Il ne s’en cache pas. Pour lui, sa vie au Bénin est une seconde chance que lui offre le ciel. ‘’Enfant terrible’’ d’Abobo en Côte d’Ivoire, il est aujourd’hui l’un des Disques Jokers (DJ) les plus célèbres de son actuel, pays d’adoption, où il réside depuis plus d’une décennie.
Allons à la découverte du parcours atypique de ce trentenaire, parti de son pays la Côte d’Ivoire, il y a 12 ans, plein d’incertitudes. Aujourd’hui au sommet du showbiz dans un pays d’Afrique, il ne semble s’emballer pour la migration vers l’occident.
Dès qu’on pousse les portes du cette boîte de nuit située dans les faubourgs de Cotonou, dénommée ‘’Dallas Club’’, c’est une ambiance électrique qui vous envahit. Nous sommes un vendredi soir. Comme à ses habitudes en début de week-end, Isaac DJ est aux manettes. De son vrai nom Isaac Dakouri, il n’est plus à présenter à Cotonou et environs et même dans certaines grandes villes du pays. Son nom trône sur nombre de visuels et autres affiches d’événementiel.
Il officie également dans une structure de communication téléphonique implantée dans le pays depuis plusieurs années en tant que DJ.
Avec son allure et ses dreadlocks, Isaac DJ se fait facilement remarquer dans une foule. L’ambiance sur les lieux témoigne de ses œuvres sur les platines. Les clients ont droit à des enchaînements de différents hits, de la sous-région et de la planète… tout un mélange rythmé avec des jeux de lumières à rendre fou les mélomanes qui chauffent la piste de danse ou coincés entre leurs sièges et des tables remplies de boissons de tous genres.
A ses débuts, Isaac DJ a été marqué au Bénin, par la nette différence sur bien des plans avec la Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, il aborde cela avec circonspection. “Par la grâce de Dieu je suis arrivé au Bénin, je suis aujourd’hui animateur DJ, tout ce que Dieu fait est bon”, dit-il. Il raconte que lorsqu’il débarquait au Bénin, il maîtrisait déjà l’outil informatique, “et je sais bien m’exprimer… ”, tient-il à préciser. C’est un atout non négligeable ayant contribué à son intégration dans le showbiz béninois.
Vécus et expériences…
S’intégrer dans un pays d’accueil n’est pas chose aisée. Isaac DJ lève le voile sur son cas. « Sincèrement, dans un milieu neutre c’est difficile de se faire un nom», précise-t-il le regard plongé dans le vide. Il évoque un pan de son parcours : «Quand je suis arrivé au Bénin, j’ai fait la cordonnerie dans un atelier professionnel. Actuellement je suis à la Fédération béninoise de roller sport, où je suis juge arbitre ». Sur ses pas, il entraîne sa petite fille qui s’adonne comme lui au roller sport : « Chaque week-end, je fais aussi le roller avec ma fille de trois ans » dit-il avec fierté. Tout en racontant son histoire, il montre des photos de sa fille et lui en patins dans son téléphone. Ainsi que celles dans lesquelles, il officie dans le staff de compétitions organisées à Cotonou, en présence d’officiels. Malgré les périples traversés, il semble tourner peu à peu la page. « Il y a ces moments qui nous permettent d’oublier ces périodes noires difficiles », avoue-t-il.
« Dieu m’a offert une seconde chance au Bénin »
Isaac DJ est l’un des ‘’rescapés’’ de la crise sociopolitique dans son pays la Côte d’Ivoire. Il a échappé de justesse aux événements de 2010-2011 en Côte d’Ivoire. Né à Abobo où il a fait toute son enfance, il a fréquenté le Lycée technique moderne Le Maou. Quand la situation a dégénéré en 2011, ses parents lui ont demandé de quitter le pays. Il n’a eu la vie sauve que sur un coup de chance, raconte-t-il. « Dieu m’a donné une seconde chance et je suis arrivé au Bénin. Aujourd’hui, je suis ce que je suis. J’ai une petite famille, un toit où dormir et j’arrive à m’en sortir », illustre-t-il.
Cependant, à son arrivée au Bénin, tout ne va pas se dérouler comme sur des roulettes. « Je suis arrivé à Cotonou en novembre 2011. J’ai emprunté le bus CTI pour le Bénin… Quand je suis arrivé, je dormais au Stade de l’amitié, à l’endroit où on vend les motos de marque Haoujou. Celui qui devait venir me chercher n’était pas arrivé. C’est des jours après avoir entrepris quelques petits boulots, que j’ai pu renouer contact pour qu’on vienne me chercher », se souvient-il.
Au Bénin, il va s’intégrer à travers le métier de Disque Joker (DJ), grâce au Coupé-décalé, cette musique urbaine ivoirienne très en vogue à l’époque dans la sous-région. « En Côte d’ivoire, déjà on faisait des émissions comme ‘’Wozo Vacances’’ où des groupes de danse de chaque localité du pays venaient s’exprimer à l’hôtel Ivoire pour les plus petits et ‘’Variétoscop’’, qui est le même concept pour les plus grands. J’étais à l’époque chorégraphe et fréquentait certaines personnes qui étaient à leur début et qui vont devenir après de grandes stars, comme DJ Arafat », relate-t-il.
Son intégration et sa renommée aujourd’hui, Isaac DJ le doit à son abnégation et son sens de la débrouille. Il a roulé sa bosse à Cotonou et parcouru le pays du Sud au Nord. « Quand je suis arrivé au Bénin, j’ai commencé en tant que DJ à California, après je suis allé à Bohicon au centre, Parakou, et Natitingou au Nord. Je suis revenu à Cotonou par la suite. J’ai fait des clubs de renom comme le Onze national, le Bar Rio, Destiny où j’étais manager de soirée, et Bluetooth … », indique-t-il.
Perceptions sur la migration dans la sous-région
Isaac DJ a épousé une béninoise et a appris également à parler le Fon, l’une des langues les plus usuelles du pays. « Pratiquement, j’ai appris le Fon. Je vais vous faire une confidence. Ma mère est de nationalité béninoise. Étant petit je ne l’ai jamais su. Je n’ai jamais su que ma maman est béninoise. Mon père lui, est de la famille Dakouri. Quant à mère, elle est née en Côte d’Ivoire, mais ses parents sont d’origine béninoise. C’est arrivé au Bénin que je l’ai su. Elle est de la famille Ahoyo », confie-t-il. Des éléments qui fondent son opinion sur la migration en Afrique. « Non il n’y a pas de frontières, on est tous des africains. Aujourd’hui si vous allez en Côte d’Ivoire, il y a des Béninois à Gonzague ville, à Dioufou à Grand Bassam ; et on parle du Bénin, du Burkina Faso, du Mali, du Sénégal… Ce sont les européens qui ont mis les frontières, sinon on forme un seul pays », plaide-t-il.
« Moi le conseil que je peux donner à mes frères, est qu’étant en Afrique on peut obtenir ce qu’on veut. Mais, il peut arriver qu’on ait envie de voyager pour connaître d’autres pays. En Afrique on a tout, la preuve est que c’est en Afrique que les européens viennent puiser les ressources », tranche-t-il. Isaac DJ s’est forgé une carapace et convie ceux qui sont hors de leur pays d’origine à faire preuve d’abnégation. « Être étranger dans un pays n’est pas une fatalité. Vous pouvez être étranger et devenir un héros avec la foi et la détermination. L’avenir se construit », conclue-t-il.
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