Les migrations ne se font pas que dans le seul sens Afrique-Europe. Il y a aussi ceux qui choisissent le chemin inverse comme l’ artiste-musicienne Franco-congolaise Ankaa. Dialogue Migration vous emmène à la découverte de cette artiste d’exception qui nous parle des raisons de son installation au Bénin, de ses projets musicaux ainsi que ses perspectives six ans après avoir quitté la France, pays où elle a vu le jour.
Connue des amoureux de la bonne musique urbaine lyrique sous le nom de Ankaa, Estelle est une artiste originaire du Congo Brazzaville. Née en France en 1984, elle y a grandi, fait ses études et travaillé. Son nom d’artiste, Ankaa, désigne l’étoile la plus brillante de la constellation du Phénix. Elle chante l’amour sous toutes ses formes ; qu’il s’agisse de son partenaire, de la vie, du travail, de la famille … Pour elle, l’amour est la base de tout.
La Française d’origine congolaise, très connue pour ses duos captivants avec son conjoint, n’a pas décidé de rentrer sur le continent en mars 2017 sans préparation. « On n’a pas décidé ça un beau matin, on a vraiment préparé notre arrivée. On a dû faire à peu près trois ou quatre voyages pour préparer ce grand retour avec toute la famille », explique-t-elle.
Pour elle, ce retour a tout un sens. « Je pense que c’était plus qu’un appel, c’était un besoin. On avait ce besoin de se réaliser et ce besoin aussi d’un retour aux sources pour nos enfants, parce qu’il y avait vraiment un besoin d’appropriation de la culture. Quelque chose qu’on n’avait peut-être pas oublié mais mis de côté », révèle Ankaa.
Rentrée sur Cotonou avec sa petite famille il y a six ans, alors que sa benjamine avait à peine quatre mois, Ankaa, maman de quatre filles dont des jumelles, ferait la même chose si l’occasion lui était donnée à nouveau. Pour elle, ce retour revêt tout un sens, au-delà de la quête de l’Eldorado vendu outre Méditerranée. « On avait de très bons emplois, on avait des postes à responsabilités mais on était arrivé à un niveau de notre carrière où on ne pouvait pas en fait dépasser le plafond de verre. Donc on a décidé de laisser tout ce qu’on avait et d’entreprendre. Alors, on a préparé ce projet en famille pendant des années et on est revenu un jour avec les enfants », explique-t-elle.
Des projets d’impact à foison
De l’avis de Ankaa, le manque de cadres adéquats de promotion artistique peut expliquer le fait que la plupart des artistes pensent beaucoup plus à migrer vers l’occident, quand ils commencent à émerger. Un vide qu’avec son partenaire, ils ont voulu combler en créant un cadre en Afrique, notamment au Bénin. Rentrée sur Cotonou avec son compagnon, ils avaient un projet de bar et d’espace culturel. Avec le bar, le couple Bénino-franco-congolais voulait mettre en avant les artistes locaux en leur offrant une plateforme de live, d’apprentissage de la musique avec un orchestre et aussi une structure média, dont l’homme est le CEO. Si avec le temps le bar a été fermé, l’espace média et celui de production pour artistes restent fonctionnels.
« On a vu qu’ils y avaient beaucoup d’artistes talentueux. Il y’en a vraiment pas mal qui d’ailleurs, depuis ces années, continuent d’évoluer, continuent de faire de la très bonne musique et on espère feront encore mieux. On avait aussi un besoin de s’ajouter aux structures déjà existantes car il n’y en a malheureusement pas assez et d’apporter notre touche, dans ce milieu artistique », affirme Ankaa.
Six ans après son retour, Ankaa trouve le Bénin et l’Afrique magiques. « Pour moi c’était vraiment important de venir m’installer au Bénin, parce que ça a signé mon retour en Afrique. Et j’avais un réel besoin de revenir aux sources, que ce soit au Congo (Brazzaville) ou au Bénin, parce que pour moi je considère que c’est aussi mon pays », confie Ankaa. Béninoise de cœur, elle est aussi responsable d’un fonds de développement personnel d’un groupe au Bénin.
Une touche musicale à la « Jay-z et Beyonce » et un album en perspective
Ankaa a commencé très jeune dans les chorales Gospel, Soul et a également été inspirée par la musique urbaine et la musique classique. En rencontrant très jeune son compagnon qui était dans la musique, une symbiose va s’installer. « Bizarrement (rire), j’étais dans un groupe, j’ai quitté ce groupe quand monsieur a rejoint ce groupe. On a une sorte de mixité musicale. Lui, vient d’un milieu musical assez urbain et moi d’un milieu musical assez Soul, Gospel. A force de s’accompagner l’un et l’autre de manière solo, on s’est dit mais pourquoi ne pas faire un morceau ensemble », confie-t-elle. Ses duos avec son compagnon ont commencé juste par des reprises de tubes dont le titre culte Love de Cotonou. Une reprise qui va être l’annonciateur de leur arrivée à Cotonou. Le succès de cette chanson va leur donner encore plus d’engouement. Dans leurs morceaux en duo, le couple parle beaucoup de ses expériences personnelles, de sa vie quotidienne ; d’ailleurs « le premier vrai single qu’on a vraiment partagé avec le monde c’est Entre nous deux » avoue Ankaa.
Cette voix de la musique africaine et mondiale qui chante aussi bien en solo qu’en duo avec son compagnon, qui est également son manager et son producteur, a un projet d’album avec des morceaux très connus des mélomanes mais aussi de nouveaux tubes : « un morceau qui parlera de notre histoire, un morceau qui parlera d’amour, d’amour et encore d’amour », décline-t-elle avec sourire et les yeux pétillants.
Cerise sur le gâteau, à offrir aux fans et mélomanes, « ce projet, c’est un bébé qui est sincère et original et pas vraiment classé dans un genre. On va essayer d’aborder toutes les thématiques qu’un couple pourrait rencontrer autant dans la genèse, la rencontre, que dans la jalousie. Dans le manque de maturité au départ et ce besoin de construction, les déceptions … on va aborder toutes ces thématiques-là », lâche-t-elle en exclusivité.
Le plafond de verre …
Si tout porte à croire qu’en Afrique, des femmes sont sujettes au phénomène du plafond de verre, en Occident, certaines y font également face bien que les questions du genre et d’égalité soient abordées. En dépit du fait d’être née en occident, Ankaa relève qu’il y a un côté d’enracinement et un autre côté où on sent qu’on n’est pas vraiment à sa place. « On a un pied dedans et un pied dehors et c’est vrai qu’au niveau de mes expériences vécues, j’en ai eu de très très bonnes et à l’inverse ce sentiment d’avoir une limite professionnelle où en tant qu’africaine dans le milieu dans lequel j’étais, je ne pouvais pas évoluer » regrette-t-elle.
« En dehors de la question du genre en occident, on a aussi cette question des origines malheureusement », relève-t-elle. « J’ai été responsable d’une structure de loisirs pour enfants et je travaillais dans une collectivité territoriale. J’avais passé des concours pour pouvoir avoir ce poste et je prétendais pouvoir passer plus de concours pour aller beaucoup plus haut comme Chef de service, Directeur… mais dans la ville dans laquelle j’étais, dans la collectivité dans laquelle j’étais, c’était compliqué. On va dire, c’était assez politisé… », illustre-t-elle.
Potentielle source d’inspiration pour des jeunes et bien d’autres de par son statut d’artiste-musicienne, à l’endroit de ceux qui veulent prendre le chemin de l’Europe ou qui entendent faire un retour en Afrique, elle parle aux jeunes : « le message que je pourrais passer aux jeunes n’est pas forcément de partir et de revenir, mais quelle plus-value on pourra apporter à notre propre pays, à notre continent ? Et je pense qu’il faut vraiment se poser la question très tôt pour savoir, si je pars, si j’apprends des choses à l’extérieur, en quoi cela pourrait servir à ma communauté, comment l’utiliser… c’est de grandes questions ». Pour celle qui connaît aussi bien le Bénin que le Congo Brazzaville, qui a été au Sénégal et récemment en Côte d’Ivoire, « l’Afrique, parlant de frontières, n’en a pas. On peut retrouver un Béninois au Sénégal qui sera tellement comme chez lui que finalement on ne dirait pas que c’est un Béninois. Vraiment l’Afrique n’a pas de frontière en fait. Nous même, on aurait pu venir au Bénin, comme on aurait pu aller au Sénégal, en Côte d’Ivoire, en Guinée, au Cameroun et s’y sentir aussi autant chez nous », dit-elle.
Cependant, Ankaa éprouve une profonde tristesse pour les personnes qui voyaient certains pays comme l’Eldorado ou on peut travailler, un endroit où on peut bénéficier de ses pleins droits, qui malheureusement ne le sont pas et espère que des mesures internationales seront prises à l’encontre de ces pays-là.
« Moi je pense que si on estime avoir besoin d’aller travailler dans un autre pays, il faut avoir la certitude qu’on est dans son plein droit. Et je pense qu’actuellement dans certains pays ce n’est pas encore le cas, malheureusement. J’invite tous nos frères et toutes nos sœurs à éviter d’aller dans ce type de pays où leurs droits au travail, et leurs droits naturels ne sont pas respectés », lance-t-elle.
Pour Ankaa, la migration des artistes n’est pas à décrier. « Je pense que c‘est un choix. On a pas mal d’artistes qui passent par là pour avoir leur visibilité, de meilleures formations, de meilleures opportunités puis revenir au pays comme modèle de réussite» dit-elle. A travers son choix, celui de venir s’installer au Bénin, Ankaa entend apporter une plus-value au pays et en occident.
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