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Ruée des multinationales et puissances occidentales vers le sous-sol africain : la Migration occultée
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Ruée des multinationales et puissances occidentales vers le sous-sol africain : la Migration occultée
Ayoba Faye 🇸🇳
Ayoba Faye 🇸🇳
May 30, 2023

Les mouvements des hommes, d’un point à un autre du globe, suivent de plus en plus le chemin des ressources naturelles. Dans ce dernier domaine, l’Afrique est l’une des parties du monde les mieux pourvues par dame nature. C’est un continent avec un sous-sol très riche en éléments vitaux pour l’économie des pays en développement. Diamant, or, manganèse, bauxite, pétrole, gaz, zircon, uranium, fer, cuivre, produits halieutiques…suscitent la convoitise accrue de puissances occidentales, cherchant par tous les moyens à s’accaparer les terres, les gisements de minerais, les sources d’énergies et de matières premières, etc. À l’échelle mondiale, il était estimé, en 2020, que l’Afrique représente 40 % des réserves d’or, 30 % des réserves de minerais et 12 % des réserves de pétrole, selon l’agence française spécialisée dans les statistiques et les données, Statista.

La ruée de ces multinationales étrangères vers les « vertes prairies africaines » est une facette de la migration qui n’est pas souvent montrée dans les médias. Et pourtant, à y regarder de très près, si les États africains avaient mis en place des politiques efficaces pour protéger leurs sous-sols d’une exploitation abusive et d’un partage de revenus inéquitables, la majeure partie des populations n’aurait pas besoin d’aller chercher de meilleures conditions de vie ailleurs, en bravant océans et déserts. « L’abondance des ressources naturelles mal exploitées favorise le sous-développement et la pauvreté en Afrique. Elles sont vendues à des prix définis par les pays développés. Il y a un défi réel de bonne gouvernance des ressources naturelles en Afrique pour sortir la population du sous-développement », affirme l’économiste et consultant-coach sénégalais, Mouhamadou Ba.

Selon cet universitaire contacté par Dialogue Migration, « l’Afrique est un continent où le capital financier fait défaut : c’est un continent où la population est non seulement dense mais émerge d’année en année, contrairement à la population occidentale qui vieillit. La densité et l’émergence de la population africaine fait d’elle un marché où des biens et services peuvent y être écoulés, de la main d’œuvre y retrouvée. D’autre part, le potentiel de ressources libres est énorme : des terres arables, de l’eau, du pétrole, du gaz, de l’or, de l’argent, etc. l’impossibilité de vivre en autarcie et la spécialisation poussent également les multinationales à migrer vers les zones à grands potentiels économiques pour bénéficier des opportunités économiques qui y sont présentes ».

Ainsi donc, « le mouvement des multinationales vers l’Afrique s’explique par le fait que le continent africain est un marché potentiel, un espace géographique doté de ressources libres et de ressources économiques inutilisables à profit c’est-à-dire une utilisation inefficace et non efficiente. Or les entreprises, qu’elles soient grandes ou petites, nationales ou étrangères ont un seul but : la recherche de profit à travers des activités génératrices de revenus et le continent africain reste un marché à profit »

Des gouvernements faibles

 Dans un entretien avec le site des Nations Unies dédié au renouveau de l’Afrique, le Dr John Mbaku, chercheur auprès de l’Initiative pour la croissance en Afrique de la Bookings Institution et professeur d’économie à l’Université publique Weber aux Etats-Unis, affirme: « Si vos dirigeants sont faibles ou corrompus, vous n’aurez ni le pouvoir, ni les capacités requises pour négocier un partenariat en votre faveur. Vous hériterez d’un PPP (Partenariat public privé) qui n’est pas un partenariat ».

 
M. Mbaku donne l’exemple des entreprises pétrolières qui opèrent en Afrique depuis plus de vingt ans mais emploient toujours des expatriés plutôt que des locaux. Ces entreprises sont réticentes à partager leurs compétences, leur savoir et leurs technologies.

Une guerre de positionnement économique intense des grandes puissances

Ne datant pas d’aujourd’hui, la ruée des grandes puissances occidentales vers l’Afrique a pris une nouvelle forme. Une sorte d’impérialisme économique semble décrire le mieux la nature des relations entre ces puissances dont les multinationales exploitent les ressources des pays du continent africain, si l’on en croit notre économiste et consultant-coach. « C’est le Sud, particulièrement les pays de l’Afrique, qui fournit les ressources de développement du Nord. L’impérialisme (ancienne et nouvelle forme) implique pour l’Afrique entière des malheurs : le sous-développement et la pauvreté chronique. La forme nouvelle de l’impérialisme est l’exploitation licite des ressources naturelles sous forme de contrat désavantageux pour le continent et la mauvaise exploitation des ressources naturelles », déplore M. Ba de l’Université Gaston Berger.

Qui ajoute : « Du 14ème siècle à nos jours, il y a une évolution des relations économiques internationales. En effet, depuis les années 80, l’accent est plus mis sur les mouvements de capitaux plutôt que sur le commerce. Les entreprises s’implantent dans les zones géographiques où les intrants ou facteurs de production sont faciles à trouver avec leur fort capital financier et technique. Elles s’orientent aussi dans les zones où la production est facile à écouler. Elles s’orientent toutes vers des marchés où il y a un grand potentiel de profit », explique notre interlocuteur.

Les Etats-Unis, la France, la Chine et la Russie intensifient leur guerre économique et d’influence en Afrique, au rythme notamment de tournées sur le continent, de sommets et forums, de contrats entre entreprises publiques et privées ou de projets de développement. 

La Vice-présidente américaine, Kamala Harris, le Secrétaire d’Etat américain, Anthony Blinken, la Première dame, Jill Biden, la Secrétaire au Trésor, Janet Yellen et l’Ambassadrice auprès des Nations Unies, Linda Thomas-Greenfield se sont succédés dans au moins 12 pays du continent africain en seulement trois (3) mois. Du jamais vu !

Pour apporter la réplique aux Etats-Unis, la Chine a dépêché, en janvier dernier, son nouveau ministre des Affaires étrangères, Qin Gang, pour la traditionnelle tournée africaine de début d’année. Accusée de développer une stratégie de prédation sur les matières premières en Afrique, la Chine a déclaré, par le biais de son émissaire au siège de l’Union africaine à Addis Abeba que « L’Afrique devrait être une grande scène pour la coopération internationale plutôt qu’une arène de lutte pour les jeux des Grandes Puissances ».

De plus, la France et la Russie se livrent à une guerre d’influence très intense sur le sol africain, ces dernières années. « D’abord purement politique, cette rivalité internationale a pris un fort ancrage économique après que les Grandes Puissances se soient aperçues de la discrète montée en puissance des Chinois au sein des économies africaines via leurs entreprises », note la journaliste de La Tribune, Ristel Tchounand, dans une analyse sur les conflits entre puissances occidentales sur le sol africain.

Il ne faut surtout pas oublier la présence de plus en plus imposante de l’Inde et ses entreprises qui s’activent dans l’exploitation du fer et autres minerais. De plus, en fin mars 2023, l’Inde a présenté une série d’équipements militaires (hélicoptères, drones et pièces d’artillerie) aux autorités de 31 pays africains à Pune (ville de l’ouest et fief de l’industrie militaire indienne). L’atout majeur de ce nouveau partenaire dans ce domaine précis est que le coût de son armement est beaucoup moins élevé que celui des autres puissances.

Ce qui pousse les puissances étrangères à migrer en Afrique

Les médias ne traitent pas cette implantation des grandes puissances occidentales, par le biais de leurs multinationales et autres bases militaires en Afrique comme une migration. Mais si l’on se base sur la définition faite par les Nations Unies du terme « Migrant », tous ces pays et leurs représentants peuvent être définis comme tel. En effet, selon l’Onu est migrant, « toute personne qui a résidé dans un pays étranger pendant plus d’une année, quelles que soient les causes, volontaires ou involontaires, du mouvement, et quels que soient les moyens, réguliers ou irréguliers, utilisés pour migrer ». 

Ce mouvement de l’Occident vers les pays africains est guidé par les ressources naturelles. « Parmi ces ressources naturelles mal exploitées, on peut à juste titre illustratif citer l’or et le pétrole. Le Nigéria, le Ghana, la Côte d’Ivoire et le Niger sont les principaux pays qui disposent d’importantes réserves d’exploitation: le Nigeria (environ 2, 25 millions de barils par jour), le Ghana (120 000 barils par jour), la Côte-d’Ivoire (50 000 barils par jour) et le Niger (20 000 barils par jour). Le pétrole constitue le principal poste dans les transactions commerciales de la région », indique l’économiste Mouhamadou Ba. 

Qui ajoute : « L’Afrique de l’Ouest génère plus de 27% de la production africaine de minerai de fer et les gisements de fer les plus riches en teneur (plus de 65%) sont détenus par la Guinée et le Liberia. Le Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Ghana, Mali sont des producteurs d’or de très haute teneur. D’ailleurs, en 2006, l’exploitation de l’or est estimée au Mali à 15% du produit intérieur brut (PIB) et 70% des recettes d’exportation, au Burkina Faso, les exportations d’or sont estimées à 180 milliards de francs CFA en 2009, ce qui fait passer ce secteur devant le coton, qui a représenté 120 milliards de francs CFA. Aussi, plus de 34% du manganèse produit par l’Afrique vient de l’Afrique de l’Ouest ».

Aujourd’hui, il serait impossible de dresser un tableau exhaustif de tous les pays étrangers présents d’une manière ou d’une autre sur le sol africain. De l’exploitation des ressources naturelles au commerce en passant par l’implantation de bases militaires stratégiques. Mais l’Afrique est la terre la plus convoitée par les grandes puissances et leurs multinationales. Une forme de migration qui n’est pas souvent vue comme telle dans le narratif médiatique traitant de la question.


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