
Zongo, l’un des premiers quartiers de Lomé, a connu une transformation spectaculaire depuis 1979, où sa population était estimée à seulement 1 400 habitants. Aujourd’hui, ce quartier emblématique fait face à une urbanisation rapide, reflet de la dynamique des grandes villes africaines. Le dernier recensement révèle que le Grand Lomé (la plus grande agglomération du Togo) compte désormais 2 188 376 habitants, une croissance qui impacte directement l’urbanisation. Cependant, cette expansion a conduit à l’occupation de zones non viabilisées, comme le nouveau Zongo, situé dans un environnement marécageux, rendant l’accès difficile et exposant les résidents aux inondations. Le Dr Anoumou Kouassi Rodolphe souligne que cette urbanisation non maîtrisée pose de sérieux défis. Pour garantir un cadre de vie décent, il est impératif d’élaborer des plans d’urbanisme avant l’occupation des territoires. Découvrez comment ces enjeux façonnent l’avenir de Zongo et les solutions envisagées pour améliorer la vie de ses habitants.
Un carrefour où le passé rencontre le présent
Au cœur de Lomé, le quartier de Zongo symbolise la collision de l’héritage et de la modernité. Jadis, dès 1979, ce secteur comptait à peine 1 400 habitants et servait de point de convergence pour les commerçants et les familles venues des quatre coins de la région. Aujourd’hui, alors que Lomé ne cesse de croître, Zongo se retrouve en première ligne d’une urbanisation galopante qui réinvente sans cesse la configuration de la ville.
L’évolution démographique fulgurante de la métropole, désormais riche de 2 188 376 habitants selon le recensement de 2022, met en exergue le défi d’une planification urbaine souvent improvisée. Ce bouleversement s’inscrit dans un contexte typique des grandes agglomérations africaines, où la quête d’un habitat et d’infrastructures adéquates se heurte à des impératifs historiques, économiques et sociaux.
Un héritage multiculturel
Durant les années 1970, Zongo ne se contentait pas d’être un simple espace résidentiel. Il se distinguait par son caractère cosmopolite, où nigériens et commerçants venus du Nigéria, du Bénin, du Burkina Faso et d’autres horizons se retrouvaient pour échanger, tisser des liens familiaux et renforcer les réseaux communautaires.
Cette mosaïque culturelle a façonné un quartier accueillant, chaleureux et dynamique, capable d’allier tradition et modernité. Le lien indéfectible entre les habitants, parfois appelé « la voie de la roue du retour », illustre un phénomène unique de rassemblement par filiation, par religion et par solidarité. Ce riche passé, bien que porteur d’une identité forte, se heurte aujourd’hui aux exigences d’un développement urbain non maîtrisé.
Le dernier recensement démontre une croissance démographique spectaculaire qui affecte l’ensemble du Grand Lomé. En l’espace de quelques décennies, la population de la capitale togolaise a explosé, multipliant par plus de 1 500 le nombre d’habitants qui peuplaient autrefois Zongo.
Cette augmentation rapide de la population induit une pression énorme sur les infrastructures existantes. Malheureusement, la croissance effrénée se fait souvent au détriment d’une planification réfléchie, générant ainsi des déséquilibres et des difficultés d’accès, comme en témoigne le cas du nouveau Zongo.
Le nouveau Zongo : Un site inhospitalier par essence
Face à l’urgence de loger de plus en plus d’âmes, la population de Zongo a étendu son territoire vers un nouvel espace situé dans un environnement marécageux. Ce « nouveau Zongo » est implanté sur une zone non viabilisée, où le sol inondable et l’absence d’infrastructures sanitaires fondamentales posent de sérieux problèmes.
Les habitants se retrouvent confrontés à un quotidien rythmé par les caprices de la nature. « Pendant les fortes pluies, les voies d’accès se transforment en véritables torrents, rendant le déplacement presque impossible, » raconte Kalilou, un résident nigérien qui vit au cœur de cette zone marquée par l’improvisation. Ce témoignage poignant souligne les risques encourus et la précarité d’un aménagement qui n’a pas anticipé les réalités climatiques et topographiques.
L’appel d’une planification urbaine réfléchie
Le cas de Zongo illustre avec acuité l’impératif d’une urbanisation maîtrisée. Le Dr Anoumou Kouassi Rodolphe, spécialiste en sociologie urbaine, nous rappelle ces constats essentiels : « Trop souvent, dans notre continent, l’habitat précède l’aménagement. Nous assistons à une occupation de territoires sans que ceux-ci ne soient viabilisés, et c’est là une source majeure de vulnérabilité. »
Face à cette problématique, il devient indispensable d’adopter une démarche proactive en matière de planification urbaine. L’idée serait d’imaginer un développement qui intègre dès le départ les infrastructures de base réseaux sanitaires, assainissement, systèmes de drainage « afin d’éviter que des quartiers entiers soient livrés aux caprices du climat et aux inondations. L’expérience de Zongo, dans son contraste saisissant entre un riche passé et un présent chaotique, offre un enseignement majeur pour toutes les villes africaines en pleine expansion » prévient Docteur Anoumou Kouassi Rodolphe.
Initiatives citoyennes et réponses locales
Si l’urbanisation non maîtrisée pose de sérieux défis, elle suscite également des réactions spontanées des habitants. Devant l’impossibilité pour les taxi-moto de circuler lors des fortes pluies, ainsi que la détérioration progressive des infrastructures, certains résidents n’hésitent plus à agir. Ainsi, le récent aménagement d’un collecteur d’eaux, réalisé par un opérateur économique nigérien habitant du nouveau Zongo, symbolise une réponse à la fois ingénieuse et urgente aux problèmes locaux.
Ces initiatives citoyennes, bien que ponctuelles, illustrent la capacité d’autogestion de la communauté face à l’adversité. Elles témoignent de la volonté des habitants de contribuer, à leur échelle, à la mise en place de solutions capables d’améliorer la qualité de vie. Toutefois, ces actions ne sauraient remplacer une politique urbaine cohérente et planifiée par les autorités compétentes.
Vers un urbanisme réinventé
L’avenir de Zongo demeure intimement lié à l’évolution de la métropole (Lomé). Alors que la ville se trouve à un tournant décisif, la réflexion sur un urbanisme modernisé et inclusif s’impose avec force. Les acteurs locaux et les experts s’accordent pour dire que « le développement urbain ne peut être une réaction purement démographique ; il doit être le fruit d’un concert entre projection anticipée et besoins réels des citoyens » affirme Anoumou Kouassi Rodolphe.
Le défi consiste désormais à transformer une urbanisation chaotique en un développement structuré, garantissant à chacun un cadre de vie digne, sécurisé et en harmonie avec le passé historique du lieu.
Zongo se trouve à la croisée des chemins, entre un héritage mémorable et les tumultes d’un urbanisme effréné. Les choix d’aujourd’hui détermineront si ce quartier emblématique parviendra à préserver son identité unique tout en s’adaptant aux exigences du XXIe siècle. L’enjeu est de taille pour Lomé et, par extension, pour toutes les villes du continent qui doivent relever le défi de concilier tradition et développement rapide. Face à ces mutations profondes, l’expérience de Zongo pourrait bien servir de modèle pour redéfinir l’urbanisme en Afrique, alliant respect des histoires locales et anticipation stratégique des besoins futurs.
Quick Links