
L’orpaillage et l’exploitation minière artisanale attirent chaque année des milliers de personnes vers des zones rurales du Togo. Ces mobilités internes, temporaires, saisonnières ou durables transforment des territoires, des économies locales et des relations sociales. Entre opportunités économiques et risques sanitaires et environnementaux, quel est le bilan de ces migrations liées au petit-mining au Togo ?
Depuis la redécouverte et l’essor des filons aurifères et des gisements aurifères locaux, des foyers d’orpaillage se sont multipliés principalement dans les régions de la Kara, des Plateaux et de la région centrale. L’activité attire des populations issues d’autres régions togolaises, jeunes ruraux, saisonniers et parfois des groupes venus de pays voisins, cherchant du travail rapide et des gains immédiats. Ces déplacements s’inscrivent dans des dynamiques migratoires de court terme (saisonnier) mais aussi de recomposition résidentielle lorsque les travailleurs s’installent de manière prolongée autour des camps miniers.
Qui migre et pourquoi ?
Les migrants internes vers les sites d’exploitation artisanale sont majoritairement des jeunes adultes, souvent peu qualifiés, attirés par l’espoir d’un revenu supérieur à celui offert par l’agriculture de subsistance. L’attrait économique est renforcé par la faiblesse des opportunités locales, la baisse des rendements agricoles et, parfois, la diffusion d’informations sur les gains observés dans les camps voisins. L’orpaillage fonctionne aussi comme un filet de sécurité : en période de crise (faible récolte, pandémie, chômage saisonnier), beaucoup se tournent vers les sites miniers pour subvenir aux besoins du ménage.
Impacts sanitaires et environnementaux majeurs
L’exploitation artisanale non réglementée s’accompagne d’impacts sévères. L’utilisation du mercure pour l’extraction de l’or, pratique documentée au Togo, contamine sols et cours d’eau, affectant la chaîne alimentaire et la santé des communautés locales (problèmes neurologiques, rénaux, etc.). La déforestation, l’érosion des sols et la pollution des nappes profondes réduisent durablement la productivité agricole et la qualité de l’eau potable, forçant parfois de nouvelles mobilités internes quand les territoires deviennent impropres à l’agriculture. Ces conséquences sanitaires et écologiques ont été mises en avant dans des études locales et dans les communications ministérielles visant à structurer le secteur.
Conséquences socio-économiques locales
Sur le plan économique, l’orpaillage génère des revenus immédiats pour certains ménages et dynamise des marchés locaux (transports, alimentation, artisanat). Mais ces gains sont inégalement répartis : la plupart des mineurs artisanaux opèrent dans l’informel, subissent des contrats précaires et voient une part importante de la valeur ajoutée captée par négociants et intermédiaires. De plus, l’afflux massif de personnes vers les camps crée des tensions sur les terres, l’accès au bois, l’eau et les services de santé, accroissant les risques de conflits villageois et de dégradation du capital social.
Mobilités transfrontalières et rôle du Togo comme marché régional
Le Togo, de par sa situation et ses marchés d’achat d’or, se trouve parfois impliqué dans des chaînes régionales : de l’or extrait dans des pays voisins transite vers des postes d’achat au Togo, attirant des orpailleurs étrangers et complexifiant la gestion des flux. Ces dynamiques favorisent des migrations intra-régionales et des formes d’« économie grise » autour du métal précieux. Des études régionales ont mis en lumière ces corridors commerciaux et leurs implications pour la gouvernance et la lutte contre les trafics illicites.
Selon le rapport ITIE 2022, 20,6 tonnes d’or ont été exportées sans déclaration, contre seulement 0,6 tonne déclarée officiellement.
Gouvernance, initiatives locales et cadre légal
Face à ces défis, les autorités togolaises et des partenaires internationaux tels que l’UNEP, les ONG, centres de recherche, multiplient études, campagnes de sensibilisation et tentatives de structuration : formalisation des exploitants, organisation en coopératives, bonnes pratiques pour réduire l’usage du mercure, et renforcement des contrôles. En 2021 et dans les années suivantes, l’État a exprimé la volonté de mieux encadrer le sous-secteur pour minimiser les impacts sanitaires et environnementaux tout en préservant les revenus des populations. Toutefois, la mise en œuvre effective reste confrontée à des capacités institutionnelles limitées, à l’économie informelle dominante et à des enjeux de corruption et de taxation différenciée.
Les migrations internes liées à l’exploitation minière artisanale au Togo sont à la fois, moteur d’emplois et source de vulnérabilités lourdes, sanitaires, environnementales et sociales.
Pour transformer ce phénomène en opportunité durable, il faut une réponse intégrée : formalisation, protection sociale, diversification économique et gouvernance régionale. Sans cela, les mouvements continus de populations vers les sites miniers risquent d’alimenter une spirale de dégradation des moyens d’existence et de nouvelles vagues migratoires internes.