
Depuis plus d’une décennie, le Tchad offre refuge à des milliers de Nigérians fuyant les violences de Boko Haram. En février 2025, un accord de rapatriement volontaire a permis à certains de retourner au Nigeria. Mais face à une insécurité persistante, nombre d’entre eux reprennent le chemin de l’exil, mettant en lumière les défis d’une réintégration durable.
Depuis 2015, le Tchad accueille des réfugiés nigérians ayant fui les violences de Boko Haram dans le nord-est du Nigeria. Selon les données du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) environ 21 974 réfugiés nigérians résident au Tchad, principalement dans la province du Lac. Ces personnes, souvent installées depuis plusieurs années, ont tenté de reconstruire leur vie loin des conflits.
Le 5 février 2025, un accord tripartite entre le Tchad, le Nigeria et le HCR a permis le rapatriement volontaire de plus de 200 réfugiés vers leur pays d’origine, avec l’espoir d’une réintégration réussie. Cependant, quelques mois plus tard, une cinquantaine de famille sont revenus au Tchad, confrontés à une insécurité persistante et à des conditions de vie précaires au Nigeria. Le bloc de retour le plus récent date du 2 mai 2025.
Un retour plein d’espoir… et de défis
Le 6 février 2025, plus de 200 réfugiés nigérians vivant au camp de Dar Es Salam, dans la province du Lac, ont été rapatriés vers le Nigeria, leur pays d’origine. La majorité d’entre eux ont été accueillis dans le camp de Gubio à Maiduguri. Ce retour s’inscrivait dans le cadre d’un accord tripartite entre le gouvernement nigérian, les autorités tchadiennes et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Il promettait un retour « volontaire, digne et sécurisé », avec un accompagnement humanitaire pour faciliter la réintégration.
Trois mois plus tard, le rêve de stabilité s’est brisé. Environ une cinquantaine de familles de ces rapatriés sont revenues au Tchad, invoquant l’insécurité persistante, l’insuffisance de l’aide humanitaire et le manque de moyens de subsistance. Dans l’État de Borno, les attaques de Boko Haram et d’autres groupes armés continuent de semer la peur. Pour beaucoup, cultiver, pêcher ou simplement vivre en paix reste impossible.
« Nous avons reçu certes des vivres et non-vivres, mais en quantité insuffisante. Pire, l’insécurité nous stresse constamment. Nous ne pouvions pas vivre dans ces conditions », confie une mère de cinq enfants, revenue début mai à Baga Sola, chef-lieu de la province du Lac.
Un retour au Tchad par nécessité, non par choix
Selon Bakoura Modou, représentant des déplacés au camp de Dar Es Salam, ces retours se font de manière volontaire : « Ni l’État tchadien ni les organisations n’ont chassé ces personnes. Elles sont revenues parce qu’elles n’ont pas trouvé de conditions de vie viables là-bas. »
D’autres n’ont simplement pas réussi à s’adapter à Maiduguri, une ville trop différente, marquée elle aussi par l’instabilité et la pauvreté. Le camp de Dar Es Salam, bien qu’en difficulté, leur offre une forme de stabilité et de sécurité, avec une communauté qu’ils connaissent.
Ce retour inattendu soulève des inquiétudes humanitaires. Déjà surpeuplé et sous-doté, le camp de Dar Es Salam peine à répondre aux besoins des nouveaux arrivants. La plus grande attention est portée par la situation urgente dans l’Est du Tchad. La province du Lac accueille depuis 2015 des milliers de réfugiés nigérians. En Avril 2025, le HCR compte 225 689 déplacés internes dans la province du Lac. Le retour partiel organisé en 2025 visait donc à alléger cette pression, mais la fragilité de la situation au Nigeria remet en question cette stratégie.
Un dilemme humanitaire et politique
Pour Oubadjimdeuba Désiré, coordonnateur de l’association Salama Peace Initiative, « le retour volontaire n’est viable que s’il est réellement basé sur une décision libre, avec des garanties de sécurité et d’accès aux services essentiels.» Selon lui, le Tchad offre aux réfugiés un sentiment d’accueil et de sécurité qu’ils peinent à retrouver ailleurs. « Ici, ils peuvent mener leurs activités avec la communauté locale, sans stigmatisation. »
Le retour de ces réfugiés au Tchad traduit l’échec d’un rapatriement sans garanties solides. Alors qu’ils rêvaient de retrouver leur terre natale, c’est finalement en terre d’exil qu’ils espèrent survivre, une fois de plus. Leurs allers-retours illustrent le dilemme permanent entre l’aspiration au retour et la nécessité de fuir pour survivre.
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