Basketteur, caricaturiste et dessinateur, Hervé David Honla est un journaliste qui rit rarement. Aussi plaisant que simple, ce Camerounais naturalisé Burkinabè est constamment au centre des polémiques à cause de ses critiques sans complaisance. Rencontre avec ce journaliste culturel « incompris » du Burkina Faso.
Grand de 2,1m, démarche calme, silhouette imposante. Derrière ce physique, se trouve Hervé David Honla, journaliste, père de trois filles. L’homme est connu de tous les acteurs culturels et des médias du Burkina Faso. Après 22 ans de vie au pays des hommes intègres, l’homme fait un constat : « l’hospitalité très naturelle des burkinabè ». « J’ai trouvé des gens qui aiment leur pays, qui sont intègres et qui gardent leur culture. Ils aiment plus les allogènes que leurs propres compatriotes. La preuve, c’est eux qui m’ont logé et qui m’ont établi des contacts ». Comme preuve de solidarité, il témoigne : « J’avais eu un problème au pied qui m’a valu 6 mois à l’hôpital et quand les gens ont vu les images sur la toile, ils croyaient que j’allais être amputé. Mais j’ai reçu un élan de solidarité à tel point que je me demande si quelqu’un d’autre en a eu autant que moi. C’est allé jusqu’au sommet de l’Etat. Ils m’ont entièrement pris en charge. Certains ont contribué de façon anonyme. Tous ont contribué. Et même quand je venais d’arriver dans le pays certains m’ont logé et d’autres ont payé mon loyer avec quatre mois d’avance ».
Comment s’est-il alors retrouvé au Burkina Faso ? « Au Cameroun, j’étais membre d’une association des présidents des clubs, des entraîneurs, des animateurs de basket-ball de l’Afrique Centrale. Dans le contrat, il était prévu que je me rende au Sénégal et au Burkina Faso pour un partage d’expérience et également coopter les jeunes basketteurs pour les envoyer en France pour des camps de basket et éventuellement les faire recruter. Tout s’est bien passé au niveau de Ouagadougou. On a même joué certains matchs. Je devrais par la suite me rendre en France mais par concours de circonstance je n’ai pas eu de visa. C’était un contrat à renouveler dans trois mois, chose qui n’était plus possible. Et le projet s’est arrêté. Je ne pouvais plus aller en France ni repartir au Cameroun ».
Au pays de Thomas Sankara, l’enfant bouillant de Daoula va se reconvertir en caricaturiste et dessinateur. Par ces talents, le journal L’Indépendant du journaliste Norbert Zongo le recrute. Un an après, il se retrouve pigiste au journal Le Pays, un quotidien d’informations générales. Puis, il se retrouve au quotidien L’Observateur Paalga. « L’Observateur Paalga a été un véritable déclic pour moi », raconte-t-il avant d’ajouter que le public s’intéressait beaucoup à ses écrits qui étaient des critiques d’art parce que c’était un style nouveau au Burkina Faso.
Après sept (7) années d’expérience dans ce journal, il crée Oxygène Mag, un journal d’informations culturelles en ligne.
Risques du métier
Au fil du temps, Hervé, surnommé le Chat, devient un critique culturel renommé au Burkina Faso. On le consulte sur toute question liée à la culture, que ce soit dans le cinéma ou la musique. « Je suis comme le baromètre de la culture », indique-t-il, fièrement. Mais le journaliste-chroniqueur des chaînes de télévision informe qu’il y a assez de risques dans cette forme de journalisme. « Ça n’a pas été facile pour moi tout ce chemin parce que j’ai eu à faire la prison. Quand je me suis lancé dans la critique il y a des bas, beaucoup de bas parce que les gens ne comprenaient pas bien à l’époque cette forme d’analyse », raconte le Chat, qui dévoile que la liste des déboires aussi longue que le bras : « J’ai été menacé, agressé, fait l’objet de vols à plusieurs reprises. J’avais envie d’arrêter mais je me suis dis que c’est mon identité. Et je continue dans ce sens. Mais j’avoue que ma famille a souvent peur ».
Grand défenseur de la musique burkinabè, lorsque Hervé se présente dans un maquis ou un night-club, le DJ change automatiquement sa playlist (constituée généralement des chansons d’artistes étrangers) pour jouer de la musique locale burkinabè.
Critique d’art, directeur de publication d’Oxygène Mag, consultant journaliste, titulaire d’un DUT en Maintenance Industrielle, Hervé Honla est un homme multitâches qui dit être un “incompris”. Il est par ailleurs le promoteur des 12 PCA (12 personnalités culturelles de l’année), un évènement culturel majeur au Burkina Faso. Pour cet homme de culture, la culture est un levier qui peut contribuer à l’intégration des peuples. Pour cela, il faut “remettre la culture au centre du débat à l’exemple de la parenté à plaisanterie qui existe au Burkina Faso. L’inégalité culturelle fait que certains problèmes perdurent”. Il conseille de suivre la voie tracée par Thomas Sankara qui, de son avis, avait tout prévu.
Malgré la distance qui le sépare de son Cameroun natal, il y a toujours un regard. Le système politique qui gouverne le pays le révolte. « Je ne peux pas accepter l’injustice. Je suis contre la politique actuelle au Cameroun. Je n’apprécie pas la manière dont mon pays est dirigé ». Il apprécie tout de même le refus du Cameroun d’installer son ambassade au Burkina Faso suite à la mort de Sankara : « Mon pays le Cameroun a refusé d’installer son ambassade au Burkina Faso depuis le décès de Sankara parce que c’était l’homme emblématique de l’Afrique. J’apprécie cette décision camerounaise qui est noble et légitime ».
Fruit de l’immigration, l’aventurier Hervé encourage à son tour l’immigration, mais celle qui consiste à aller chercher les connaissances et les expériences puis revenir servir sa communauté. Pour lui, la jeunesse africaine a le droit d’aller reprendre ce que l’Occident a pillé en Afrique mais à condition d’y revenir. « C’est vrai qu’après les études, ils vont vous faire miroiter beaucoup d’argent avec des voitures à payer à crédit et bien d’autres avantages mais revenez toujours investir en Afrique », conseille-t-il, tout en déconseillant l’immigration clandestine qui, de son avis, comporte assez de risques. Il nourrit un optimisme quant à l’avenir de son continent : « Je sais que la prochaine migration, c’est en Afrique », conclut-il.
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