A Loumbila, une commune rurale, située à environ 25 km de la capitale Ouagadougou, se trouve le premier musée de l’eau en Afrique. Créé en 2005, ce musée occupe une superficie de dix hectares. Son objectif est d’éduquer et de sensibiliser les jeunes sur les valeurs de l’eau, sa gestion, sa connaissance et ses vertus. Si l’eau est source de vie, elle est également source de la mort, en témoignent des milliers de jeunes africains qui meurent sur la mer en voulant partir en Europe. Et au musée de l’eau, le fondateur, Alassane Samoura a fait une représentation de ce drame à travers des « fausses » tombes des migrants avec un bateau qui a chaviré. Une représentation certes, mais qui donne des frissons.
Au musée de l’eau situé à quelques encablures de Ouagadougou dans la commune de Loumbila, il y a plusieurs objets, de toutes les formes qui s’offrent aux visiteurs. L’espace est magnifique. Entre les chants des oiseaux et l’air frais dégagé par de multiples plantes, c’est une véritable découverte. Découverte des objets d’ici (Afrique) et d’ailleurs. Lors d’ une visite guidée par Alassane Samoura, Dialogue Migration a découvert une très ancienne barrique de 1939. Elle servait à transporter de l’eau aux troupes pendant la deuxième guerre mondiale. Non loin là, se trouve une pompe de 1932, avec un poids de 200 kg à vide et une capacité de 200 litres. Elle a été importée depuis la période coloniale en Afrique.
C’est après une longue carrière dans des institutions de gestion que son fondateur a décidé de mettre en place ce musée dont le but est de faire de « l’eau un patrimoine ». « C’est après 25 ans d’expérience sur le terrain en tant que sociologue et anthropologue dans le monde des ONG, dans les projets et programmes hydrauliques que j’ai décidé de créer ce musée afin d’apporter quelque chose à l’humanité », a expliqué Samoura qui ajoute que son musée renferme 5OO symboles, tous, en rapport avec l’eau.
La crème de la jeunesse africaine est en train de mourir en mer
Si tous ces objets émerveillent plus d’un visiteur, il y a des symboles qui tiquent. C’est le cas des représentations des tombes qui jonchent le sol dans un coin du musée. Cet espace où trône une pancarte sur laquelle on peut lire Lampedusa est baptisé « le refus de la migration » ou encore « le refus de la mort de la jeunesse africaine sur les côtes maritimes ». C’est en tout une dizaine de tombes de jeunes africains de différentes nationalités qui ont essayé la traversée et qui ont trouvé la mort. Sur les différentes tombes figurent les noms et la provenance des victimes. Il y a Omar du Niger (30 ans), Florence du Ghana (32 ans), Kodjo du Togo (29 ans), Sene du Sénégal (19 ans), Da du Burkina Faso (25 ans), Kouamé de la Côte d’Ivoire (28 ans). « C’est vraiment la crème de la jeunesse africaine qui est en train de mourir en mer. Il y a aussi des femmes avec leurs enfants », lâche Alassane Samoura en soupirant, mine grave.
Derrière ces tombes, on aperçoit un monticule de terre dont le milieu est peint en bleu. Ce qui symbolise la mer. Aux abords, des morceaux de planches sont perceptibles. Le reste de la pirogue qui a chaviré. De ce drame, on compte un rescapé. Et c’est ce dernier qui racontera tour à tour, l’histoire de chacun ou du moins les raisons qui ont poussé à prendre ce périlleux chemin.
Il raconte donc que la mère de Omar a vendu ses bijoux pour lui permettre de partir pour un lendemain meilleur en Europe. Quant à Florence, c’est suite à un divorce qu’elle n’a pas pu supporter et donc obligée de partir. Kodjo dit que l’école ne lui convient pas. « Il faut que je trouve d’autres issues en occident », a confié Kodjo à Omar. Sene, lui, ses parents ont vendu leurs bétails à coup de millions pour lui permettre de partir en lui faisant croire que c’est possible. Da est fils d’un orpailleur. Son papa a vendu de l’or pour qu’il puisse partir car là-bas il y a plus de l’or. Kouamé a reçu un peu d’argent, du cacao et du café et il a cru pouvoir y arriver. Mais personne d’entre eux n’arrivera à destination.
Non à Lampedusa !
Pour le fondateur du musée, cette représentation vise à choquer pour éveiller les consciences, c’est une façon pour lui, raconte-t-il, de sensibiliser la jeunesse sur les dangers liés à la migration mais aussi leur faire prendre conscience que l’occident n’est pas un eldorado. « En occident ils ont plus de problèmes que nous en Afrique », a fait savoir le sociologue Samoura pour qui l’occident n’est pas le dernier essor.
« Non à la mort de la jeunesse africaine ! non à Lampedusa ! », s’écrit l’anthropologue Samoura avant d’indexer les dirigeants africains : « votre politique ne doit pas obliger la jeunesse à aller mourir. Votre démocratie est à revoir. La corruption, le népotisme… obligent la jeunesse à partir. Les gens ne partent pas parce qu’ils veulent. C’est parce qu’ils n’ont pas un lendemain meilleur ici ».
Pour lui, certains jeunes risquent leur vie parce qu’ils n’ont pas des bonnes informations sur la question migratoire. Il invite donc la jeunesse, malgré tout, à rester construire le continent parce que personne ne viendra d’ailleurs pour le faire à leur place. « Vous avez toutes les potentialités pour le faire », encourage-t-il, les jeunes.
Quick Links