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Migrations irrégulières : qu’advient-il des Mineurs Non Accompagnés (MNA)
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Migrations irrégulières : qu’advient-il des Mineurs Non Accompagnés (MNA)
Ayoba Faye 🇸🇳
Ayoba Faye 🇸🇳
November 22, 2023

La forte intensité avec laquelle les vagues de migrants débarquent dans les Îles Canaries cet été 2023 préoccupe les autorités espagnoles. Surtout avec les températures qui commencent à chuter de manière drastique en Europe et sur l’océan. Rien qu’au mois d’Octobre 2023, plus de 13 000 candidats ont été secourus par les services espagnols. Et au moins 3000 autres ont été interceptés entre la Mauritanie, le Maroc et le Sénégal. Bien sûr, ces chiffres ne prennent pas en compte les personnes disparues en mer. 

« Il fut un temps où l’on pensait que le record de novembre 2020 ne pourrait être dépassé. Et octobre 2023 est arrivé, faisant exploser tous les records. A propos du Sénégal : depuis des mois nous constatons une augmentation constante du nombre de personnes arrivant de ce pays voisin. Mais le « grand départ » ne se fait pas seulement par voie maritime, mais aussi par voie terrestre vers le Mali, le Niger, et même par avion vers d’autres pays. Les piliers de la société sénégalaise ont été brisés », a affirmé le journaliste Txema Santa de Cadena Ser, spécialisé dans le traitement de l’information liée à la migration.

Plus de 4000 Mineurs non accompagnés dans les îles Canaries

Mais dans ces vagues qui arrivent par milliers chaque semaine sur les Îles Canaries, le nombre de Mineurs non accompagnés (MNA) préoccupe encore plus les autorités espagnoles qui doivent les prendre en charge. « Concernant les mineurs non accompagnés : Aux îles Canaries, plus de 4 000 mineurs non accompagnés sont accueillis. L’Espagne ne peut pas continuer à détourner le regard et à laisser cette réalité entre les mains de la solidarité. Un engagement IMMÉDIAT est nécessaire », s’exclame notre confrère espagnol sur place.

La Directrice médicale du centre de Santé d’El Hierro, Begoña García, confirme le journaliste Txema Santana. Aussi bien sur la prise en charge des migrants que celle des mineurs, la situation devient de plus en plus inquiétante. « Nous ne pouvons pas laisser les habitants de l’île sans couverture, mais nous ne pouvons pas abandonner les migrants. Au début de la crise, en juin, de nombreux hommes adultes sont arrivés. De nombreuses femmes et enfants arrivent avec des pathologies que nous ignorons. La vérité est que le nombre d’enfants sous la tutelle du gouvernement des Canaries a doublé tout au long de cette année. Il y en a déjà plus de 4 000 répartis sur tout l’archipel », dit-elle dans un reportage sur la chaîne publique espagnole RTVE.

La loi espagnole interdit de rapatrier les Mineurs non accompagnés

Face à ces vagues qui arrivent sur les Îles Canaries, le Gouvernement espagnol a décidé d’aménager des centres pour accueillir au moins 11 000 migrants pour décharger l’Archipel qui commence à saturer. Selon le média espagnol El Pais, repris par Les Echos, « l’Espagne se prépare à ouvrir 11.000 places dans des hôtels, auberges, casernes ou anciens hôpitaux militaires, répartis travers toute la péninsule pour soulager le petit archipel débordé par l’ampleur du flux ».

Le ministère de l’Inclusion et des Migrations va faire appel aux infrastructures mises à disposition par l’armée pour 4.000 personnes, et de compléter en finançant 7.000 autres hébergements d’urgence. Cependant, les Mineurs non accompagnés ne font pas partie de ce mouvement vers les autres régions d’Espagne. Alors, il faut trouver des solutions pour leur prise en charge. « Ce qu’il faut comprendre, c’est que les Îles Canaries sont juste une station de passage. C’est là que les migrants passent. Mais, ce n’est pas là où ils vont s’installer. Sauf les mineurs. Maintenant, les autorités des Îles essaient de trouver des partenariats avec les autorités locales dans les autres régions pour voir comment se partager ces mineurs. Parce que la loi espagnole interdit de les rapatrier. Il faut les prendre en charge jusqu’à leurs 18 ans », confie José Naranjo, le correspondant de El Pais en Afrique de l’Ouest.

Comparatif du cadre législatif sur les MNA entre la France, l’Italie et l’Espagne

Dans une étude faite par l’ONG Franco-sénégalaise, « Apprentis d’Auteuil » dans le cadre du projet « Passer’Ailes », les enquêteurs ont pu constater qu’il existe une littérature très abondante sur ceux et celles que l’on appelle désormais les « Mineurs Non Accompagnés » (MNA), terminologie qui a récemment remplacé en France celle de « Mineur étranger isolé ».

De manière générale, le mineur étranger se trouve coincé au croisement de ses deux identités qui participent de catégories juridiques différentes : étranger et mineur. Et selon le document mis à la disposition de Dialogue Migration par ladite ONG, l’Italie est le seul des trois pays à s’être doté d’un cadre global en matière de protection des mineurs non accompagnés, avec la Loi dite Zampa, votée en 2017, qui définit les « Dispositions relatives aux mesures de protection pour les mineurs étrangers non accompagnés ». 

En Italie, la Loi confère aux mineurs étrangers les mêmes droits que ceux dont jouissent les enfants italiens, récuse les méthodes invasives pour statuer sur la minorité, garantit à l’enfant une représentation juridique aux frais de l’Etat, instaure un délai maximum de 10 jours pour les procédures d’identification réalisées alors que le mineur est dans un centre de premier accueil. La Loi garantit également à l’enfant des droits en matière de santé et d’éducation. L’étude de l’ONG a cependant souligné des difficultés dans l’application des textes. 

En Espagne, où se trouvent actuellement 4000 Mineurs non accompagnés dont la plupart sont Sénégalais, la question des mineurs étrangers se situe au carrefour de la législation sur l’immigration dont la mise en œuvre relève de l’Etat et de celle sur la protection de l’enfance dont l’application relève des régions autonomes, et le cadre réglementaire est globalement vétuste. Les deux lois reconnaissant la prééminence de la protection de l’enfance sur le droit des étrangers ne sont pas toujours respectées. Un protocole cadre promulgué en 2014 s’est donné pour objet la coordination de l’action des diverses institutions. Toujours est-il que les régions n’ont pas toujours la même politique en la matière. Après 3 ans en Espagne, l’enracinement est considéré comme suffisant, le processus de régularisation peut commencer et les jeunes peuvent obtenir une
autorisation de travail et de résidence.  

En France c’est la loi du 14 mars 2016 qui définit le cadre juridique dans lequel s’exerce la protection de l’enfant dans le but « d’améliorer la gouvernance nationale et locale de la protection de l’enfance » et de « sécuriser le parcours de l’enfant en protection de l’enfance ». La pratique française en matière de mineurs étrangers place prioritairement les mineurs isolés étrangers sous le fondement de la protection de l’enfance en danger plutôt que sous le régime du droit d’asile.

Le mineur étranger, doit se présenter de lui-même aux services sociaux de l’ASE. Une fois reconnu mineur, il est placé par le juge des enfants et donc pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) qui est du ressort des départements. Ces derniers ont des politiques diverses d’un département à l’autre en la matière, en particulier en ce qui concerne la dotation financière, mais aussi l’équipement en structures d’accueil. 

Par exemple, dans la Maison d’enfants à caractère social (MECS) d’Eaubonne (Val d’Oise), par exemple, chaque jeune reçoit 50 euros d’argent de poche par mois, 10 euros pour le coiffeur, 150 euros par trimestre pour les vêtements, et 15 euros par mois pour les frais en matière d’hygiène. Cependant, le processus par lequel se fait cette reconnaissance se fait en plusieurs étapes et éprouvent souvent les mineurs à qui on demande à la fois d’être très cohérents dans le récit de son parcours, avec des dates précises (ce qui est très difficile après une expérience aussi traumatisante), tout en lui reprochant en même temps cette cohérence, qui serait synonyme d’un récit trop construit ou d’une maturité caractéristique d’une personne majeure, déplorent les auteurs de l’étude.


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