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Le goût du football, le poids du voyage : Fatou et la réalité de la migration irrégulière
Témoignage
Le goût du football, le poids du voyage : Fatou et la réalité de la migration irrégulière
Ndiémé Faye 🇸🇳
Ndiémé Faye 🇸🇳
September 03, 2025

Fatou, 16 ans, originaire de Thiaroye-sur-Mer, est une jeune footballeuse en devenir dont le rêve d’Europe croise les réalités difficiles d’une migration irrégulière ratée. Son parcours mêle passion sportive et dilemmes familiaux, révélant les motivations profondes qui poussent des jeunes à tenter l’exil, et les conséquences souvent lourdes qui en découlent.

Dans les rues animées de Thiaroye-sur-Mer, nous faisons la rencontre de Fatou, une jeune fille dont le teint noir brille sous le soleil. Timide, elle hésite et cherche ses mots. Petit à petit, elle s’ouvre, laissant poindre des confidences qu’elle gardait jalousement, surtout lorsqu’il est question de migration irrégulière. Fatou est née avec le goût du ballon rond gravé au plus profond d’elle. On la décrit comme une jeune femme dont les pas, sur le gravier des terrains, résonnent avec une confiance tranquille et une détermination qui déconcertent souvent les obstacles. Sur son visage, on lit la lumière d’un rêve qui refuse de s’éteindre : celui d’une carrière dans le football, porté par une passion qui n’a pas d’heure.

Depuis un an, elle est en formation en football. Son objectif est clair : progresser, s’affirmer, et peut-être un jour devenir une joueuse qui compte, qui porte haut les couleurs de son pays le Sénégal et ouvre des portes à ceux qui, comme elle, rêvent d’un avenir meilleur. Elle raconte qu’elle a tenté, une fois, la migration irrégulière. « C’était l’année dernière », précise-t-elle, sans sourciller, comme si l’audace et le risque faisaient partie d’un même mouvement de vie. Elle ne cherche pas l’excuse, elle explique les raisons qui dépassent le simple désir de partir.

Âgée seulement de 16 ans, elle a tenté la migration irrégulière parce qu’elle « veut aider mes parents, subvenir à leurs besoins ». Son père a été le moteur et l’architecte de ce voyage qu’elle n’a pas demandé mais qu’elle a accepté jusqu’au bout, même si la réalité du départ a été brutale : « Un jour, il m’a trouvé assise dans ma chambre, et il m’a dit, prépare-toi, tu pars en Espagne via les pirogues. » Fatou poursuit : « il ne m’a pas demandé mon avis, mais j’avoue aussi, je n’étais pas contre cette décision ». La dynamique familiale est complexe et ambivalente. Selon Fatou, sa mère aussi était au courant du voyage. La jeune footballeuse ne cherche pas à taire les mécanismes qui ont conduit à ce départ précipité : la promesse d’un avenir meilleur, le coût émotionnel et financier, le poids d’un rêve partagé entre générations. Elle ne connaît pas le montant exact du voyage, mais elle en ressent encore la trace comme une empreinte dans sa vie. « Je ne connais pas le montant que ça lui a coûté ».

« Je n’exclus toujours pas la migration, mais… »

Cependant, le voyage n’a pas abouti comme prévu.  La pirogue «  devait partir de Malika », mais la gendarmerie est intervenue au moment du départ. Le récit bascule alors dans une réalité dure : l’échec d’un départ, les conséquences d’un choix, et le pas nécessaire vers une autre route. Elle n’écarte pas totalement la migration : « je n’exclus toujours pas la migration, mais, la prochaine fois, je veux passer par la voie légale ». Fatou ne renonce pas à son rêve : elle veut partir en Espagne ou en France pour « avoir une situation financière plus stable et surtout continuer ma passion qui est le football ».

Elle reste réaliste : « ça marche pour le moment, mais ça marche plus en Europe. Je suis dans un centre de formation. » L’Europe représente l’espace potentiel où le football peut devenir une voie professionnelle, un tremplin pour une vie meilleure. Elle demeure lucide sur la réalité du football et sur les opportunités qu’il offre : « même si, aujourd’hui, j’étais sélectionnée en équipe nationale de football féminine, je n’exclus pas de migrer parce que ce métier marche plus en Europe qu’au Sénégal. » 

Et même si les routes demeurent incertaines, son cœur reste aligné sur ce qui l’anime : le ballon, le village qui l’attend, et ce rêve qui, jour après jour, se réinvente sur les terrains et dans les discussions de famille qui oscillent entre soutien et défi. Fatou ne cherche pas seulement à partir :  elle cherche à grandir, à se former, et à écrire sa propre histoire sur le pavement des villes d’Europe ou dans les stades qui l’attendent encore.


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