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Matar DIOUF, migrant sénégalais : « J’ai tenté de rejoindre trois fois l’Espagne en zodiac »
Témoignage
Matar DIOUF, migrant sénégalais : « J’ai tenté de rejoindre trois fois l’Espagne en zodiac »
Ndiémé Faye 🇸🇳
Ndiémé Faye 🇸🇳
May 27, 2025

Matar Diouf, jeune sénégalais raconte son périple difficile, marqué par plusieurs tentatives pour entrer clandestinement en Espagne, des mers agitées aux contrôles musclés de la police marocaine, jusqu’à son retour au pays après des expériences traumatisantes. Entre espoir et désillusion, son histoire témoigne de la complexité et des risques de la migration irrégulière.

Qu’est-ce que vous faisiez avant de prendre les pirogues pour l’immigration ?

Après avoir obtenu mon baccalauréat et reçu mon orientation, je n’étais pas encore allé à l’université. Les conditions familiales n’étaient pas favorables pour poursuivre mes études. Plus tard, on m’a proposé un emploi au Maroc, à condition de suivre une formation en informatique. J’ai obtenu ce diplôme, mais au moment de partir, la pandémie de Covid-19 a tout chamboulé, ruinant mes projets. Après cet épisode, j’ai pensé à créer un petit projet ici à Joal-Fadiouth, alors j’ai acheté une moto et commencé à faire des courses dans la ville, ce qui m’a permis de bien gagner ma vie. Mais avec le temps, cette activité a périclité, et j’ai alors envisagé l’immigration irrégulière, surtout après que des marabouts m’ont dit que j’avais un destin à l’étranger.

Comment s’est passé le début du voyage ?

J’ai payé 400 000 CFA pour partir. J’ai quitté Joal sans grande difficulté, surtout durant les quatre premiers jours. J’étais avec cinq femmes dans la pirogue, certains voyageurs ayant même commencé à jeter leurs affaires dans la mer, croyant qu’ils étaient déjà en Espagne. Au cinquième jour, une grosse vague a brisé la pirogue, laissant l’eau pénétrer et provoquant la panique. Certains pêcheurs expérimentés savaient gérer la situation, mais pour les autres, c’était un vrai problème. Le capitaine refusant d’assumer ses responsabilités, nous avons décidé de changer de direction et d’atterrir au Maroc, ce qui ne m’a pas dérangé.

Quelle a été la situation au Maroc ?

Une fois arrivés, nous avons été logés dans un camp. Avec certains, j’ai décidé de prendre une « zodiak » (petite embarcation pneumatique) pour essayer de rejoindre l’Espagne. La veille de notre départ prévu par avion pour retourner au Sénégal, nous avons profité de l’occasion pour sortir du camp. Mais là, la misère s’est aggravée. La vie devenait très difficile, dans des conditions indignes.

Pouvez-vous nous expliquer vos trois tentatives pour entrer en Espagne ?   

J’ai tenté trois fois de passer en Espagne. Lors de la première tentative, nous avons parcouru plusieurs jours dans le désert, avec des zodiaks et des bidons d’essence. Lors d’une opération, la police marocaine nous a repérés, et une confrontation a éclaté. Ils ont lancé des pierres, tiré avec leurs armes, et déchiré notre bateau. Mais, ne réalisant pas qu’il était endommagé, nous avons continué notre route. Après 40 km, nous avons constaté le problème. À ce stade, nous n’avons pas pu appeler la marine marocaine, car si nous l’avions fait, elle aurait arrêté les capitaines et les aurait emprisonnés pendant 5 ans. Nous avons donc décidé de continuer.

Cependant, nous avons croisé des garde-côtes, qui nous ont poursuivis. Lors de la deuxième tentative, nous avions surchargé la zodiac avec 55 personnes. Avec mon téléphone satellite, je communiquais avec la marine espagnole. Mais la zone de sauvetage était encore à 60 km, ce qui était trop pour le bateau surchargé. En croisant un bateau de pêche, ils ont alerté la marine marocaine, qui nous a poursuivis. La marine nous a torturés et tenté de nous faire dénoncer nos capitaines, ce que nous avons refusé.

Enfin, pour la troisième tentative, c’était la plus difficile. Juste après le départ, la mer forte a renversé le bateau, causant la mort de cinq personnes. Après cet échec, j’étais profondément découragé. J’ai alors appelé mes parents et un marabout pour leur expliquer la situation. Avant, je leur avais fait croire que j’allais bien, mais en réalité, j’étais en difficulté. Finalement, ils m’ont conseillé de rentrer au pays, ce que j’ai décidé de faire.

Comment s’est passé le retour au Sénégal ?

Le retour a été encore plus éprouvant. Au Maroc, la situation des migrants irréguliers est très difficile. Dans certaines villes, il n’y a pas de Noirs, et ils arrêtent tout ce qui leur ressemble. J’ai donc dû me cacher pour traverser ces zones. N’ayant pas mon passeport, j’ai dû obtenir un document appelé « Sauf conduite », un laisser-passer que je devais faire valider par la police. La distance jusqu’à la frontière durait environ quatre jours en voiture.

La première fois, je ne connaissais pas la procédure, et j’ai dû faire plusieurs allers-retours. De plus, les policiers me réclamaient souvent de l’argent. Lorsqu’un dernier agent m’a menacé de m’interdire de revenir, je n’ai pas cédé. Je suis finalement passé par la Mauritanie pour revenir au Sénégal en janvier 2024. Depuis, je travaille dans une usine de transformation de poissons.


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