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MAHINA : La lente réintégration d’ex immigrés
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MAHINA : La lente réintégration d’ex immigrés
Mohamed Dagnoko 🇲🇱
Mohamed Dagnoko 🇲🇱
September 27, 2022

Depuis que le train a arrêté de siffler, la vie, elle, s’emble s’être arrêtée à Mahina, dans le cercle de Bafoulabé, région de Kayes. Ici, toutes les activités économiques tournaient autour du train qui quittait Bamako pour rallier Dakar, la capitale sénégalaise. L’arrêt du train et avec lui l’activité économique de la ville a jeté sur les routes de l’immigration plusieurs jeunes de la localité.  Si quelques-uns parviennent à traverser le désert et l’océan pour se retrouver en Europe, d’autres échouent et certains disparaissent à jamais.

Fousseny Coulibaly et Ibrahim Konaté en plus d’appartenir à la commune de Mahina dans le cercle de Bafoulabé ont en commun d’avoir tenté d’immigrer avec des fortunes diverses. Ibrahim Konaté, le plus jeune des deux est celui qui a le plus souffert dans sa tentative de rejoindre l’Europe. Parti laissant derrière lui sa femme et son enfant dans l’espoir de faire fortune en Europe et de changer le quotidien de sa famille fait de misères, Ibrahim se lance sur les routes incertaines de l’immigration. C’est avec amertume qu’il revient sur le calvaire que lui et ses compagnons de fortunes ont vécu.

«Nous sommes tombés dans une base terroriste… »

Ibrahima Konaté

« Nous sommes tombés dans une base terroriste. On devait payer chacun 75 mille francs pour être libérés. Nous avons passés six jours entre leurs mains. Il fallut qu’on nous envoie de l’argent pour que nous puissions payer et continuer notre chemin. J’ai passé un (1) an et six (6) mois en Algérie. Travaillant sur les chantiers. Un matin, j’ai été arrêté avec 2345 autres personnes. Nous étions de 08 nationalités différentes. Il y avait 346 maliens, j’étais le porte-parole. On a été déposé à la frontière avec 80 kilomètres à marcher pour arriver au Niger. Quatre (4) femmes du groupe sont décédées. Chaque groupe de quatre personnes devaient se partager un bidon d’eau. Et une miche de pain pour deux personnes», confie Ibrahim Konaté.

«Nous avons payé plus de 500 mille francs pour rejoindre l’Espagne»

Contrairement à Ibrahim, Fousseny Coulibaly, lui, a réussi sa traversée de la méditerranée  avant de se voir expulser au bout d’un mois sans avoir pu réaliser son rêve de faire fortune en Europe.

« J’ai quitté Mahina en 2009 pour aller en Mauritanie. 15 jours après, nous avons payé plus de 500 mille francs pour rejoindre l’Espagne. On n’a pas eu trop de problèmes. Un mercredi matin on a quitté le matin vers les coups de 5 heures pour arriver le dimanche à 19 heures. Soit 3 jours en mer. Nous étions 63 personnes à bord de la pirogue. La croix rouge nous a accueilli et nous a logés au campo. On a passé 28 à 29 jours en Espagne. Ils ont pris nos filiations et un jour après un recensement, on a sorti des personnes des plus de 500 immigrés. Et à notre grande surprise nous avons embarqués dans un vol. A la descente je me suis rendu compte que je venais d’être refoulé. Nous étions à l’aéroport Bamako Sénou», se souvient tristement Fousseny Coulibaly.

Érigé en cercle en 1887, Bafoulabé est le premier cercle du Mali.  Les communautés Khassonké et Sarakolé sont les plus nombreuses de la localité.  Deux ethnies qui ont de fortes communautés en Europe, plus particulièrement en France.  Le relatif succès de cette diaspora  qui réalise de nombreux investissements incite la jeunesse, désœuvrée, à tenter l’aventure, à tenter « sa chance » comme l’explique Fousseny Coulibaly.

« J’ai fait des études d’électricité, j’ai eu mon C.A.P. Je n’ai pas de boulots mais je faisais des installations dans la ville qui ne rapportaient pas grands choses c’est pourquoi j’ai décidé de partir », raconte Fousseny.

Ayant fait des études poussées, après avoir postulé à plusieurs concours et déposé des centaines de demande d’emploi sans succès, Ibrahim Konaté s’est laissé tenter par l’immigration pour fuir la misère et surtout pour pouvoir, une fois en Europe, venir en aide à sa famille comme le font actuellement beaucoup de jeunes de sa génération.

« Nous sommes partis à cause de la situation ici. On a fini les études, pas de boulots, le peu qu’il y avait étaient donné par favoritisme. Je suis parti pour éviter de tomber dans certains travers. C’est pourquoi j’ai décidé de partir, j’ai quitté Mahina le 10 Mai 2015 », soutient Ibrahim.

Le difficile retour

Fleuve Bafoulabé

Ici, partir est un challenge. Revenir sans le sous est synonyme d’échec. Si beaucoup refusent d’affronter ce regard de la communauté après l’échec de leur tentative d’immigration, Fousseny Coulibaly et Ibrahim Konaté, eux, sont revenus nos sans des appréhensions et des difficultés.

« Mon retour était très difficile. Imaginez un chef de famille parti chercher de l’argent qui revient au pays même sans un sac, j’avoue que c’est difficile. J’avais voulu continuer et ne plus remettre les pieds ici mais » témoigne Ibrahim Konaté.  Lui tout comme Fousseny Coulibaly ont pu compter sur le soutien et la bienveillance de leurs amis de « grin ».

Ici comme un peu partout au Mali, le « grin » est le lieu où entre amis on discute, on expose les problèmes et ensemble l’on tente de trouver une solution.

Harouna Diop est le chef de « grin » auquel appartiennent les deux candidats malheureux de l’immigration.

« Nous les avons beaucoup soutenu à leur retour. Nous leur avons fait savoir qu’être auprès de la famille, des parents et se contenter de ce que l’on gagne valent mieux que de risquer sa vie dans le désert » soutient Harouna Diop. Poursuivant, il affirme : « Les parents doivent aussi comprendre que les temps sont durs pour tout le monde.  Et ne pas trop mettre la pression sur leurs enfants. Ce n’est pas qu’à Mahina, la crise de l’emploi c’est partout au Mali ».

Grâce au « grin » à la thérapie de groupe et aux conseils des proches, ces jeunes de retour ont retrouvé toute leur place et regarde désormais l’avenir avec espoir.

« En ce qui me concerne, c’est fini. Je n’irai plus jamais risquer ma vie sur ces routes. Je vais rester ici, me débrouiller et m’en sortir. Depuis mon retour je fais de l’élevage. Je ne suis pas riche mais j’arrive à satisfaire mes besoins. C’est l’essentiel », se réjoui Fousseny Coulibaly.

Éleveur et orpailleur, après un retour difficile et une réintégration difficile, Fousseny Coulibaly et Ibrahim Konaté ont entrepris des séances de sensibilisation à l’endroit des jeunes de la localité. Objectif : Les encourager à entreprendre sur place, à éviter l’immigration clandestine et enfin convaincre ceux qui veulent coûte que coûte que partir d’opter par les voies légales.


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