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Exode rural au Togo : une mobilité silencieuse et ses impacts socio-économiques
Témoignage
Exode rural au Togo : une mobilité silencieuse et ses impacts socio-économiques
Koffi Dzakpata 🇹🇬
Koffi Dzakpata 🇹🇬
July 22, 2025

Dans le silence des départs sans annonce, un phénomène structure notre société sans faire la une des journaux : l’exode rural. Chaque année, des milliers de jeunes Togolais quittent les campagnes pour tenter leur chance dans les villes comme Lomé, Kara ou Kpalimé. Si cette mobilité interne semble naturelle, elle a pourtant des conséquences profondes sur l’agriculture, les structures familiales et l’équilibre économique des zones rurales. Quelles sont les raisons de ces départs ? Que laissent-ils derrière eux ? Et que deviennent-ils en ville ?

Pourquoi les jeunes quittent les campagnes ?

Le manque d’opportunités dans les milieux ruraux est souvent la cause principale. L’accès limité à l’éducation, aux services de santé, au numérique, au crédit agricole et à des revenus décents pousse les jeunes à croire que leur avenir ne peut se construire qu’en ville.

 « J’ai arrêté l’école au lycée faute de moyens. À la maison, c’était soit les champs, soit attendre la saison. J’ai pris la décision de venir à Lomé pour chercher du travail. Ici, au moins, je peux faire de petits boulots et économiser un peu. », a déclaré Esso A., 22 ans, originaire de Kambolé (Tchaoudjo).

Pour Reine, 19 ans, venue de Tchamba pour travailler comme aide-ménagère à Lomé, « je voulais juste pouvoir gagner de quoi m’acheter mes habits, aider maman. Dans mon village, il n’y a rien pour les filles à part le mariage. »

Conséquences sur l’agriculture locale

Le départ massif des jeunes affaiblit le potentiel de production agricole. Avec une population vieillissante restée sur place, les champs sont moins bien entretenus, les récoltes diminuent, et certaines cultures sont abandonnées. Cela nuit à l’autosuffisance alimentaire et fragilise les économies locales.

M. Abalo, cultivateur de 56 ans à Kpélé Elé : « Mes trois garçons sont tous à Lomé. Je me retrouve avec ma femme et deux petits-enfants pour labourer. On ne peut plus cultiver comme avant. Même le maïs, cette année, j’ai dû réduire de moitié la superficie. »

Mme Essossina, maraîchère à Datcha : « À la saison sèche, c’est difficile de vendre. Les jeunes qui partent en ville n’achètent plus nos produits. On cultive, mais on vend difficilement. »

L’impact sur les familles restées au village

Lorsque les jeunes partent, les parents se retrouvent souvent seuls, avec plus de responsabilités et moins de soutien. Cette situation renforce la précarité des personnes âgées, des enfants et des femmes. 

« Mon fils est à Lomé depuis 4 ans. Il travaille comme apprenti mécanicien. Il disait qu’il m’aiderait. Mais depuis deux ans, je n’ai rien reçu. J’ai même dû vendre une chèvre pour soigner ma tension. », a souligné Mme Amétivi, 63 ans, à Kouvé.

Certaines familles attendent désespérément les transferts d’argent qui tardent ou ne viennent jamais, et d’autres promesses non tenues. Adjovi, 14 ans, restée avec sa grand-mère à Anié : « Ma grande sœur est partie à Sokodé. Elle disait qu’elle m’enverrait un téléphone pour qu’on s’écrive, mais je n’ai plus de nouvelles depuis trois mois. »

L’arrivée en ville : entre espoir et désillusion

Les jeunes qui se déplacent vers les centres urbains espèrent trouver du travail, mais la réalité est souvent rude. Beaucoup finissent dans l’informel : vendeurs ambulants, aides sur les chantiers, ménagères sous-payées, conducteurs taxi-motos (zemidjans). L’accès au logement, à la santé et à la sécurité devient un nouveau combat. Certains finissent dans les ghettos urbains ou sombrent dans la précarité.

Élise, 21 ans, vendeuse de friperie à Agoè : « Ici, ce n’est pas facile. Je dors chez une cousine à six dans une pièce. J’essaie de vendre au marché, mais la concurrence est rude. Parfois, je regrette un peu la tranquillité du village. »

Mawuli, 25 ans, conducteur de taxi-moto, à Adidogomé :
« Le jour je vais faire aide-manœuvre sur les chantiers, la nuit je travaille comme conducteur de taxi-moto d’autant plus que la moto n’est pas à moi. Je suis arrivé à Lomé dans l’intention de gagner un bon boulot. Je pensais que tout allait changer en venant ici. Mais sans diplôme, on prend ce qu’on trouve. Je me bats pour économiser, mais la vie coûte cher. »

Quelles solutions face à l’exode rural ?

L’exode rural n’est pas une fatalité. Il est possible de créer des conditions favorables dans les zones rurales pour retenir les jeunes :

  • Développer l’agro-industrie locale et les coopératives rurales.
  • Faciliter l’accès aux crédits agricoles et aux formations techniques.
  • Investir dans les services de base : santé, éducation, numérique.
  • Créer des centres de loisirs, de culture et d’innovation en milieu rural.

Des initiatives comme le Programme d’Appui à l’Employabilité et à l’Insertion des Jeunes dans les Secteurs Porteurs (PAEIJ-SP),Programme de Soutien aux Microprojets Communautaires (PSMICO), à travers le Ministère du Développement à la Base, ont déjà montré des résultats encourageants au Togo.


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