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Le rêve d’une Afrique sans frontières face au calvaire des routes
Découverte
Le rêve d’une Afrique sans frontières face au calvaire des routes
Koffi Dzakpata 🇹🇬
Koffi Dzakpata 🇹🇬
April 28, 2025

La migration intra-africaine est loin d’être une nouveauté. De nombreux Africains voyagent chaque année pour des raisons professionnelles, familiales ou éducatives. Mais derrière l’idée séduisante d’un continent uni par des accords de libre circulation se cache une réalité bien plus complexe, marquée par des obstacles économiques, administratifs et parfois même psychologiques. Trois voyageurs africains nous racontent leurs expériences.

Des déplacements fréquents mais coûteux

Voyager à travers l’Afrique est devenu une nécessité pour de nombreux professionnels, artistes ou chercheurs d’opportunités. Mais pour beaucoup, le coût du déplacement reste un frein majeur à la mobilité.

« Je n’ai pas une fréquence définie, mais il arrive que je voyage dans un autre pays du continent au moins 3 fois l’année. Les défis restent tout d’abord économiques. Les coûts des billets sont trop chers. Au niveau des services d’immigration et de la douane, il ne m’est pas encore arrivé d’avoir un problème que ce soit. », affirme Komi Amewunou, éditeur chez Afrobarometer. Il est Togolais, réside et travaille au Togo.

« Mon installation à Bamako en venant de Lomé a été une expérience très difficile. Le voyage en lui-même a été un vrai calvaire. Le coût du transport varie entre 35 000 et 60 000 francs CFA, sans compter les nombreux frais de route, surtout à partir du Burkina Faso, où les paiements aux frontières peuvent s’élever à environ 15 000 francs. À cela s’ajoutent les dépenses pour la nourriture et les besoins de base pendant le trajet. Selon le bus choisi et les pannes techniques, le voyage peut durer entre 3 et 5 jours. Face à cette réalité, on se rend vite compte que la libre circulation des personnes en Afrique reste un grand défi. Si les biens peuvent parfois traverser les frontières plus facilement, ce n’est pas encore le cas pour les citoyens. Il y a encore trop d’obstacles, notamment administratifs et financiers. », explique Valère A., Béninois résidant à Bamako, où il est enseignant dans un lycée.

De la dure réalité aux frontières 

Malgré les traités de libre circulation entre États africains, beaucoup de citoyens se sentent étrangers sur leur propre continent. Le sentiment d’exclusion reste fort au passage des frontières.

Luc Akoumany, photographe et réalisateur togolais parcourt l’Afrique dans le cadre de son métier. Il décrit les difficultés qu’il rencontre fréquemment lors de ses voyages.

« En tant que photographe et réalisateur j’ai eu l’occasion de bosser avec des artistes et des institutions dans d’autres pays. Les défis rencontrés sont énormes. Entre autres, les formalités au niveau de l’immigration qui sont souvent longues et dès fois imprévisibles. Il y a aussi le manque d’informations sur les conditions d’entrées dans certains pays. Parfois vous êtes traité comme un étranger dans un autre pays d’Afrique, or vous êtes africain. Et c’est dur à vivre. ».

Valère de renchérir : « La libre circulation des personnes en Afrique reste un grand défi. Si les biens peuvent parfois traverser les frontières plus facilement, ce n’est pas encore le cas pour les citoyens. ». 

Avec le temps, certains s’attendaient à voir une amélioration dans les procédures d’entrée et de sortie aux frontières africaines. Mais les changements se font attendre, surtout sur les voies terrestres.

« Je n’ai pas remarqué d’évolution, je fais ces voyages par vol d’habitude. Peut-être qu’il y aura des changements au niveau de la voie terrestre. » note Komi Amewunou.

Un passeport unique africain : réalité ou utopie ?

L’idée d’un passeport commun pour tous les pays africains séduit de plus en plus de citoyens. Elle est vue comme une réponse aux barrières bureaucratiques et économiques qui limitent aujourd’hui la mobilité.

« Un passeport unique ou la suppression des frontières faciliterait les échanges et les transactions transnationales. Ce serait également l’opportunité de travailler plus librement sans entraves. La plupart du temps on perd beaucoup d’opportunités juste à cause des frontières. », souligne Luc Akoumany.

« Beaucoup de choses ! Un passeport unique africain ou la suppression de visa nous épargnerait de beaucoup de frais de visa et de formalité. Cela nous ferait aussi gagner en temps. Par exemple, je trouve incompréhensible qu’un citoyen togolais paye un visa à l’entrée de la Mauritanie pour environ 60 000 F CFA et vice versa, juste parce que la Mauritanie n’est plus dans la CEDEAO. L’autre chose avec les visas est que les organisations sous-régionales n’ont pas un système centralisé pour faire payer une fois pour de bon le visa aux étrangers qui en ont besoin. Par exemple, si je vais au Cameroun avec un visa camerounais, je ne peux pas utiliser ce même visa pour me rendre au Gabon. Je dois aussi payer le visa pour le Gabon alors que ces deux pays font partie d’un même espace sous-régional. », explique Komi. 

« Je pense que l’Afrique n’est pas encore totalement prête à abolir les frontières administratives, mais elle peut y travailler sérieusement. Il faut renforcer la coopération entre les États, harmoniser les politiques migratoires et faciliter les formalités de voyage. Une autre solution serait de mettre en place un passeport commun pour les pays de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) et d’imposer des règles claires pour limiter les frais abusifs aux frontières. » estime Valère.

Le manque d’information : un frein invisible à la libre circulation

Même lorsqu’ils ont le droit de circuler, de nombreux Africains ne sont pas informés de leurs droits. Le manque de sensibilisation et la complexité des accords rendent difficile leur application sur le terrain. Komi regrette cette situation confuse qui ouvre la voie aux abus.

« Je ne pense pas que les Africains soient bien informés sur leurs droits de circulation. Même s’ils le sont, ils sont impuissants face aux agents d’immigration qui peuvent user de leur pouvoir pour leur faire perdre inutilement du temps à leur passage. Par exemple, dans l’espace CEDEAO les citoyens sont libres de traverser les frontières, mais ce n’est pas toujours le cas pour beaucoup de passagers. Les services de migration exigent des frais que les citoyens se voient contraints de payer pour ne pas perdre du temps ou pour éviter des ennuis. », affirme Komi.

« Beaucoup ignorent les informations liées aux accords entre certains pays et qu’il est possible de voyager même sans visa dans certains pays. Si on était mieux informé, on oserait beaucoup plus voyager. » ajoute Luc.

Une mobilité à repenser pour un avenir plus uni

La mobilité en Afrique ne se limite pas à des infrastructures ou à des accords régionaux. Elle est aussi humaine, vécue dans les gares routières, les postes frontières, et les avions trop chers. Pour que la libre circulation devienne une réalité, il faudra s’attaquer à tous les freins : la corruption, le manque d’information, les barrières administratives, et les injustices vécues au quotidien.

« Pour que les citoyens circulent aussi librement que les biens, il faut aussi améliorer les infrastructures de transport, sensibiliser les autorités aux droits des voyageurs, et surtout, combattre la corruption sur les routes. », insiste Valère.

Un continent, une ambition, mais encore un long chemin. L’Afrique a le potentiel de devenir un espace de libre circulation exemplaire, mais ce rêve passera par des réformes concrètes, portées par ses citoyens et soutenues par ses dirigeants.


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