plus de 300 personnes à bord de pirogues sénégalaises (…). Il faut plus de moyens de recherche et une meilleure collaboration entre la Mauritanie, l’Espagne et le Maroc”, a insisté mardi 11 juillet sur Twitter Mme Maleno.
Le maire de Kafountine a confié à la presse le départ de migrants, dont il n’avait aucune nouvelle. Il a affirmé qu’il y avait parmi eux des Sénégalais mais aussi des “Gambiens, des Guinéens, des Sierra-Léonais… “. David Diatta, édile de ce village de pêcheurs d’insister sur RFI: « Ces migrants ne sont pas de Kafountine, pour la plupart. Ils viennent du reste du Sénégal, mais également de la sous-région, soit de la Gambie, Guinée-Bissau, Guinée-Conkary, et on voit même des Nigériens. Avant, cela était timide, parce qu’ils partaient plutôt depuis Mbour ».
Trois bateaux de migrants, déclarés disparus par l’ONG au large des Canaries, restent toujours introuvables, les sauveteurs espagnols n’ayant pas localisé d’embarcations dans la zone.
Le démenti du gouvernement sénégalais
Dans un communiqué tard dans la soirée de mardi 11 juillet, le ministère des Affaires étrangères sénégalais a écrit avoir « appris avec étonnement, la publication, sur les réseaux sociaux, d’informations faisant état de la disparition en mer d’au moins 300 Sénégalais, candidats à l’émigration, dont les embarcations en provenance de Kafountine faisaient route vers les Îles Canaries ». Les services du ministre Aissata Tall Sall ont démenti ces informations qu’ils estiment « dénuées de tout fondement ».
Un carnaval aquatique macabre
Moins de 48 heures après ce démenti du gouvernement sénégalais, une pirogue en provenance de Kafountine a chaviré aux abords des côtes de Saint-Louis (Nord du Sénégal) faisant provisoirement 8 morts. L’embarcation avait des problèmes de moteur. Le ministre de l’Intérieur se déplace le jour du drame sur les lieux. Une mise à jour de la situation par le ministère de l’Intérieur des victimes fera état, deux jours plus tard, de 14 décès sur plus de 60 candidats qui occupaient la pirogue. Les autres sont toujours portés disparus.
Le 19 juillet, dans la soirée (23 heures 22), la Marine espagnole et ses équipes de sauveteurs interceptent pour secourir une autre pirogue venant du Sénégal avec à son bord 79 personnes dont 3 femmes.
Le 20 juillet, une autre pirogue chavire au large des côtes marocaines. Elle venait de la ville de Rufisque (Commune de Dakar). Provisoirement, 18 morts sont décomptés, selon des sources familiales citées par la Rfm (radio locale), reprise par Seneweb.
Les drames ne s’arrêtent pas là. Et les multiples décès enregistrés et relayés par les médias ne parviennent pas à dissuader les candidats qui continuent d’emprunter les embarcations d’infortune. Le 23 juillet, la Marine espagnole a secouru de nouveau, 103 migrants subsahariens d’une pirogue qui venait du Sénégal, selon ces caractéristiques.
Le lundi 24 juillet, 17 corps de Sénégalais sont repêchés à Ouakam, dans la mer, suite au chavirement de leur pirogue qui était en partance pour l’Espagne. On ignore toujours le nombre de candidats qui étaient à bord de l’embarcation. A noter que deux d’entre elles ont pu être sauvées.
Des témoins comme le vice-président du quai de pêche de Ouakam ont accusé la Marine sénégalaise d’avoir pris en chasse la pirogue de migrants avant de la percuter ?
Le lendemain, 25 juillet, une autre pirogue arrivait aux Îles Canaries à 05h06 avec 83 subsahariens à son bord dont les 82 ont été secourus par la Marine espagnole. Un décès enregistré.
Les centaines de déportés de Dakhla
Des centaines de migrants clandestins sénégalais ont échoué sur les côtes marocaines de Dakhla. Interceptés par la marine marocaine, ils ont été gardés dans des centres d’hébergement jusqu’à leur rapatriement au Sénégal. « Les Sénégalais candidats à l’émigration irrégulière qui ont été secourus par la marine royale marocaine entre 09 et le 22 juillet 2023 et logés dans des centres d’accueil et d’hébergement dans la région Dakhla-Oued Eddahab vont rentrer au bercail ce week-end », ont annoncé les services du ministre auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé des Sénégalais de l’extérieur.
Dans une note d’information parvenue à l’APS, ils précisent que ce rapatriement s’effectuera en deux vagues. « Le premier [groupe] quittera le Maroc vendredi 28 juillet 2023 et le deuxième dimanche 30 juillet 2023 », indique la Directrice des Sénégalais de l’extérieur, Madame Annette Seck Ndiaye. Pour cette première opération, 478 migrants sénégalais ont été rapatriés au pays.
L’appel de l’Onu aux Etats à préserver les droits des migrants dans les opérations de sauvetage
« Les États doivent s’unir et combler les lacunes en matière de recherche et de sauvetage proactifs, de débarquement rapide et de voies régulières sûres. Ces efforts collectifs doivent être axés sur les droits de l’homme des migrants et le sauvetage de vies humaines », a déclaré M. M. Federico Soda, Directeur du département des opérations et urgences de l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), le 16 juillet dernier, relevant que toute action de recherche et de sauvetage doit être menée dans le respect de l’obligation de prévenir les pertes en vies humaines en mer.
Le HCR et l’OIM rappellent que la recherche et le sauvetage en mer sont un impératif juridique et humanitaire. « L’UE doit placer la sécurité et la solidarité au cœur de son action en Méditerranée », a affirmé pour sa part Gillian Triggs, Haut-Commissaire assistante du HCR pour la protection.
Compte tenu de l’augmentation des mouvements de réfugiés et de migrants en Méditerranée, le HCR estime que des efforts collectifs, y compris une plus grande coordination entre tous les États méditerranéens et le partage des responsabilités, sont essentiels pour sauver des vies. « Cela inclut la mise en place d’un mécanisme régional de débarquement et de redistribution pour les personnes arrivant par la mer, que nous continuons à préconiser », a ajouté Mme Triggs.
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