De par le monde, les migrants sont souvent au cœur de folles polémiques. Mais en réalité, qui est migrant et qui ne l’est pas ? Doit-on parler de migration au singulier ? Quelles sont les dynamiques qui caractérisent ce phénomène au Bénin, et en Afrique de l’Ouest ? Pour en savoir davantage et cerner les atouts de ce phénomène, Dialogue Migration est allé à la rencontre de Monsieur Joseph SAHGUI, Enseignant chercheur au Département de Sociologie-Anthropologie de l’Université d’Abomey-Calavi au Bénin. Il est spécialiste des questions de Migrations transfrontalières en Afrique au sud du Sahara.
Différence entre migration et mobilité
Qui est migrant, qui ne l’est pas, point d’interrogation ? Voilà le véritable problème. Tous les jours, tout le monde est en perpétuel mouvement migratoire. On définit la migration par rapport au contexte, au temps, et aux périodes. D’abord, on dit les migrations à ne pas confondre avec les mobilités. La mobilité est différente de la migration. Néanmoins, on peut mettre la mobilité dans la migration, mais jamais ‘’migration’’ dans ‘’mobilité’’. Dans ‘’migration’’ il y a souvent contrainte et c’est un terme classique. Mais dans ‘’mobilité’’ il n’y a pas de contrainte. L’individu est libre de ses mouvements. Et un mobile n’est jamais identifiable à un endroit ”t”. Quand les jeunes quittent par exemple le nord-ouest (ndlr-du pays) pour le nord-sud pour travailler dans les champs pendant un mois ou trois mois, c’est la mobilité, ce n’est pas la migration. Il y a les migrations journalières, migrations pendulaires, migrations saisonnières, migrations temporaires. C’est pourquoi on parle des migrations. Celui qui va au boulot par exemple tous les matins, est en perpétuelle migration pendulaire. Les femmes qui vendent au marché font une migration journalière. Il n’y a pas la définition du mot migration, mais il y a les définitions. Donc il y a plus de mille formes de migrations. Il y a par exemple la migration de mariage, la migration de mort . Vous pouvez décider d’aller mourir quelque part, vous avez fait une migration de mort. Il y a aussi la migration de divorce, etc.
Dynamique de la migration au Bénin et en Afrique de l’ouest
L’histoire, la vie humaine est faite de mouvements migratoires. Sans mouvement migratoire est-ce qu’il y a le monde ? Non ! Donc l’histoire humaine est faite de mouvements migratoires. Et lorsqu’on parle de la migration, c’est un phénomène social total. Et ça englobe tout, notamment au plan économique, politique, social, environnemental, technologique. Parlant des conséquences de la migration, il y a d’abord : sur le plan économique, sur le plan politique, sur le plan culturel, sur le plan environnemental, les aspects positifs et les aspects négatifs. Alors que de façon générale, les migrations sont liées à la vie humaine. Si vous prenez par exemple les Soninkés de la Mauritanie, du Sénégal et du Mali, les Dogons du Mali, les Mossis du Burkina Faso, la migration chez eux est un rite de passage. Quelqu’un qui n’a jamais migré, ce n’est pas possible. C’est un rite de passage. C’est-à-dire qu’il faut migrer pour être Homme avec grand H. Donc les migrations sont un phénomène culturel. Ils ne peuvent pas ne pas migrer. Ce n’est pas possible. Donc il y a des peuples dont c’est leur culture, leur tradition.
Il y a aussi le phénomène religieux, les villes musulmanes d’ordre général. C’est pourquoi on parle de migration religieuse. Ceux qui vont à la Mecque c’est une forme de migration. C’est une forme de migration temporaire. Ils y vont pour un temps. Il y a des fois où la religion participe beaucoup plus à la migration. Et on ne migre pas de façon hasardeuse. On parle de réseaux relationnels, disons les théories de réseaux relationnels. Il y a les relations et aussi le transnationalisme. C’est-à-dire qu’il faut d’abord voir l’historique des itinéraires et des destinations. C’est important. On ne migre pas n’importe comment. Avez-vous déjà vu quelqu’un qui quitte comme cela pour aller se balader sans avoir un lien ? Non ! D’abord il a des informations. Je donne un exemple : Il est sûr qu’arrivé au Qatar ou en Arabie Saoudite il y a les parents qui sont là. Même s’il n’y a pas un parent, il y a la religion ; surtout la religion musulmane. Ils sont trop solidaires. Par exemple, ceux avec qui j’ai travaillé ici (ndlr-Cotonou) m’ont dit qu’en quittant le Niger ils ne connaissaient pas le Bénin. Mais ils ont dit, qu’une fois arrivé à Cotonou vous allez à Zongo ou bien là où vous allez voir les mosquées, surtout dans les zones musulmanes. On vous accueille et c’est comme ça finalement ils sont intégrés. Ils peuvent ne pas connaître quelqu’un mais il faut connaître les informations avant d’y aller. Les réseaux relationnels et la religion surtout musulmane participent beaucoup plus à ces réseaux là. C’est comme ça. Ce n’est pas Djougou seulement au Bénin ; c’est la plupart des villes musulmanes, Parakou, Kandi, Malanville… C’est des musulmans non ? C’est la religion. Il y a aussi un facteur. Si vous allez dans ces villes vous allez voir beaucoup de mosquées. Ces mosquées sont le fruit des relations créées quand les gens vont en migration. C’est ce qu’on appelle les réseaux relationnels. Ils créent des relations qui leur permettent de réaliser. Pourquoi ne vont-ils pas à Paris ou en Allemagne ? Ils vont vers les villes musulmanes. Donc c’est ce qu’on appelle les réseaux relationnels dans les phénomènes migratoires.
Différence entre émigré, immigrant et migrant
D’abord il y a la migration, il y a l’émigration et il y a l’immigration. On dit souvent les émigrés clandestins non ? Les émigrés. Lorsque vous quittez par exemple ici et vous allez par exemple en Espagne, vous êtes un émigré. Puisqu’on vous voit en mouvement. Vous n’êtes pas encore sur place. Même si vous faites un mois sur la voie, c’est ce qu’on appelle les émigrés. Vous êtes en train de faire une émigration, vous êtes en train d’émigrer ; pour aller vers. Maintenant c’est une fois arrivé là-bas vous vous installez, vous êtes un migrant jusqu’à un moment donné. Mais après 5 ans vous devenez un immigré. Une fois arrivés là-bas vous êtes installés vous êtes des migrants. Ça peut être clandestin ou tout cela – vous êtes un migrant. Mais 5 ans après, que ce soit clandestin ou pas, vous devez être un immigré. Vous vous installez de façon définitive. C’est ça la différence.
La migration pas une menace
Tant que nous vivrons, il y aura toujours migration.
Ça n’a jamais été une menace ; non ! Ça participe à l’intégration régionale. En fait, le mouvement est parfois inverse. Il y a beaucoup de Béninois qui sont des immigrés au Niger un peu partout, même au Burkina Faso, et qui sont des immigrés. J’ai écrit un article sur ça par rapport aux jeunes filles qui vendent dans les buvettes. Si vous allez aujourd’hui au Burkina voisin, dans la première ville à Fada-Ngourma, il y a plus de cent Béninoises ; nos sœurs qui vendent dans les buvettes. Est-ce que vous les voyez ici ? Non !
Maintenant, les Togolaises qui viennent ici ; allez au nord Togo dans la ville de Tchamba ; il y a plein de Béninoises aussi. Donc c’est comme cela, ça fait partie de la dynamique sociale. Ce ne sont pas seulement les Nigériens qui sont ici ; non ! On a aussi beaucoup de nos frères Béninois qui sont au Niger au Burkina que ce soit femmes ou hommes. C’est comme ça.
La migration un phénomène à encourager
Donc la Migration est un phénomène social total à encourager lorsque que ça participe au développement tant sur le plan économique, social et politique. A tout, la migration participe.
Si vous pensez que la démographie est un problème, c’est faux. La démographie n’a jamais été un problème, au contraire c’est une solution. On peut parler de la démographie, aucun continent ne s’est développé sans sa population. C’est l’homme d’abord. La première richesse au monde c’est l’Homme. Ce n’est pas l’argent.
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