En 2009 Patrick Kodjo Agbowadan foule le sol burkinabè en provenance de son Togo natal. Artiste plasticien, Patrick est un talent avéré. Dans la cour où il nous a accueilli, des tableaux avec différentes figures sont exposés. Certains sont accrochés au mur et d’autres adossés aux troncs d’arbres. C’est à Goughin en plein cœur de Ouagadougou que Patrick tisse sa toile. Entre son art et les œuvres sociales au profit des enfants démunis, Patrick se dévoile à Dialogue Migration.
Lorsque nous avons voulu savoir à quand remonte son début dans ce métier, Patrick Kodjo Agbowadan fait savoir qu’il ignore car selon lui « on naît artiste, on ne devient pas artiste ». Il renchérit qu’il est né dans une famille qui a toujours pratiqué l’art.
D’un père sculpteur, Patrick lui, a choisi l’art plastique pour véhiculer ses « messages, ce qui est à l’intérieur de moi, mon histoire et ma vie ». Ses réalisations montrent des personnages qui sont tantôt déformés tantôt en difficultés et sont majoritairement des enfants. Sur un tableau intitulé « l’ambiance des mômes » on aperçoit des enfants en plein jeu mais qui sont surpris de l’atrocité qui entoure leur milieu.
Sur un autre tableau dont le fond est en jaune s’y trouve un enfant qui semble effrayer, écarquillant largement les yeux et observant avec anxiété. « L’Agenouement », c’est ainsi que Patrick intitule sa toile qui d’après lui, traduit la réalité de son pays d’accueil le Burkina Faso à un moment donné. En effet, explique l’artiste qui était en résidence de création lorsque le coup d’Etat est survenu le 24 janvier 2022. Ce qui explique l’affolement du gamin.
A en croire l’artiste, il utilise des enfants comme personnage parce que ces derniers sont ses « sources d’inspiration », en plus d’être « divins ». Ils sont également « l’espoir de demain » qu’il faut protéger. Pour ce faire, lui et sa femme, elle aussi artiste peintre et comédienne, ont créé l’association « Terre des mômes » qui est en grande partie financée par la vente de leurs œuvres.
« L’art c’est une richesse. C’est mon intérieur, c’est une partie de moi, c’est ma personnalité », confesse le togolais qui estime que le Burkina Faso est une terre fertile pour la pratique de son métier.
Assis sur une chaise, Patrick ne cesse de contempler ses propres œuvres. Puis soudain, il se lève, prend un bouillard qu’il remplit d’eau puis muni d’un morceau de tissu, il se met à laver certains tableaux couverts d’une fine poussière. Une fois avoir rendu ses œuvres propres, il lance un petit sourire comme s’il y avait une sorte de communion entre lui et ses tableaux. « Mes œuvres me fascinent beaucoup », se réjouit-il.
Père de deux enfants, fruits d’un amour entre lui et sa femme burkinabè, Patrick affirme avoir par le passé tenté une aventure dans d’autres pays avant de mettre le cap sur le Burkina Faso dont il dit avoir entendu certains préjugés. Anecdote : « Avant de venir au Burkina Faso on nous racontait qu’il n’y avait pas de maison construite en dur (avec du ciment, des matériaux modernes). Alors dix ans après avoir parcouru le Bénin, le Nigéria, le Libéria me voici au Burkina Faso qui n’a rien à voir avec ce qu’on nous racontait ». Visiblement Patrick trouve son compte au pays des hommes intègres durant ses 14 années de vie. « Je ne savais pas que le Burkina Faso allait être comme ça pour moi. C’est une source d’inspiration pour moi », raconte fièrement avec un léger sourire.
D’une mère chanteuse traditionnelle, celui qui dit avoir pour religion le vaudou, prône le retour aux sources de la jeunesse africaine. Il raconte que son art renferme des vertus : « Mon art guérit et soigne. Il y a des œuvres qui donnent de la fertilité », foi de l’artiste plasticien.
Relative à l’immigration l’homme de culture laisse entendre que chaque personne est un immigré quelque part. Il se définit comme un « universel » qui voyage partout pour pouvoir s’exprimer à travers son art. « Quand tu ne voyages pas, tu ne peux pas créer », justifie l’artiste qui estime que l’homme doit avoir la liberté d’aller partout selon un adage de chez lui : « un proverbe de chez moi dit que la personne qui voyage voit mieux que la personne qui est en haut ».
Patrick rêve d’un métissage culturel entre les peuples africains. Il est convaincu que c’est le « brassage culturel qui va gouverner le monde de demain ». C’est dans cette optique qu’il dit être porteur d’un projet intitulé « Construisons ensemble aujourd’hui l’espoir de demain » où des artistes de la République du Congo, du Togo, de la Côte d’Ivoire, du Nigéria, du Bénin et du Burkina Faso y prendront part dans un élan de créer une sorte l’union africaine culturelle. Malgré les difficultés, l’artiste recommande l’optimisme aux jeunes africains et leur demande de ne pas baisser les bras.
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