
De l’Afrique de l’Ouest à l’Europe, puis à l’Amérique du Nord, Éric Agbemelo a parcouru le monde sans jamais rompre le fil qui le relie à son continent d’origine. Aujourd’hui installé à N’Djamena au Tchad, ce Togolais voit dans le voyage une école de vie, et dans le retour, une responsabilité : celle de partager les connaissances acquises ailleurs pour construire l’Afrique d’aujourd’hui.
Fils d’un ingénieur agronome et d’une mère ayant étudié en France, Éric Agbemelo a grandi dans un univers où la mobilité allait de soi. Né au Togo, il découvre très tôt le goût de l’ailleurs en accompagnant son père dans ses missions pour Care International.
« Voyager m’a appris très tôt que la diversité n’est pas un obstacle, mais une richesse », confie-t-il.
Ses premiers déplacements l’emmènent au Bénin, au Ghana et au Burkina Faso, avant l’Europe. Après l’Allemagne et la Belgique, où il décroche son baccalauréat, il multiplie les escapades à travers le continent.
« En Belgique, nous étions ce que j’appelle la “génération colonie de vacances”. À chaque congé, avec nos sacs sur le dos, nous faisions le tour de l’Europe : Suisse, France, Tchécoslovaquie, Espagne… »
En 1996, il traverse l’Atlantique pour les États-Unis, puis s’installe au Canada deux ans plus tard.
De la découverte à la transmission
C’est au Canada que germe une idée : créer un pont entre les deux continents. De cette ambition naît AICA Universel, une organisation destinée à renforcer les échanges entre le Canada et l’Afrique. De là émerge le Centre International des Canadiens d’Afrique (CICA), un espace d’apprentissage et de partage culturel.
Le centre propose notamment des formations en langues (anglais, français, arabe) et en informatique. « L’idée est de renforcer les compétences des jeunes Tchadiens afin qu’ils répondent aux standards internationaux », explique Éric Agbemelo.
Mais au-delà des cours, CICA se veut un lieu de dialogue. « Notre mission est double : promouvoir le Canada en Afrique, mais aussi valoriser l’Afrique au Canada. Nous voulons bâtir des passerelles humaines, culturelles et professionnelles entre ceux qui partent et ceux qui reviennent ».
Pour lui, le voyage n’a jamais été une fuite, encore moins une quête de confort. C’est une recherche de sens.
« Mon grand-père disait : le chasseur qui part dans la forêt et trouve ce qu’il cherche revient le partager avec les siens. Moi aussi, je considère mes voyages comme une chasse à la connaissance. Ce que j’ai appris, je veux le ramener ici, en Afrique ».
Une autre manière de parler de migration
Avec le recul, Éric Agbemelo voit dans la mobilité bien plus qu’un déplacement géographique.
« Voyager, c’est se confronter à d’autres réalités, à d’autres façons de penser et de vivre. On ne cherche pas à voir ce qu’on veut, mais à découvrir ce que les autres ont à offrir. Ça change le regard ».
Il déplore la manière souvent négative dont les médias ou les discours politiques abordent la migration. « L’immigration ne concerne pas que l’Afrique. Depuis toujours, les humains se déplacent. On ne peut pas enfermer un homme dans une cage. Chercher ailleurs, c’est une façon d’exister ».
Quitter son pays, pour lui, ne signifie pas s’en détacher, mais le redécouvrir autrement.
« Voyager, c’est se transformer, mais c’est aussi revenir. Le voyage ne m’a pas éloigné de l’Afrique, il m’y a ramené différemment ».
Le voyage comme lien, non comme rupture
Aujourd’hui, à travers le Centre International des Canadiens d’Afrique, Éric Agbemelo transmet les valeurs apprises sur la route : curiosité, tolérance et respect. « Mes expériences à l’international font partie de mon ADN », affirme-t-il.
Pour ce citoyen du monde, le voyage n’est pas un exil mais un mouvement vital : un lien entre les peuples, une manière de réconcilier racines et ouverture.
« Voyager, c’est apprendre à aimer la différence sans perdre ses racines ».