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Une carrière professionnelle gâchée par une crise de gouvernance : l’histoire de Boliano  
Témoignage
Une carrière professionnelle gâchée par une crise de gouvernance : l’histoire de Boliano  
Ange Banouwin 🇧🇯
Ange Banouwin 🇧🇯
December 01, 2023

Un grand nombre de jeunes africains sont contraints à l’aventure. Une situation parfois due à des problèmes de gouvernance dans leur secteur d’activité. C’est le cas d’un jeune footballeur professionnel béninois qui à cause de difficultés dans son secteur est allé tenter sa chance ailleurs. 

Footballeur professionnel, Boliano a vu sa carrière prendre un coup à cause de péripéties liées à la gouvernance. Aujourd’hui coach dans un centre de formation à Allada, au sud du Bénin, il nourrit l’espoir de transmettre le flambeau aux jeunes générations, et raconte à Dialogue Migration ses hauts et ses bas.

Cette matinée de juillet 2023, durant environ deux heures d’exercices, des adolescents dont certains font leurs premières armes au jonglage d’un ballon de football s’entraînent, avec pour seul rêve : devenir footballeur professionnel. Au terme de l’exercice du jour, le jeune homme, âgé de 30 ans qui les encadre, se confie à Dialogue Migration. On pouvait lire dans son regard tout le bonheur que lui procure l’encadrement de ces enfants. Hounguè Boya, alias Boliano né en 1993 d’un père taximan et d’une mère ménagère est un mordu de football et grand fan depuis son enfance du gardien de but allemand Oliver Kahn. Comme son idole, il a voulu devenir gardien de but. En effet, il est un ancien pensionnaire du Centre international de formation Ajavon Sébastien (CIFAS), précédemment situé à Djèfa au sud du Bénin sur la route Cotonou-Porto-Novo, menant également à Sèmè Kraké, la frontière bénino-nigériane.

Il se rappelle ses plus vives émotions qui l’ont poussé à embrasser cette carrière. C’était lors de la Coupe du monde de football Corée/Japon 2002. Boliano a fait ses débuts au CEG1 Azovè au sud-ouest du Bénin dans le département du Couffo. Issu d’une famille modeste et voulant réaliser son rêve de devenir gardien de but, il n’avait pas pu s’inscrire au Centre de formation du Cifas qui tournait autour de deux millions par an à l’époque. Cependant, la chance va lui sourire. En 2009, l’équipe de son établissement scolaire dans laquelle il jouait est devenue championne des départements du Mono-Couffo, et elle a pris part à la phase nationale du championnat scolaire à Lokossa. Ses prestations au cours du championnat ont retenu l’attention des détecteurs du Cifas venus suivre la compétition. Il va être retenu dans la liste des six gardiens boursiers à intégrer le CIFAS en 2009, après un test sur une centaine d’athlètes. Il sera pris en charge par le centre de formation pour ses études et le sport dans la catégorie des U16 (moins de 16 ans).

Début du calvaire 

Quelques années plus tard, tout va s’écrouler comme un château de cartes. En effet, à l’époque, il y avait une crise qui secouait le football béninois. « En 2011, à notre grande surprise on apprend à la télévision que le président Ajavon avait fermé le centre de formation. On était plus de 200 pensionnaires », raconte Boliano. Il ajoute d’une voix abasourdie : « Ceux dont les parents avaient un peu de moyens ont envoyé leurs enfants en Côte d’Ivoire, au Ghana, en Algérie, en Tunisie et autres. Et nous qui n’avions personne, nous étions livrés à nous même. C’est là que le calvaire a commencé ». Boliano face à cette situation, ne va tout de même pas baisser les bras, et il a poursuivi sa dynamique en s’entraînant au quartier. Après la fermeture du Cifas, il a été sollicité par Soleil Football club, à Cotonou. Après quoi, il a jugé utile d’aller en aventure. « Après une demi-saison avec le club, j’ai jugé utile d’aller me chercher à l’extérieur. Quand bien même je n’avais pas les moyens et je ne connaissais personne, vu que j’ai déjà fait mes expériences au pays », poursuit-il. Malgré ce revirement de situation intervenu dans son parcours, Boliano n’avait qu’une envie qui l’animait : réussir.

Traversée nocturne de la frontière bénino-nigériane 

« Ne connaissant personne à l’extérieur, j’entendais parler du Nigeria voisin qui est un pays anglophone où les choses vont mieux. Vu la condition dans laquelle je me retrouvais au pays, j’ai jugé utile d’aller voir ailleurs », confie Boliano. Ainsi, il entreprit d’aller en aventure. Avec l’aide d’un contrebandier béninois qui faisait le trafic de marchandises entre le Bénin et le Nigeria. Il va rallier le Nigeria situé à l’Est du Bénin. « Je lui ai parlé, il a accepté et moi j’ai pris le risque de le suivre. Le monsieur m’a promis de m’amener et on s’est donné rendez-vous et un jour je l’ai suivi… J’ai traversé la frontière du Nigeria pour la toute première fois à 2 heures du matin », relate-t-il. Ceci après quelques courses à Owodé à la frontière avec le Nigeria. Arrivé à destination à Ikoyi au Nigeria, il sera confié à un agent de sécurité Igbo avec qui il va désormais partager la cabine et qui va assurer sa tutelle après le départ sans signe de vie de son entremetteur. Boliano va finalement entreprendre de petits boulots en aidant une bonne dame qui faisait la restauration dans une concession voisine en faisant la plonge et le service. Après deux mois, avec ses pourboires et sa paie quotidienne, il a pu économiser 45 mille Naira et décide de faire l’auto-école. 

Entre les ronces…

Boliano a étudié jusqu’en troisième avant de faire la seconde et la première au Cifas. C’est l’année où il devait faire la terminale que le centre de formation professionnel de football a été fermé.  Malgré cela, il voulait réussir pour donner un coup de main à ses parents qui commençaient à être essoufflés, vu que l’aîné qu’il était avait des jeunes frères. Avec son permis de conduire obtenu au Nigeria, et n’ayant pas d’avaliseur, les gens avaient peur de lui confier leur véhicule. Et puisque c’est le football qui l’y a conduit, il va chercher à entrer en contact avec des clubs de sa localité.  Après deux semaines d’essai avec un club à Yaba, il a fait bonne impression; mais les conditions de signature de son contrat vont le faire partir. « Quand ils ont voulu signer mon contrat, ils ont amené des papiers à blanc et sur 4 pages ils ont souhaité que j’appose la signature qu’il y a sur mon passeport », décrit-il. Le jeune homme de 21 ans à l’époque s’est souvenu de ce qui l’a marqué à son entrée sur le territoire nigérian. « This is Lagos, open your eyes! », ici c’est Lagos une ville différente des autres, soyez vigilant avait-il lu. Bien qu’on l’avait prévenu, il s’y était opposé craignant tout ce que cela pourrait entraîner au cas où il voudrait partir du club. De retour à son point de départ à Ikoyi, un des encadreurs impressionnés par ses performances l’a emmené dans un autre centre de formation où il a fait un tournoi sur 3 semaines raconte-il.  La prestation d’une équipe Ghanéenne venue prendre part au championnat va le décider à aller du côté du Ghana sans le moindre contact préalable. Revenu à Cotonou pour se préparer, après quelques semaines, il a pris la route pour Lomé au Togo et de Lomé pour Aflao, et à Aflao il a pris le bus pour Accra. N’ayant aucun contact par la force des choses, il tombe sur des Béninois qui vont le présenter à un autre compatriote qui travaillait dans un hôtel dont le propriétaire est Libanais comme agent d’entretien. Il va être engagé dans ce lieu où il gagnait l’équivalent de 14.000f CFA en dehors des pourboires. A la mi-journée, il allait jouer au football avec un club de la localité. Titularisé pour deux matchs face un club de ligue 1, ses performances vont forcer les responsables de l’équipe à lui faire une licence pour un tournoi de 17 matchs qui s’est soldé par 15 victoires, une défaite et un match nul. Boliano va taper à l’œil d’un recruteur marocain. A ce jour, il ne sait quelle mésentente il y a eu avec son club et ce dernier pour que malgré l’obtention du visa pour le Maroc, son transfert n’ait pu être conclu pour qu’il s’y rende. Découragé, mais ayant le visa dans son passeport avec ses économies, il est revenu à Cotonou pour tenter de s’y rendre. « Il me manquait 156 mille FCFA pour effectuer le voyage. Je n’ai pas obtenu ces sous jusqu’à ce que le visa expire », déplore-t-il. C’était en 2014. Par la suite, ses économies se sont épuisées et ne voulant pas perdre sa forme, il a commencé à s’entraîner avec le club ‘’Mamba noir’’ en 2015. Finalement il n’a pas pu signer le contrat, car la crise continuait dans le secteur du football au Bénin. Alors, il fallait survivre. C’est ainsi qu’il s’est engagé dans la vie active. « J’ai été conducteur de tricycle pendant trois ans, de 2018 à 2021 ». Suite à des difficultés liées à cette activité, le contrat sera résilié. Vu qu’il n’avait plus de travail, il a commencé à travailler sur le site de la GDIZ du lundi au samedi. Une de ses connaissances qui a remarqué ses prestations lors des entraînements du week-end va le recommander pour un centre de formation pour encadrer les enfants. Le Centre de formation de Football Jeunesse Education et Prospérité qui est une ONG américaine avec qui il vient de faire une année académique. « Nous voulons former des joueurs intellectuels, capables de rédiger eux-mêmes leurs contrats », dit-il.

Cris d’appel

Selon Boliano, « Si nos états peuvent créer de l’emploi pour permettre aux jeunes de se faire valoir, personne n’a envie de quitter son pays pour aller souffrir dans un autre pays ». Car, dit-il, si on a les moyens, on peut sortir de son pays pour aller découvrir comment ça se passe ailleurs. « Mais nous sommes obligés, contraints, compte tenu de la situation que nous vivons au pays », déplore-t-il.

« Quand le Cifas allait bien, moi je n’avais jamais voulu quitter pour aller vivre ce calvaire là au Nigeria. C’est la fermeture du Cifas qui m’a poussé à sortir du Bénin. Je savais qu’après trois ans de formation au Cifas, il y avait des tests et des formations qui m’attendaient en France. Il y a des voyages qui m’attendaient et je savais qu’à la fin j’allais forcément voyager. Je me concentrais sur les études et le sport. Du coup, quand le centre a été fermé j’étais obligé de sortir de mon coin, car je ne voulais pas perdre mon talent », soutient-il.

Selon son argumentaire, des jeunes se voient délaissés dans leur propre pays et se disent : « Si je ne vais pas me chercher ailleurs pour gagner ma vie, ça pose problème parce qu’il y a la famille qui est là et il faut aussi se réaliser ».

Au regard des tragédies qui se jouent en Méditerranée et ailleurs dans des pays du Maghreb, pour lui cela se justifie par un fait. « Tu apprends qu’ailleurs si tu arrives à franchir la frontière de ton pays ça va s’améliorer. Donc on est prêt à prendre le risque là, quelles que soient les conséquences c’est ce qui fait que nous voyons des milliers de jeunes africains mourir en mer ». Désemparé de voir des milliers de talents et de jeunes vouloir traverser la méditerranée, pour Boliano, il y a des risques qu’il ne faut pas prendre. « ‘’Cabri mort n’a plus peur de couteau’’, mais moi je pense qu’il est important qu’on soit patient », conseille-t-il. Si la plupart des jeunes pensent que la vie est facile à l’étranger ; au contraire c’est plus difficile, soutient-il par expérience. « Pour que moi je sois titulaire dans le club où j’étais au Ghana, je travaillais doublement. C’est à cause de l’écart entre le gardien Ghanéen et moi que j’étais titulaire. A l’étranger ça n’a jamais été facile comme on le pense. », relève-t-il en invitant les jeunes à avoir la tête sur les épaules. « Il ne suffit pas de sortir de son pays pour aller gagner sa vie », fait-il observer.   


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