De par le monde, le Bénin a la renommée de terre du Vodun. Dans le pays, chaque 10 janvier, il est commémoré la fête du Vodun, depuis 1993. A partir de 2024, la célébration est étendue sur plusieurs jours et dénommée les Vodun Days. Cette notoriété du Bénin ne s’est pas construite sans un phénomène.

Dans la culture Vodun, on distingue une multitude de divinités et une diversité de  cultes. Ce dimanche matin d’avril 2025, dans un quartier périphérique de Cotonou, de blanc vêtus et parés de colliers de perles, pieds nus, des adeptes dansent sous le rythme des tambours et d’une chanson reprise en chœur. Nous sommes dans un couvent de la divinité Tron.

Pratiqué au Bénin, le culte Tron est importé du Ghana via le Togo, au début du siècle. « Malgré le flou des informations concernant l’histoire du culte et de sa migration, chacun se plaît à lui reconnaître une origine ghanéenne et hausa, d’influence islamique », dit Emmanuelle Kadya Tall, chercheur dans son article “Thérapeutique islamique et vodouiste : points de rencontre ’’. L’auteur indique que « la plupart des chefs de culte interrogés honorent les grands vodun populaires tels que : Sakpata, Xevioso ou Dan ».

Migration intra-africaine

Le terme « Vaudou » vient du mot Fon « Vodun », signifiant esprit ou divinité. Ces divinités peuvent prendre la forme d’animaux, de forces surnaturelles, ou encore d’ancêtres divinisés.

Le Vodun prend ses racines au XVIIIe siècle à Ouidah, ancien port négrier situé à la côte de l’actuel Bénin. A l’époque, Ouidah était un important centre commercial du royaume du Danxomè, qui s’étendait sur plusieurs localités du sud de l’actuel territoire du Bénin. Un carrefour de cultures, où les traditions des royaumes Yoruba et Ashanti se mêlaient, formant un riche terreau pour la naissance du Vodun tel que connu aujourd’hui.

Rapidement, le Vodun devient une pratique religieuse centrale au Danxomè, où les prêtres et prêtresses, considérés comme de hauts dignitaires religieux, jouent un rôle crucial dans la société. Ces figures spirituelles sont responsables de maintenir la paix avec les esprits et d’assurer la prospérité du royaume.

De l’introduction du Fa sur l’actuel espace du Bénin

Le Fa ou IFA, aux dires des anciens et des grands Bokonons (devins-ndlr) est le dernier né de toutes les divinités, des dieux. Élément ‘’incontournable’’ dans la culture Vodun, le système de divination IFA a été ajouté en 2005 par l’UNESCO sur sa liste des chefs-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité. La ville d’Ifè située sur le territoire de l’actuel Nigéria reste pour tous les adeptes, le sanctuaire incontesté de IFA.

Originaire d’Afrique de l’Ouest Yoruba l’oracle IFA a atteint le territoire de l’actuel Bénin vers le XVII^e siècle par l’intermédiaire de l’actuel Nigéria.

Le IFA se pratiquait officieusement dans le Danxomè, l’un des plus grands royaumes du sud de l’actuel territoire du Bénin, avant de devenir un moyen d’investigation et de décision reconnu. Une anecdote historique raconte comment cette pratique divinatoire a été adoptée par la cour royale d’Abomey, le cœur du royaume.

Lien étroit entre déplacement et installation des populations

Dans ce village au centre du Bénin, qui compte des centaines de Vodun, il est interdit l’élevage du porc au risque qu’ils soient déterrés par les bêtes. Un des sages confie que certains Vodun sont apparus à l’endroit où ils sont, et d’autres importés d’ailleurs.

Un membre d’une collectivité qui régente des divinités d’un village voisin, indique comment à l’installation de leurs ancêtres dans le village, ils ont fait venir ces Vodun pour assurer protection et prospérité.

Au nord du Bénin, entre autres groupes ethniques, on distingue les Bariba, l’un des plus représentatifs. Ouénou, est le cœur de Nikki, vaste royaume Bariba fondé entre le XV^e siècle av J-C et le XVI^e siècle. L’histoire rapporte qu’avant de quitter Busa, pays Boko situé dans l’actuel Nigéria pour venir s’installer définitivement à Ouénou, les Wassangari (Bariba) viennent de la Perse antique.

Leur ancêtre Kisra, Kissira ou Kissia selon le cas fut un idolâtre, empereur de Perse, actuelle Iran, que l’avènement de l’Islam a fait fuir de son pays avec ses adeptes. Chaque année le peuple Bariba célèbre la fête de la Gaani avec des rites et traditions.

Outre ceux-ci, la pratique du Vodun, sous différentes appellations des peuples venus de différents horizons et résidents dans l’actuel territoire du Bénin reste une réalité. Les prouesses épiques de certains résistants à l’invasion coloniale, restent évocatrices.

Migration outre Atlantique

Dans son livre “Cultures vodoun : manifestations, migrations, métamorphoses : Afrique, Caraïbes, Amériques”, paru en 1992, le sociologue Béninois, Honorat Aguessy, fondateur de Institut de développement et d’échanges endogènes (IDEE), a fait le lien de la dissémination du Vodun, de l’Afrique vers d’autres continents.

Avec la traite négrière, le Vodun a voyagé à travers l’Atlantique, emporté par les esclaves vers les Amériques.

Là-bas, les fidèles ont continué à pratiquer leur culte, souvent en secret, pour échapper à la répression des colons. Ce contexte a forcé le Vodun à s’adapter et à intégrer des éléments d’autres religions. Ainsi sont nées de nouvelles formes de Vodun, telles que celles pratiquées en Haïti, en Louisiane et aux Antilles, métissées avec des pratiques chrétiennes, hindoues et même musulmanes.

Le Vodun s’est mélangé avec d’autres croyances, et a profondément influencé plusieurs cultures dans les Amériques, notamment à travers des pratiques telles que la Santería à Cuba, le Vaudou en Haïti et le Candomblé au Brésil.

Le 30 juillet 2024, l’Assemblée nationale du Bénin a adopté une loi instituant la fête annuelle des religions traditionnelles en République du Bénin. Cette loi déclare que la célébration de ces religions aura lieu chaque année le deuxième vendredi du mois de janvier. En conséquence, le jeudi précédent et le vendredi sont désormais des jours fériés, chômés et payés. Il s’agit des Vodun Days. Un événement à la fois cultuel et culturel qui attire des touristes et adeptes du Vodun de par le monde au Bénin.