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Le pari gagnant de Dar-Es-Salam : Abdoul Razak et Ibrahim, la tondeuse comme outil de résilience
Témoignage
Le pari gagnant de Dar-Es-Salam : Abdoul Razak et Ibrahim, la tondeuse comme outil de résilience
Youssouf Abdoulaye Haidara 🇳🇪
Youssouf Abdoulaye Haidara 🇳🇪
October 04, 2025

Au cœur du quartier de Dar-Es-Salam, à Niamey, une histoire d’entrepreneuriat et d’amitié prend racine. Abdoul Razak et Ibrahim, deux jeunes hommes nés en 1997, ont choisi d’unir leurs compétences pour lancer un salon de coiffure dans le quartier qui les a vus grandir. Dans une ambiance empreinte d’énergie et de détermination, ils ont accepté de partager leur parcours, un récit qui illustre la capacité de la jeunesse nigérienne à forger son propre succès.

L’apprentissage et le détour formateur

Leur initiation au métier de coiffeur a débuté en 2013. Si leur carrière professionnelle a véritablement pris son envol vers 2015, les chemins d’Abdoul Razak et d’Ibrahim ont d’abord divergé, forgeant des expériences distinctes mais complémentaires.

Pour Abdoul Razak, l’année 2013 fut marquée par un voyage à Accra, au Ghana. Sur place, l’apprentissage initial fut un temps délaissé au profit d’une autre formation. Pourtant, la coiffure continuait de l’attirer. « Chaque soir, je passais du temps devant un salon de coiffure », se souvient Abdoul Razak. Ce rituel, loin d’être anodin, a fini par capter l’attention du propriétaire des lieux.

Face aux invitations répétées et à la persistance du coiffeur, le jeune homme a finalement cédé à l’appel de la tondeuse. « À chaque fois, il m’incitait à me lancer. Il a tant insisté qu’un soir, j’ai pris la tondeuse et j’ai décidé de me perfectionner à ses côtés », confie-t-il, un sourire aux lèvres. Ce séjour à Accra ne fut pas seulement un voyage ; il fut une immersion professionnelle intense, lui permettant d’acquérir des techniques et une rigueur qui allaient se révéler cruciales pour son retour.

En 2015, Abdoul Razak est rentré à Niamey, où il a continué à exercer, d’abord en tant qu’assistant dans divers salons de la capitale. Cette phase d’assistanat, commune aux deux entrepreneurs, a constitué un véritable laboratoire d’expérimentation et de perfectionnement.

Une collaboration née de l’enfance

De 2015 à 2019, les deux jeunes coiffeurs ont travaillé séparément, s’employant à maîtriser toutes les facettes du métier. Ils ont passé ces années à Niamey, affinant leur technique et construisant leur réputation, se préparant, sans le savoir, au lancement de leur propre affaire.

L’année 2019 marque l’étape décisive. Malgré un contexte socio-économique nigérien souvent jugé difficile pour l’entrepreneuriat, et les obstacles inhérents à la création d’entreprise à Niamey, Abdoul Razak et Ibrahim ont pris la décision audacieuse de lancer leur propre salon. Le choix de l’emplacement n’a rien laissé au hasard : ils ont opté pour Dar-Es-Salam, leur quartier d’origine.

« Ici, tout le monde nous connaît et fait confiance à notre compétence », explique Abdoul Razak. Ce choix stratégique s’appuie sur la confiance de proximité, un capital social précieux dans le démarrage d’une activité. Il garantit une clientèle fidèle et un bouche-à-oreille efficace, essentiel pour la notoriété d’un commerce de service.

Leur collaboration n’est pas le fruit du hasard, mais celui d’une amitié forgée dès l’enfance. « Abdoul Razak et moi avons grandi ensemble, ici à Dar-Es-Salam », précise Ibrahim. Cette confiance mutuelle est le moteur de leur performance. Elle facilite la prise de décision, la répartition des tâches et assure une cohésion qui se reflète dans la qualité de leur service. L’expérience acquise par Abdoul Razak à Accra, notamment les modèles de coupes et les techniques d’organisation, a été partagée avec Ibrahim, enrichissant ainsi l’offre du salon.

Gado, un client régulier, ne tarit pas d’éloges : « Il n’y a pas un modèle de coupe de cheveux que ces jeunes ne peuvent pas reproduire. » Cette réputation d’excellence technique est devenue la marque de fabrique du salon.

Un modèle de succès et de résilience économique

Lors du lancement, les jeunes entrepreneurs ont ciblé en priorité la jeunesse de leur quartier. Le pari a rapidement porté ses fruits. Le succès a rapidement dépassé les limites de Dar-Es-Salam, attirant une clientèle des quartiers environnants. Cette croissance rapide a permis de fructifier le chiffre d’affaires et d’améliorer significativement leur résilience économique.

Jusqu’à une période récente, comme beaucoup de jeunes, ils dépendaient en partie de leurs parents pour leurs besoins financiers. Ce temps est révolu. « Aujourd’hui, je n’ai plus besoin de solliciter mes parents pour le moindre besoin », confie Ibrahim. Il ajoute : « Je me prends entièrement en charge et je peux même assister mes parents, tout cela grâce à mon métier de coiffeur. » Ce passage du statut de dépendant à celui de contributeur est une source de fierté et de motivation, incarnant la dignité par le travail. Ibrahim insiste d’ailleurs sur un principe fondamental : « Les parents ne seront pas toujours là pour t’épauler. »

Le parcours d’Abdoul Razak et Ibrahim se veut un modèle inspirant pour la jeunesse nigérienne. Ils souhaitent encourager leurs pairs à entreprendre sur place, en opposition à la pensée fataliste selon laquelle la réussite ne se trouve qu’à l’étranger.

Abdoul Razak résume bien cette transition : « Avant, je rêvais d’être basketteur. Je pensais que le succès passait par là, c’était d’ailleurs une des raisons de mon départ pour Accra. Pourtant, c’est dans la coiffure que j’ai excellé et que je gagne ma vie ». Son récit souligne l’importance d’accepter les voies inattendues du succès et de valoriser les métiers qui peuvent garantir l’autonomie financière dans le contexte local.

Le succès de ces deux coiffeurs représente une véritable leçon d’entreprenariat dans un pays où la jeunesse représente plus de 50 % de la population et où le taux de chômage des jeunes connaît une croissance préoccupante. Ils prouvent qu’avec la combinaison de la compétence, de l’amitié et d’une vision locale, il est possible de créer de la valeur, des emplois indirects, et de contribuer activement à l’économie de leur quartier. Le salon de Dar-Es-Salam n’est pas seulement un lieu où l’on se coupe les cheveux ; il est un symbole de l’espoir et du potentiel de la jeunesse nigérienne à façonner son propre avenir, tondeuse en main.


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