
Depuis le coup d’État de 2023, les relations entre Niamey et Washington se sont progressivement tendues. Dernier rebondissement en date : les États-Unis ont décidé de suspendre, jusqu’à nouvel ordre, la délivrance de visas à leur ambassade au Niger.
Selon l’agence Reuters, cette mesure a été confirmée le 26 juillet 2025 par un porte-parole du Département d’État américain et figurait déjà dans une note interne signée la veille. Aucune précision officielle n’a été apportée quant aux raisons exactes, mais Washington évoque des « préoccupations concernant le gouvernement du Niger ». Concrètement, tous les visas qu’il s’agisse de tourisme, d’affaires, d’études ou d’immigration sont concernés. Seuls les dossiers diplomatiques et officiels continueront d’être traités.
Parallèlement, les consulats américains à travers le monde sont désormais invités à redoubler de vigilance face aux demandes de visa déposées par des ressortissants nigériens. Washington rappelle à ce propos que 8 % des visiteurs nigériens et 27 % des étudiants dépassent la durée de séjour autorisée.
Des échanges commerciaux en chute libre
Cette suspension intervient dans un contexte de relations bilatérales fragilisées. La coopération entre les deux pays, axée depuis des années sur la sécurité, la gouvernance et le développement, a été profondément ébranlée par le putsch de 2023. En 2024, les autorités nigériennes ont exigé le retrait des troupes américaines stationnées sur leur sol, symbolisant une rupture majeure. Au final, les échanges commerciaux se sont effondrés, passant de 125,2 millions $ en 2022, à 63,7 millions $ en 2023, pour tomber à 49,7 millions $ en 2024, selon les chiffres de Trademap.
Une décision qui inquiète les citoyens
Sur le terrain, cette suspension nourrit l’inquiétude de nombreux Nigériens. Laouali Assoumane, opérateur économique, y voit un signal politique fort.
« Chaque pays est libre de prendre ses décisions, mais cela montre qu’il n’y a pas vraiment d’amitié entre États. C’est une question d’intérêt. Si les États-Unis estiment ne rien gagner à délivrer des visas aux Nigériens, nous aussi, nous pouvons choisir de ne pas en donner aux Américains ».
Pour Daouda, citoyen nigérien la quarantaine, ce sont surtout les jeunes et les étudiants qui en payent le prix fort.
« Cette rupture impacte directement les Nigériens, surtout ceux qui rêvent d’aller étudier là-bas. On ne connaît pas la véritable raison de cette suspension, mais on espère qu’elle sera levée avant la rentrée, pour ne pas bloquer ceux qui préparent leur départ pour poursuivre leurs études ».
De son côté, Hassane Chipkaou invite les Nigériens à voir dans cette crise une occasion de réorienter leurs ambitions.
« Les Nigériens aiment beaucoup aller aux États-Unis. Mais cette suspension devrait nous pousser à réaliser que notre pays a beaucoup à offrir. Si on reste ici et qu’on se bat ensemble, le Niger peut devenir plus attractif que beaucoup d’autres endroits ».
Des conséquences encore floues
À ce stade, difficile d’évaluer précisément l’impact social et économique de cette suspension sur le long terme. Mais sur le plan symbolique, cette décision marque un nouveau tournant dans une relation bilatérale déjà fragilisée. Reste à voir si un dégel diplomatique pourra rouvrir les guichets des visas et rassurer une jeunesse dont les projets d’études et de mobilité se retrouvent suspendus à une décision politique.