
Mélanie, restauratrice de Niamey, conjugue avec pragmatisme un héritage familial et une ambition mesurée. Élevée dans le quartier Poudrière, elle a appris auprès de sa mère l’art ancestral du Dokounou. Fille d’un ancien combattant, son parcours mêle études, stages et débuts entrepreneuriaux avec authenticité. Dans un Niamey en mutation, elle explore marchés en ligne et foires pour promouvoir sa cuisine traditionnelle. Ses plats, élaborés avec soin, révèlent la richesse d’un patrimoine culinaire transmis de génération en génération. Le Dokounou, plat emblématique, incarne sa liaison avec des racines profondes et un renouveau discret dans la restauration. Face aux défis du marché de l’emploi, elle a choisi de transformer chaque obstacle en opportunité professionnelle. Sa détermination et son savoir-faire insufflent une nouvelle dynamique au secteur de la restauration locale.
Quand la tradition et l’ambition se rencontrent
« Je suis une passionnée de la cuisine et cette passion je l’ai acquise grâce à ma mère qui m’a apprise l’art culinaire traditionnel de son village »
Née en 1985 à Niamey dans le quartier Poudrière qui prendra par la suite le nom de Wadata, Houianio Épiphanie Mélanie, mère d’une fille et restauratrice, fut une jeune fille qui nourrissait de grandes ambitions. Fille de parents originaires du Dahomey, actuel Bénin, le père de Mélanie est un ancien combattant de l’armée française qui a combattu en Algérie. Après les indépendances, le père de Mélanie décide de rester au Niger et prendre la nationalité nigérienne. Après sa retraite anticipée, il a continué à servir comme comptable dans une entreprise de Niamey. La mère de Mélanie est une cousine de son père, les deux sont du même village situé dans le sud du Bénin.
Dès son jeune âge, Mélanie est animée d’un engagement pour ses ambitions. Cette dernière l’a propulsée dans ses études du primaire jusqu’à l’obtention de son baccalauréat au collège Mariama de Niamey dans les années 2004. En 2005, elle quitte Niamey pour le Togo où elle obtient son diplôme universitaire en commerce international. En 2009, Mélanie revient à Niamey et commence ses stages dans un service de la place. C’est là qu’elle entrera en contact avec son métier du future, la restauration.
« Je suis une passionnée de la cuisine et cette passion je l’ai acquise grâce à ma mère qui m’a appris l’art culinaire traditionnel de son village. Parmi les menus qu’elle m’a appris figure un plat que les gens aiment beaucoup et c’est le Dokonou. En partant pour mes stages, je prépare tôt mon Dokonou que je vais prendre comme petit-déjeuner. Arrivée au boulot, je partage avec mes collègues ma nourriture, ces derniers me disent toujours pourquoi ne pas préparer pour nous amener et on te paie. Au départ, j’ai hésité, mais je me suis posé une question pourquoi pas et cela peut me procurer un peu d’argent pour satisfaire certaines de mes factures. C’est à partir de ce moment- là que je me suis lancé dans le commerce des plats » a raconté Mélanie à Dialogue Migration.
« À part tes études qu’est-ce que tu sais faire le mieux dans ta vie ? »
Le temps passe et Mélanie peine à trouver un contrat de travail et son stage a pris fin depuis un bon moment. Plutôt que de rester au chômage, Mélanie a préféré se lancer pleinement dans la vente des ses mets en ligne et lors des foires dans la capitale Niamey. « Je me suis posé la question « à part tes études qu’est-ce que tu sais faire le mieux dans ta vie ? » et tout naturellement la réponse est la cuisine. C’est là que j’ai commencé la vente en ligne de mes plats et je prends aussi part aux foires où j’assure la restauration pour les exposants et visiteurs. Je me suis fait beaucoup de clients en ligne et les affaires marchent bien ». Vu que tout marche bien dans ses affaires, une des vieilles connaissances de Mélanie va lui faire une proposition qui va changer sa vie et sa vision de son entreprenariat. « C’est une de mes anciennes camarades de classe et amie d’enfance m’a conseillé de me lancer dans l’entreprenariat avec l’ouverture de mon restaurant. Si mon restaurant a vu le jour, c’est en partie grâce à ses conseils » a déclaré Mélanie.
Un combat pour réaliser un rêve et dans son environnement de son enfance
Après que son ancienne camarade de classe l’ait assistée à obtenir les documents lui autorisant d’ouvrir un restaurant, Mélanie s’est heurtée à un autre gros problème que l’on rencontre dans chaque grande ville, un logement. « Trouver un local à Niamey n’est pas chose facile surtout que je voulais l’avoir dans le quartier où j’ai grandi près de mon ancienne école, le collège Mariama » a confié Mélanie à Dialogue migration. Pour ce faire, la jeune restauratrice passe le temps à scruter la disponibilité d’un espace non loin de son ancienne école et ce même si ce n’est pas du côté de la grande voie. Dans un ton joyeux, Mélanie nous explique qu’elle a fini par obtenir son local « après des mois d’attente, ma détermination à porter ses fruits. J’ai eu mon local en face de mon ancienne école sur la grande voie en plus en 2024 ». Comme tout début, les activités ont débuté timidement pour Mélanie, mais par le temps la clientèle afflue. « Mes anciens clients comme les nouveaux viennent prendre soit leurs petit-déjeuner soit le déjeuner ou encore le dîner chez moi. Pour d’autres, ils préfèrent les commandes en ligne, service que j’ai conservé et amélioré » a indiqué Mélanie. Aujourd’hui, Mélanie emploie quatre personnes dont deux à plein temps. Elle collabore aussi avec les services de livraison dans la ville de Niamey. Le menu de son restaurant est constitué principalement de plats africains avec à leurs tête « la star des plats » comme elle aime l’appeler le Dokounou. À côté des recettes africaines, le restaurant de Mélanie propose aussi des pâtisseries lors des petits-déjeuners.
Le parcours de Mélanie s’érige en véritable manifeste de la passion et de l’audace entrepreneuriale au cœur d’un Niamey en pleine effervescence. Son histoire est celle d’une femme qui, nourrie par la transmission sincère des recettes de sa mère, a su transcender les difficultés pour s’imposer. De la vente en ligne de ses assaisonnements matinaux aux foires animées de la capitale, chaque étape a été une affirmation de son amour pour la cuisine et d’un engagement sans faille envers ses racines culturelles.
Face aux aléas du marché de l’emploi, Mélanie a su convertir chaque obstacle en tremplin, transformant une passion d’enfance en une entreprise florissante, implantée dans le quartier qui l’a vue grandir. Son restaurant n’est pas seulement un lieu où se dégustent des plats savoureux comme le Dokounou ; il incarne aussi l’alliance subtile entre tradition et modernité, et symbolise l’émergence d’une nouvelle ère gastronomique au Niger.
Cette aventure, à la fois intime et universelle, rappelle que la culture culinaire d’un pays est bien plus qu’un simple héritage : elle est le reflet d’une identité en perpétuelle évolution. Le succès de Mélanie inspire et redéfinit les contours d’un entrepreneuriat audacieux, invitant chacun à croire en ses rêves et à oser réinventer le quotidien.
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