Auditrices et auditeurs de dialogue migration bienvenues !
Aujourd’hui nous accueillons Fatoumata Coulibaly. Née en 1970 à Nioro au Mali elle pose ses valises en Mauritanie en 1988 avec son mari. Actuellement divorcée, elle est mère de 6 enfants. Cette cinquantenaire de teint noir réside dans la commune de Sebkha dans la banlieue Nouakchottoise. Fatoumata est présidente de l’Association des femmes maliennes en Mauritanie. Elle est aussi la présidente de l’Association des femmes battantes de la Mauritanie
Question 1 : Bonjour Fatoumata ! Comment vous est-il venu l’idée de créer cette association ?
Par un mariage forcé, j’étais victime de violence à mes 16 ans. Face à ce traumatisme que je n’ai pas oublié, j’ai créé une association (ndlr: association des femmes maliennes en Mauritanie). Cette création n’est pas liée au hasard car arrivée en Mauritanie, j’ai fait un constat. Beaucoup de filles étaient victimes de violences.
Question 2 : Donc l’objectif est de défendre les victimes, est ce que l’association est ouverte à tous les ressortissants des autres pays africains ou bien vous n’accueillez que les maliennes ?
L’association est ouverte à tout le monde
Question 3 : En quelle année l’avez-vous créée et combien de membres compte elle à ce jour ?
L’association est créée le 19 novembre 2019 et elle compte 25 membres
Question 4 : Certainement, vous avez collaboré avec les autorités administratives locales, avez-vous des remarques sur la procédure d’obtention du récépissé. Était-ce lente ou facile dans votre cas ? Comment avez- vous procédé ?
Non alhamdoulillah, l’acquisition de mon récépissé par le ministère de l’Intérieur n’était pas difficile. Auparavant je travaillais avec le récépissé de l’Ambassade du Mali avec la reconnaissance de la commune de Sebkha, par le maire de la commune. Après trois années, nous avons obtenu le récépissé définitif. Au passage, nous remercions l’État mauritanien ainsi que la société civile car nous n’avons jamais subi une discrimination entre étrangers et mauritaniens.
Question 5 : Quand vous dîtes qu’il n’y a pas de discrimination, pouvez-vous, concrètement, nous parler des actions que mènent les autorités à votre égard ? Il y a beaucoup d’activités de formation ou encore d’ateliers auxquels je suis invitée pour renforcer mes capacités. Ces activités me permettent de rendre visible mon association. Ces rencontres me donnent l’occasion d’expliquer les difficultés auxquelles les migrants font face sur le territoire mauritanien. En effet, je suis respectée et écoutée dans ce pays.
Question 6 : En général, quelles difficultés rencontrent les migrants dans le pays ?
Au niveau des frontières, les migrants rencontrent d’énormes problèmes. En effet, en traversant la frontière d’un pays, on devient un migrant. Donc avant de traverser, il faudra connaître les lois et les règlements de ce pays. Par exemple, avant de venir en Mauritanie, il faut connaître d’abord ce qui est permis et les interdictions de ce pays.
Question 7 : Donc, c’est parce qu’ils ne sont pas, pour la plupart, informé sur leurs droits qu’ils sont dans l’illégalité ?
Il y a beaucoup de migrants qui arrivent et qui passent des moments difficiles dans les commissariats c’est parce qu’ils ne peuvent pas se défendre. Ils sont dans leur droit mais malheureusement ils l’ignorent. Tout cela s’explique par le manque de sensibilisation.
Question 8 : Est-ce que vous arrivez à sensibiliser ces migrants ?
Oui je travaille avec les migrants parce que je suis un relais communautaire par le biais de l’ONG AGD et l’OIM. Dans cette même lancée l’association que je dirige fait des sensibilisations sur ces questions que ce soit sur les violences conjugales, l’exploitation des femmes domestiques.
Question 9 : Concernant les filles domestiques, comment est-ce qu’elles font pour venir? A ce qu’il parait, c’est tout une organisation dans les pays d’origines, prenons le cas du Mali. Et est-ce qu’il y a des normes à respecter par rapport à l’âge requis, au salaire proposé ou foyer d’accueil etc.
Depuis 2012, le Mali traverse une situation difficile. Sans le consentement de leurs parents, les filles partent à la quête d’une vie meilleure. En effet, à Bamako, elles ne sont pas bien payées. Elles perçoivent un salaire de 10 000 FCFA par mois. Par contre, en Mauritanie, elles sont bien payées avec des salaires qui tournent autour de 50.000 ou 60.000 ouguiyas (ndlr: 87 000 FCFA ou 105 000 FCFA). Malheureusement, il y a beaucoup de non-dits sur ses promesses et la plupart ce sont des engagements qui ne sont pas respectés. Et alors, commence une vie difficile : en confisquant leurs papiers et téléphones, elles sont séquestrées et cette situation n’est pas propre aux domestiques maliennes mais bon nombre de migrantes qui accomplissent cette tâche. Sur ce, nous lançons des appels aux deux autorités qui sont l’Etat malien et celui de la Mauritanie afin que ces filles puissent sortir de ces réseaux.
Question 10 : Connaissez- vous ces réseaux ? Est-ce que vous arrivez à repérer des personnes qui font ce genre de traite ?
Bien-sûr
Question 11 : Les avez-vous interpellés ?
J’ai de bonnes relations avec mon ambassade. J’ai interpellé l’Ambassadeur son excellence Mamady et il m’a appelé. Et nous avons discuté du sujet. A deux, nous travaillons ensemble sur ces questions. Je connais des éléments qui sont à Bamako et en Mauritanie et qui sont dans ces réseaux de traite (ndlr: trafic d’êtres humains). Pour éradiquer ce phénomène, il faut commencer à la source qui est le Mali.
Question 12 : Maintenant en terme d’intégration, comment voyez-vous l’intégration des maliens par rapport aux autres migrants en Mauritanie ?
Avant, les migrants souffraient beaucoup en Mauritanie mais aujourd’hui la situation est tout autre grâce à Dieu.
Question 13 : Qu’est-ce-qui a changé par exemple ?
Le nombre de personnes qui faisait la migration irrégulière a baissé, aussi la carte de séjour qui empêchait certaines personnes à vaquer à leur occupation n’est plus un problème pour certaines. On remercie l’OIM qui a donné à tous les migrants une carte de séjour gratuitement en collaboration avec l’Etat mauritanien. Mes enfants, certains membres de l’association et moi-même avons eu notre carte de séjour sans difficulté. Néanmoins, il y a beaucoup de migrants qui ont déjà fait l’enrôlement et qui ont leur reçu mais n’arrivent pas à trouver leur carte de séjour et ils sont fatigués.
Question 14 : Pourquoi n’ont- ils pas eu leur carte de séjour ?
Je n’en connais pas la raison
Question 15 : Alors quels sentiments avez-vous envers ces victimes de trafic d’êtres humains aussi pouvez-vous nous dire comment vous les accueillez chez vous ?
J’installe les migrants avec beaucoup de piété. Je suis vulnérable donc je ne peux pas voir une personne souffrir, surtout une compatriote. Je n’ai pas les moyens, je n’ai pris qu’un appartement. Les victimes occupent le salon et la grande chambre comme dortoir. C’est moi même qui finance tout.
Question 16 : Actuellement, vous avez combien de victimes qui logent chez vous?
Ce mois-ci, j’ai reçu trois victimes, deux maliennes et une tchadienne avec son bébé.
Question 17 : C’est quoi son problème (tchadienne)?
C’est confidentiel, il y a des cas classés confidentiel que je ne peux pas révéler.
Question 18 : Est-ce-que vous vous sentez comme une migrante ici en Mauritanie ? Avez-vous le sentiment d’être mis à l’écart.
Non, je suis là depuis 30 ans et j’ai travaillé durant 25 ans comme commerçante au marché mais je ne me suis jamais sentie comme une étrangère. Je n’ai jamais été inquiétée pour des contrôles de papier, je me sens chez moi ici en Mauritanie
Question 19 : Fatoumata, nous arrivons au bout de notre entretien, la dernière question est : Quelle perception portez-vous sur l’entraide et la solidarité en Afrique, en tant femme qui assiste souvent ces victimes de traffic d’etres humains?
Nous sommes solidaires entre nous. Si une femme a des problèmes, on l’aide, en faisant des cotisations. On fait des tontines aussi. Nous nous serrons les mains. Ce n’est pas seulement les maliens. Pendant le mois de ramadan aussi, les gens qui me donnent des sacs de riz, du sucre entre autres, j’appelle les familles vulnérables pour leur remettre ces dons. En 2021, l’ONG ONU Challenge nous a donné du riz qu’on a distribué parfois. L’année passée aussi, c’était pareil avec notre ambassade. Cette dernière nous avait remis des dons, et après on fait la distribution. Nous-même les femmes on cotise du sucre. Chacune apporte ce qu’elle peut et après on fait le partage dans les familles diminuées. Nous partageons le peu que nous avons avec les autres. Dieu merci!
Question 20 : merci Fatoumata
Merci
Chers auditeurs je vous rappelle que Dialogue Migration recevait Fatoumata Coulibaly qui est présidente de l’Association des femmes maliennes en Mauritanie. Elle est aussi la présidente de l’Association des femmes battantes de Mauritanie. C’était un plaisir de l’accueillir. Quant à moi je vous donne rendez-vous très prochainement.
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