
Le retrait de l’AES de la CEDEAO : comment en est-on arrivé à cela ?
Aussitôt le coup d’Etat annoncé au Niger, la Communauté Économique des Etat de l’Afrique de l’Ouest CEDEAO s’est réunie pour statuer sur la situation au Niger. Une réunion qui s’est soldée par l’application des mesures de sanction dès le 30 juillet 2023. Ces mesures de sanction contre le Niger place ce dernier en quatrième position des pays sous sanction de la CEDEAO et où des militaires ont interrompu les processus démocratiques en cours. C’est le cas du Mali, du Burkina Faso et de la Guinée.
Après la prise des sanctions contre le Niger, une série de séance de négociation se sont suivies mais qui n’ont pas abouti à des meilleures résultats et qui se sont soldées d’ailleurs par le retrait des trois pays (le Niger, le Mali et le Burkina Faso) de la CEDEAO le 28 janvier 2024 à travers une déclaration commune. Courant 2024, précisément le 06 juillet 2024, le Niger, le Burkina Faso et le Mali ont décidé de la création d’un espace à eux dénommé la Confédération des Etats du Sahel CES plus connu sous l’acronyme AES.
Le Niger après l’annonce du retrait de la CEDEAO et la question de la libre circulation des personnes
Au lendemain de l’annonce du retrait des trois pays de l’AES de la CEDEAO, la question principale qui préoccupe les Nigériens et les non-Nigériens est celle de la libre circulation des personnes entre les deux zones géographiques.
“La Confédération des Etats du Sahel AES est un espace sans visa pour tout ressortissant des Etats membres de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest CEDEAO”
Concernant les ressortissants de la CEDEAO, le 14 décembre 2024, à l’approche du Sommet des Chefs d’États et gouvernements de la CEDEAO, les pays de l’AES ont annoncé une décision commune sur la libre circulation des personnes et de leurs biens. Dans cette déclaration, les trois pays définissent l’espace de la Confédération des États du Sahel comme “un espace sans visa pour les ressortissants de l’espace CEDEAO”. Selon cette déclaration “Les ressortissants de la CEDEAO ont le droit d’entrer, de circuler, de résider, de s’établir et de sortir sur le territoire des États membres de la Confédération des États du Sahel dans le respect des textes nationaux en vigueur”. Cette disposition, bien qu’elle rappelle celle de la CEDEAO concernant le Protocole sur la libre circulation, le droit de résidence et d’établissement, zone CEDEAO, ouvre une brèche pour la limitation des libertés de circuler dans l’espace AES en accordant la primauté aux textes nationaux de chaque État membre.
Au Niger, les autorités de la transition ont adopté une nouvelle mesure encadrant l’entrée et le séjour des étrangers sur le territoire nigérien. L’Ordonnance n°202502 du 13 janvier 2025 stipule dans son Article 4 que “Tout étranger doit, pour rentrer au Niger, se présenter aux autorités compétentes chargées du contrôle aux postes frontaliers, muni de titre et documents de voyage ou de séjour”. L’Article 5 précise que “Tout étranger doit, s’il s’établit au Niger et après l’expiration d’un délai de trois 3 mois depuis son entrée sur le territoire nigérien, être muni d’un permis de séjour ou d’une carte de résident”. Tout manquement à ces obligations peut entraîner le refoulement ou la reconduite à la frontière.
Cette nouvelle exigence au Niger complique l’accès et l’établissement des non nigériens, qui étaient habitués à franchir les postes frontaliers avec une simple carte d’identité et à s’installer sur le territoire sans contraintes administratives. Cette situation représente un handicap pour le pays, où la présence des communautés étrangères joue un rôle crucial dans l’économie. La CEDEAO a annoncé, dans un communiqué de presse publié du 29 janvier 2025, que les ressortissants des trois pays de l’AES continueront de bénéficier des avantages liés à la libre circulation des personnes et des biens dans l’espace communautaire jusqu’en juillet 2025.
Ce délai transitoire a été accordé conformément au vœu de la Conférence des Chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO pour prendre une décision définitive concernant le statut des trois pays. Le départ du Niger de la CEDEAO constitue un tournant majeur pour la libre circulation des personnes en Afrique de l’Ouest. Malgré les dispositions prises pour préserver une certaine fluidité dans la circulation entre les espaces CEDEAO et AES, les nouvelles réglementations plus strictes adoptées par le Niger marquent une évolution importante dans la gestion des flux migratoires.
Ces changements suscitent des préoccupations légitimes concernant l’avenir des échanges humains et économiques dans la région. Les nouvelles exigences administratives risquent d’affecter particulièrement les communautés transfrontalières, les commerçants et les travailleurs migrants — tous habitués jusqu’ici à la libre circulation. Le défi majeur sera désormais de concilier les aspirations de souveraineté nationale des pays de l’AES avec le maintien des liens humains et économiques vitaux pour le développement régional. La réussite de cette transition reposera essentiellement sur la capacité des différents acteurs à coordonner leurs politiques migratoires tout en protégeant les intérêts des populations locales.
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