La désillusion est monnaie courante dans la migration. Abdoulaye Baldé, 31 ans, pensait pourtant ne jamais en être victime, lorsqu’il a voulu poursuivre ses études en sociologie hors de la République de la Guinée. Après sa licence en 2017, un de ses grands frères lui propose d’aller continuer ses études en Algérie. Il était loin de se douter qu’il allait se faire gruger par son frère devenu passeur de migrants sur la côte méditerranéenne.
Tout est parti d’une offre! « Mon grand frère, qui vit en Algérie depuis longtemps, m’a proposé de le rejoindre. J’étais à l’époque étudiant et je ne m’attendais nullement à vivre dans la clandestinité. Le cœur léger, je quitte mon pays. Mais, la réalité m’a vite rattrapé à peine sortie du territoire guinéen», raconte Abdoulaye Baldé.
Une fois arrivé au Mali, une zone de transit, le jeune trentenaire embarque dans un bus pour l’Algérie. Son grand frère avait déjà préparé le terrain en le mettant en rapport avec un réseau de passeur. Il traverse alors le Mali en passant par Tombouctou, Borges, avant d’arriver en Algérie. «Je me suis découragé dès le premier jour. On m’a envoyé dans un foyer d’accueil. Je n’en revenais pas. Et j’ai voulu rentrer en Guinée en voyant les conditions dans lesquelles je devrais vivre. Ce n’était pas mon milieu», confie-t-il.
Ne pouvant plus rebrousser chemin, Abdoulaye Baldé, était obligé de s’adapter à la situation pour survivre. Il se lance ainsi comme beaucoup de migrants trouvés sur place dans la maçonnerie. Il commence à travailler dans les chantiers de construction. Ce qui lui permettait de gagner 1 500 dinars par jour (Ndlr: environ 95 mille francs Guinéen soit 6000 F CFA, un peu moins de 11 euros).
Au bout de quelques semaines, un événement est venu perturber leur quiétude. Une patrouille de la police algérienne fait irruption en pleine nuit dans leur foyer de résidence qui n’accueillent pratiquement que des migrants clandestins. Pour se sauver, raconte-t-il, il s’est caché sur le plafond pour échapper aux forces de l’ordre laissant derrière lui ses économies. Abdoulaye Baldé d’indiquer que les policiers sont repartis en emportant tous ses biens, « son passeport, son diplôme de licence, plus de 600 € et 18 000 dinars qu’il avait comme argent de poche».
Retour en Guinée…
Désabusé, Abdoulaye Baldé revient dans sa Guinée natale. “J’étais complètement déçu, car c’était une perte de temps pour moi. Mon frère m’a trompé en m’engageant sur cette voie; alors qu’il avait pour ambition de poursuivre ses études en toute légalité en Algérie. Mon frère est à l’origine de tous mes problèmes. Je lui en veux de m’avoir mis dans cette situation angoissante et pénible”, fulmine-t-il.
Après son retour en République de Guinée, Abdoulaye Baldé affirme n’avoir pas eu de problème pour se réintégrer à nouveau. “Je me suis surpassé en oubliant tous les mauvais souvenirs de mon trajet vers l’Algérie et en me fixant de nouveaux objectifs”, affirme-t-il.
S’il a pu repartir zéro c’est parce que le jeune diplômé en sociologie dit avoir gardé avant son départ pour l’Algérie une somme d’argent d’une valeur de 18 000 000 GNF (Ndlr: Un peu plus de 1 200 000 F CFA soit 2000 euros environ). Ce qui lui a permis de lancer son petit business dans la vente d’accessoires téléphoniques, au centre-ville de Labé, région située au nord du pays.
Depuis, Abdoulaye Baldé rassure que tout va bien et qu’il arrive à joindre les deux bouts. «Tout va bien. Je me suis marié; j’ai un enfant; et je prends en charge les frais de scolarité de certains enfants de ma famille», dit-il en toute fierté.
Oublier le passé pour mieux avancer
Malgré sa mésaventure, Abdoulaye, souhaite toujours repartir, mais cette fois-ci de manière légale. « J’ai l’intention de partir, mais légalement avec mes fonds propres. Je n’ai jamais souhaité une émigration illégale. Je me suis retrouvé dans cette situation parce qu’un frère m’a trahi et m’avait menti dès le départ», se désole-t-il. Désormais, l’ancien migrant s’active dans la sensibilisation des jeunes qui veulent se lancer dans la migration clandestine. Il leur fait également comprendre qu’on peut bien réussir en Guinée. « Tant que les jeunes mettront dans leurs têtes qu’il faut absolument quitter leur pays pour réussir, ils n’atteindront jamais cet objectif. Je les appelle à plus de vision et de motivation, car on peut vivre chez soi et réussir. Même s’il faut migrer, vaut mieux le faire de façon responsable et modérée”, préconise Monsieur Baldé.
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