
Son histoire, à l’entendre pour la première fois, n’a rien de particulier. Juste le récit d’une migrante qui raconte son vécu départ et d’autres des frontières maghrébines. Mais, en y prêtant une ouïe attentive l’on découvrira l’histoire triste d’une femme et son mari à la recherche d’un lendemain meilleur et non pas par charité, mais avec tous son savoir faire.
Dans le souci de lui garantir la couverture de l’anonymat nous allons appeler le sujet de ce témoignage Josiane.
Josiane est originaire de la Côte d’Ivoire. C’est de là-bas qu’elle a pris la route pour l’aventure vers les pays du Maghreb. Une aventure qu’elle va partager en compagnie de son mari.
Assise dans une salle aménagée par des humanitaires dans un centre d’accueil d’Assamaka*, se trouve Josiane, visage triste, pieds engourdis, montrant les traumatismes d’un long parcours. C’est dans ce silence que nous lui avons tendu notre micro pour écouter son histoire et lui permettre d’extérioriser sa douleur.
L’histoire de Josiane a débuté quand elle a franchi la frontière entre l’Algérie et le Niger en direction d’Alger. En compagnie de son mari, Josiane dit s’être préparer pour l’aventure : “j’ai préparé tous les papiers qu’il faut pour notre voyage” parlant de la documentation pour le voyage. Tout semble se dérouler comme prévu pour Josiane et son mari quand soudain les choses tournent à l’envers.
Les débuts d’un calvaire
Arrivés sur le sol algérien, Josiane et son mari ont été pris pour des “bandits” et leurs affaires leur ont été confisquées : « Les policiers nous ont tout pris, même nos chaussures. Ils nous les ont arrachées, et j’ai dû marcher pieds nus pendant trois jours dans le désert, en direction de la frontière avec la Tunisie », s’indigne Josiane.
9Ce ne sont pas ces actes qui ont porté un coup dur à Josiane ; c’est plutôt la fouille au corps très particulière qu’elle a dû subir : « Il y avait trois policiers. Les deux ont chacun pris une de mes jambes pour les écarter, et le troisième a procédé à une fouille avec sa main directement dans les organes génitaux. Leur mobile était de chercher de la drogue », explique-t-elle en larmes.
Algérie ne constitue qu’une étape de ce qu’a vécu Josiane et son mari durant leur aventure vers le Maroc. Impossible de faire demi-tour, ils décident de poursuivre le chemin vers la Tunisie où une autre surprise traumatisante les attend déjà.
Arrivé en Tunisie, Josiane et son époux se voient confisquer leurs documents de voyage et permis de conduire.
« Avant d’entrer en Tunisie, ils nous ont pris nos documents de voyage, y compris nos permis de conduire, qu’ils ont déchirés devant nous », s’exclame Josiane. Le couple a été conduit en Tunisie, où ils ont été séparés et placés dans un camp semblable à une prison.
« Ce sont des gens que l’on appelait par téléphone qui sont venus nous prendre et nous conduire au camp. Là-bas, ils ne font pas la distinction entre les femmes et les hommes, ils nous battaient jour et nuit. Je garde encore des séquelles sur mes orteils », ajoute-t-elle.
Pourtant, selon Josiane, il n’y a pas de visa entre son pays, la Côte d’Ivoire, et la Tunisie. Alors, pourquoi les autorités tunisiennes leur infligent-elles une telle souffrance ?
C’est donc sans documents de voyage, ni d’identité, et sans argent, que Josiane et son mari ont finalement réussi à rentrer au Maroc. Là-bas, ils y passeront quatre années sans être inquiétés. Pour le retour, Josiane a dû endurer les mêmes atrocités avant de se retrouver à Assamaka, au Niger.
Josiane, aujourd’hui assise au centre d’Assamaka, rappelle que les couloirs migratoires maghrébins restent semés d’embûches. Arrestations arbitraires, fouilles dégradantes, destruction de papiers. Son périple éclaire la zone grise où se croisent politiques sécuritaires et détresse humaine. Son histoire n’est pas isolée ; elle incarne une réalité partagée par des milliers de voyageurs ivoiriens, guinéens ou nigériens qui, faute de voies légales, s’en remettent aux contrôles aléatoires des forces frontalières. Le Maroc lui a accordé une parenthèse de stabilité, mais cette respiration reste fragile tant que ses documents demeurent confisqués.
Assamaka : petite ville située dans le désert au nord-ouest du Niger dans la région d’Agadez