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Valère ATIYÈ, 58 ans d’aventure: Des souvenirs sans rides
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Valère ATIYÈ, 58 ans d’aventure: Des souvenirs sans rides
Ange Banouwin 🇧🇯
Ange Banouwin 🇧🇯
February 15, 2023

Valère Atiyè est rentré de Bordeaux le 28 février 2022, après plusieurs décennies passées en Europe. Depuis son retour au Bénin, il vit dans sa résidence à Abomey Calavi, un quartier périphérique de Cotonou. Dans le calme de sa résidence, il passe désormais son temps à former les jeunes au soudage industriel et à partager son expérience aux jeunes candidats à la migration.

Valère Atiyè avait à peine 20 ans lorsqu’il quitta son Dahomey natal (actuel Bénin) pour partir à l’aventure. C’est avec l’approbation de son père, alors chef de gare à l’Organisation commune Bénin-Niger des chemins de fer et des transports (OCBN), à Porto-Novo la capitale du pays, qu’il va entreprendre de se rendre tout d’abord en Côte d’Ivoire. Il va y entamer une carrière de footballeur professionnel qu’il va poursuivre pendant deux ans.  

Il raconte que c’est durant cette période, qu’il va faire la connaissance d’un groupe de jeunes togolais qui vont l’associer dans leur projet de voyager vers l’Europe. Il s’en souvient: “c’était le 10 août 1965”.  

Début de l’aventure en Europe

En partant, Valère Atiyè n’avait, selon lui, aucune idée de sa destination. Dans le bateau qui le menait vers l’Europe, Atiyé se souvient qu’il était le plus petit. “On me cachait sous les lits et autres. Ce n’est pas comme aujourd’hui où quand on vous attrape, on vous jette à la mer aux requins…”, raconte-t-il. 

Lorsqu’il débarque à Bordeaux, il sera hébergé par un proche de ses compagnons de voyage. Deux semaines plus tard, la chance lui sourit. A la recherche d’un emploi, il tombe fortuitement sur un Français qui l’engage pour être manutentionnaire. Après cette première expérience, il va s’inscrire pour une formation professionnelle en Soudure.

Aujourd’hui, Valère Atiyè est âgé de 78 ans. Il a fait tout son parcours professionnel en France et en Allemagne où il travaillait comme soudeur industriel. Le septuagénaire totalise ainsi 49 ans de métier. Il affirme qu’il a plusieurs qualifications à son actif. 

“J’ai cinq agréments Français : Centrale nucléaire ; Construction navale ; Réparation navale ; Pétrole, Gaz de France ; et Aérospatial. Et si tu ne l’as pas tu ne peux pas travailler dans chacun de ces secteurs”, confia-t-il avec fierté. 

Bien qu’il y ait beaucoup de polémique autour de la migration, Valère Atiyè estime que cette dernière est un mal nécessaire. “Aussi bien pour les migrants que pour les pays d’accueil” plaide-t-il. 

Il donne sa propre expérience en exemple, durant son long séjour en Europe : “J’ai travaillé avec de vieux Espagnols qui ont fui leur pays pendant la deuxième guerre mondiale. Ainsi que des Portugais, des Polonais, des Yougoslaves, qui, eux aussi, avaient fui leur pays. Ils étaient de très grands professionnels”, affirme-t-il. Selon lui, à l’époque, c’était les meilleurs dans ce domaine, et “pourtant, c’étaient des migrants” fait-il remarquer. 

Valère assure que les travailleurs qualifiés ont toujours leur place dans le monde. Selon lui, ce que les pays d’accueil n’aiment pas, “c’est ceux qu’on appelle les gratte-papiers ”.

De la discrimination à l’égard des immigrés Noirs

Où qu’il se trouve, Valère ATIYÈ, défend bec et ongles ses origines africaines. Très au fait des “traitements inhumains” infligés aux migrants originaires d’Afrique Subsaharienne lors de la traversée de la Méditerranée, Valère ATIYÈ pointe du doigt certaines communautés dans les couloirs de migration.

Hormis les risques liés à la traversée, Valère ATIYÈ, relève la discrimination raciale dont sont aussi victimes des immigrants dans leurs pays d’accueil en Europe. “J’ai eu à réagir violemment un jour dans la société où je travaillais”, raconte-t-il à la suite des propos racistes tenus par l’un de ses collègues.

Selon ses dires, leur patron s’est rangé de son côté en renvoyant l’agresseur et en lui signifiant d’aller se faire soigner. Cette expérience l’a beaucoup marquée, confie-t-il avec émotion. 

Pour avoir été dans plusieurs pays d’Europe, Valère Atiyè affirme qu’il a rencontré de bonnes personnes, mais aussi de mauvaises. 

Il estime d’ailleurs que la France, par rapport aux autres pays européens qu’il a eu à visiter, est “un bon pays”. Selon lui, dans d’autres pays, les habitants n’ont aucune gêne à vous montrer leurs hostilités. “j’ai remarqué qu’ils n’aiment pas que des noirs soient financièrement à l’aise” dit-il. Et de poursuivre : “c’est comme si nous n’avons pas le droit de voyager et d’aller chez eux…”  

Si Valère Atiyè a pu rester aussi longtemps en Europe, c’est grâce à sa dextérité dans son métier. “C’est parce que je suis un soudeur de haute précision”, clame-t-il avec fierté. 

Toutefois, il reconnaît que malgré son habileté, le traitement salarial n’était pas le même avec tout le monde. Après des années d’expérience, il s’est retrouvé dans la catégorie de ceux qu’on désigne de «Chasseurs de primes».

Conseils pour candidats à l’immigration 

C’est fort de son expérience d’un demi-siècle que Valère Atiyè se permet de donner des conseils aux candidats à la migration. “Aller en Europe et s’y faire traiter de tous les noms, c’est un choix” dit-il. Et de poursuivre: “On n’est pas sur terre pour se faire maltraiter, mais plutôt pour jouer carte égale avec les occidentaux, à partir du moment où, nous pouvons faire la même chose”, conseille-t-il aux candidats à l’immigration. Il exhorte les autorités africaines à œuvrer dans le sens de la formation professionnelle, qui est, selon lui, une alternative pour faire avancer le continent africain. “Sinon, on va toujours dépendre des autres”, relève-t-il. Afro-optimiste, Valère ATIYÈ, invite la jeunesse africaine et surtout béninoise à savoir que c’est le travail manuel qui compte. Aussi, à ne pas se perdre de chemin en évitant de longues études. Contrairement à la pensée collective qui porte à croire que les immigrants ne sont là que pour envahir les autres, Valère ATIYÈ bat en brèche cette perception.

De retour dans son pays d’origine, il œuvre à inverser la tendance pour que les jeunes ne soient contraints de prendre le chemin de l’aventure pour défaut d’emplois. Et au cas où ils choisiraient cette option, que ce soit avec toutes les chances de leur côté. “Il y en a qui sont appelés à faire de longues études ; qu’ils le fassent. Je voudrais demander aux décideurs de privilégier le secteur professionnel et de le rémunérer valablement pour que les jeunes puissent s’y intéresser et ne soient découragés”, observe-t-il. Dans cette dynamique, depuis son retour au Bénin, Valère ATIYÈ s’investit à transmettre ses compétences acquises durant toutes ces années dans des centres de formation technique et professionnelle. Et c’est avec plaisir qu’il parle de son métier de soudure industrielle, et de ses expériences d’immigrant. Chez ce septuagénaire qui a traversé la Méditerranée clandestinement en bateau, au départ du port d’Abidjan, les souvenirs de son parcours d’immigrant n’ont pris aucune ride.


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