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Burkina Faso – USA : Da Sié de Bindouté ou la quête de souveraineté par la connaissance
Découverte
Burkina Faso – USA : Da Sié de Bindouté ou la quête de souveraineté par la connaissance
Ndengar Masbé 🇧🇫
Ndengar Masbé 🇧🇫
November 01, 2025

Analyste politique, sociologue et anthropologue, Da Sié de Bindouté s’est imposé au fil des années comme l’une des voix intellectuelles les plus écoutées du Burkina Faso et du continent africain. Panafricaniste convaincu, il se distingue par une pensée profondément ancrée dans la culture africaine et la recherche d’un développement endogène. Depuis les États-Unis où il vit depuis cinq ans, il continue d’observer et d’analyser les réalités africaines avec un regard à la fois critique et passionné.

Né dans le Sud-Ouest du Burkina Faso, Da Sié a grandi au croisement de deux mondes : celui des traditions ancestrales lobi et celui de l’école occidentale que son père, ancien combattant, encourageait malgré la méfiance ambiante. À cette époque, la région restait réfractaire à la pénétration coloniale et à tout ce qui représentait la culture du « Blanc ». Dans cet environnement, le jeune Sié (premier fils) a appris à conjuguer la sagesse de ses ancêtres et la rigueur académique, deux univers qui façonneront sa personnalité.

Son parcours scolaire débute au Collège d’Enseignement Général (CEG) de Batié, se poursuit au lycée Bafudji de Gaoua, avant qu’il ne rejoigne l’Université de Ouagadougou, aujourd’hui Université Joseph Ki-Zerbo, où il sortira major de sa promotion. Passionné de débats, de lectures et d’associations étudiantes, il s’y forge une conscience militante et un sens aigu de la responsabilité intellectuelle.

Un esprit façonné par la tradition

Fils d’un grand prêtre et chasseur de Bamba, Da Sié a été initié dès son enfance aux valeurs spirituelles et rituelles de la culture lobi. « Depuis le CM2, j’étais déjà très attaché à la tradition. On allait à l’école, mais on suivait aussi les rites de nos ancêtres », confie-t-il. Cette double éducation, traditionnelle et moderne deviendra le socle de sa réflexion anthropologique et de son engagement pour une Afrique réconciliée avec son identité.

Son adolescence marque aussi le début de sa curiosité pour l’histoire africaine. Au lycée, il découvre les civilisations anciennes, notamment l’Égypte pharaonique. C’est également là qu’il entend parler pour la première fois de Cheikh Anta Diop, qui deviendra son maître à penser, ainsi que de figures comme Joseph Ki-Zerbo et Théophile Obenga. Ces découvertes le plongent dans l’univers du panafricanisme intellectuel, nourrissant une passion durable pour la réhabilitation du passé africain.

L’éveil intellectuel et militant

À l’université, Da Sié de Bindouté s’investit activement dans plusieurs mouvements étudiants. Il crée sa propre association et rejoint des clubs comme celui de l’UNESCO ou d’anglais, tout en pratiquant le scoutisme. Il intègre aussi le mouvement « Génération Cheikh Anta Diop », héritier des idéaux panafricanistes portés par Thomas Sankara, Kwame Nkrumah et Joseph Ki-Zerbo.

Interrogé sur la genèse de son engagement, il répond avec un sourire : « Je ne peux pas dire quand j’ai commencé à militer. Je suis né dedans, j’ai grandi dedans. » Pour lui, défendre l’Afrique est une vocation naturelle. Inspiré par Ki-Zerbo dans la pensée, Sankara dans l’action et Cheikh Anta Diop dans la vision, il se forge une philosophie de vie centrée sur la dignité, la souveraineté et la conscience africaine.

Mais l’intellectuel reste lucide sur les obstacles qui freinent le réveil du continent. Il déplore la division ethnique, tribale et religieuse qui mine encore les sociétés africaines. « L’Afrique est exceptionnelle, mais les Africains ne s’en rendent pas compte. Quand tu t’engages pour elle, ce sont souvent tes propres frères qui te combattent », dit-il avec amertume.

Une expérience américaine enrichissante

Installé depuis cinq ans à Omaha, dans l’État du Nebraska (États-Unis), Da Sié de Bindouté poursuit sa mission intellectuelle à distance. Loin de son Burkina natal, il multiplie les conférences et les analyses sur la géopolitique africaine. Sa vie américaine est ponctuée de visites culturelles et de découvertes qui renforcent son admiration pour les racines africaines de nombreuses civilisations.

Au Metropolitan Museum of Art et au Brooklyn Museum, il contemple les œuvres issues d’Afrique et d’Égypte antique. « J’ai vu des statues plus grandes que l’homme, des temples dépecés… J’ai compris que ce que je lisais dans les livres était réel. » Ces découvertes le confortent dans l’idée que l’Afrique a été le berceau de la science, de l’art et de l’architecture.

En contemplant le pont de Brooklyn, il s’interroge : « Comment ont-ils pu construire de tels ouvrages ? » Pour lui, ces prouesses architecturales trouvent leurs racines dans la science égyptienne ancienne. « L’architecture africaine est plus présente en Occident qu’en Afrique », déplore-t-il, avant d’ajouter : « L’Occident doit beaucoup à l’Afrique. »

Sa conclusion, empruntée à son maître Cheikh Anta Diop, sonne comme un appel : « Il faut s’armer de science jusqu’aux dents. »

Son séjour américain, confie-t-il, « m’a ouvert les yeux, m’a instruit et m’a donné une autre perception du monde ».

La jeunesse africaine face aux défis du siècle

Pour Da Sié de Bindouté, la science reste la clé du progrès. Il exhorte sans relâche la jeunesse africaine à se former, à réfléchir, à créer. « La science, ce n’est pas seulement les calculs, les machines ou les laboratoires. C’est aussi la pensée critique, la capacité à comprendre et à transformer son environnement. ».

Mais il reste inquiet face à la situation actuelle des jeunes Africains, confrontés à la pauvreté, au chômage et à l’instabilité politique. Selon lui, l’Afrique est encore sous l’influence de dynamiques extérieures héritées du colonialisme, qui dictent ses choix économiques et politiques. 

Il s’en prend aussi aux dirigeants africains qui s’accrochent au pouvoir sans offrir de perspectives à leurs jeunesses. « Ils veulent seulement jouir du pouvoir. Et quand quelqu’un parle, c’est la répression. »

Pour lui, le problème majeur du continent réside dans le manque de véritable leadership : « Ce sont des colons noirs qui dirigent l’Afrique », lâche-t-il, amer.

Dans ces conditions, les jeunes, désespérés, n’ont d’autre choix que l’exil. Il cite l’exemple du Sénégal, riche en ressources naturelles et en potentiel agricole, mais qui reste l’un des plus grands pays pourvoyeurs de migrants vers l’Europe. « Les jeunes africains font face à des défis immenses. Leur situation est alarmante. »

Et pourtant, il demeure persuadé que cette jeunesse pourrait être le moteur du renouveau africain, à condition qu’on lui donne les moyens. Il plaide pour une éducation scientifique, agricole, militaire et technique tournée vers le développement. « On ne forme pas la jeunesse africaine à maîtriser la science, on la forme autour de thèmes émergents », regrette-t-il.

La diaspora africaine, un levier essentiel

Da Sié insiste également sur le rôle déterminant de la diaspora dans la reconstruction du continent. Pour lui, les Africains de l’extérieur sont des acteurs clés, non seulement par leurs transferts financiers, mais aussi par leur apport intellectuel et culturel. « La contribution de la diaspora est énorme », affirme-t-il.

Il rappelle que nombre d’avancées majeures aux États-Unis ont été impulsées par des Afro-descendants. La littérature de la Négritude avec Aimé Césaire, la lutte pour la dignité menée par Martin Luther King ou Malcolm X, ou encore la révolution haïtienne de Toussaint Louverture, ont profondément marqué la conscience noire et inspiré les leaders africains du XXe siècle.

L’intellectuel retrace aussi l’histoire du panafricanisme, né aux États-Unis et dans la Caraïbe avant d’être importé sur le continent par des figures comme Kwame Nkrumah ou Léopold Sédar Senghor. Ces hommes ont puisé leur inspiration dans les mouvements intellectuels noirs de Harlem et les revendications de justice sociale portées par la diaspora.

Aujourd’hui encore, cette diaspora poursuit son œuvre. Certains investissent dans leurs pays d’origine, d’autres financent des projets éducatifs, médicaux ou communautaires. D’autres encore s’engagent dans la coopération internationale ou le jumelage entre communes. Pour Da Sié, ces initiatives constituent un prolongement du combat panafricaniste, celui d’une Afrique unie, consciente et solidaire.

Une vision pour l’Afrique

À travers ses écrits et interventions, Da Sié de Bindouté défend une idée simple mais ambitieuse : la souveraineté de l’Afrique passe par la connaissance de soi et la maîtrise de la science. Pour lui, l’avenir du continent dépendra de sa capacité à puiser dans son passé glorieux pour inventer son futur.

Malgré les difficultés, il garde espoir. « Je crois en l’Afrique. Elle renaîtra par sa jeunesse, sa culture et sa science », répète-t-il.

Depuis Omaha, l’intellectuel burkinabè poursuit son œuvre : éveiller les consciences, rappeler l’histoire et inspirer la transformation.


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